À l'école, je n'ai jamais aimé l'histoire et la géographie. D'autres n'ont jamais aimé les maths. Pourtant, je suis persuadé que les trois peuvent être passionnant. Et pour les maths, j'en suis persuadé.
J'ai toujours du mal avec le premier sujet d'ailleurs, que l'histoire soit réelle ou imaginaire. Par exemple, j'ai voulu tout connaître de Tolkien, mais j'ai autant de mal à me souvenir de l'histoire des terres du milieu que de la vraie histoire. Je sais qu'Iluvatar a créé un monde, Arda - et encore j'ai du googlé pour retrouver son nom - qui se trouva séparé en deux continent, et qu'un continent peuplé de dieux devient pratiquement inaccessible aux hommes.
Par contre, je sais que les morceaux d'histoires que Tolkien a écrit sur la terre du milieu était passionnants, ce qui n'est pas l'impression que me donnaient mes cours d'histoires. Je ne sais pas quoi en conclure.
Cette longue intro n'a pratiquement rien à voir avec le
schmilblick. J'avais envie de parler de l'évolution dans le temps et
l'espace d'un sujet particulier.
En fait, j'ai récemment pris goût à découvrir l'évolution de tel ou
tel sujet qui m'intéresse. Ainsi, j'ai récemment lu deux livres
traitant de de l'homosexualité[1].
Réflexions sur la question gay parle - entre autre - de la manière
dont l'homosexualité masculine a évolué, entre les grecs, les auteurs
tels que Wilde, Pagnol ou Genet, et enfin l'époque de l'écriture du
livre -en regrettant cependant que les pratiques homosexuelles de
célébrités soit plus facile à décrire aujourd'hui que celle des gens
du peuple, qui était peut être fort différente, mais dont il ne reste
aucun témoignage. Ça m'a intéressé de savoir que dans les années 20 on regrettait la mode de la pédérastie, qui est né avec le contact des allemands durant la grande guerre, et on déplorait déjà qu'il faille en être pour être crédible en tant qu'artiste... Et je parle pas des années 2020. (D'ailleurs, j'ignorai que pédérastie - pédé - était le mot utilisé pour s'autodésigner, pour utiliser l'illustre passé des grecs comme argument. Et que ce n'était pas une insulte.)
Et Global Gay, dont j'ai écrit une longue critique où je le recommande chaudement. Ce livre traite de la "géographie" de la question, la manière dont elle est traité dans différents pays.
Ceci était encore une digression. Ma réflexion me vient de ''Il était une fois la chanson française'' de Marc Robine, un auteur et interprète que j'adore, qui a beaucoup travaillé à faire revivre, en livre et en cd, l'histoire de la chanson française, des trouvères à nos jours. Bien que passionnant, ce bouquin est un peu léger à mon goût. Mais l'auteur a l'excuse d'être mort avant de l'avoir fini, donc je me consolerai avec le reste de son œuvre.
La chanson francophone a une histoire magnifique. Des jolies petites
histoires de personnes dans la grande histoire qui s'est créé avec
l'évolution des styles et des modes, des chansons réalistes aux
yé-yé, des interprètes, comme Reggianni ou Gréco, aux
auteurs-compositeur-interprète comme Brassens ou Goldman.
La chanson francophone est aussi inspirés de la chanson étrangère bien sûr, inspirations et adaptations. Personnellement, je n'arrive pas à ressentir sur de l'anglais -même quand je le comprend- le plaisir que j'ai avec une bonne chanson en français, mais ça ne m'empêche nullement d'apprécier Traces de Pascal Rinaldi, un cd de chanson traduite en français.
Mais l'humour ?
Je ne sais pas, je réalise que l'humour semble avoir ni histoire ni géographie. Et ça m'attriste.
Bien sûr, j'exagère, l'humour c'est vague, le genre de la comédie est très vieux, et le cinéma nous offre des films hilarant provenant d'un peu partout.
Mais disons, l'humour en solitaire, ou en duo, face à un publique, c'est quoi son histoire ? Sans faire un mémoire sur le sujet - ce billet est déjà bien long - vous m'accorderez que la nuance entre un sketch, un spectacle de sketch, et une pièce de théâtre, même comique, est grande. (Même si on pourra toujours trouver des cas où une œuvre serait dur à classer de manière certaine dans une catégorie ou l'autre).
Et puis de même, c'est quoi l'existence du seul en scène en dehors de la France ? Je connais des humoristes québécois, quelques belges, un suisse. Je connais des humoristes américain ou anglais. Après, plus rien. Même si je ne comprendrai pas un humoriste allemand ou indien dans le texte - en supposant qu'ils existent - pourquoi est-ce qu'ils ne sont pas traduit, quand leur chanson peuvent être traduites ?
Bien sûr, Devos serait probablement intraduisible, à cause des jeux de mots. Mais tous ne font pas ça. Bien sûr, il manquera toujours un peu de contexte - indispensable à l'humour -, mais après tout j'ai ce même problème quand un humoriste québécois cite le nom d'une personnalité de chez eux, et se moque de l'anglais d'unetelle, ou de l’embonpoint d'untel, mais ça ne m'empêche pas de comprendre globalement de quoi ils parlent. Donc je ne vois pas pourquoi je ne comprendrai pas une histoire d'un humoriste allemand; et je serai justement curieux de savoir à quel point je pourrai rire à une sketch d'un indien, dont la culture m'est plus éloigné.
D'ailleurs, reprendre un humoriste étranger est mal vu en France. Tout comme un "bon" chanteur doit être auteur compositeur interprète, un humoriste doit nécessairement écrire son texte, ou au moins le co-écrire. Je n'ai jamais compris de raison profonde pour laquelle il n'y a pas d'humoriste interprète - comme il peut y avoir des chanteurs qui se font toute une carrière en interprétant les autres, en faisant des reprises de textes du passé, voir en traduisant en français une chanson étrangère. Pourquoi est-ce que le francophone ne pourrait pas apprécier en français les textes de Georges Carlin ou d'Eddie Izzard[2].
La nuance existe quand même sur un point: les chanteurs qui traduisent donnent sur le cd le nom de la chanson originale, quand les humoristes connus pour voler des vannes à l'étranger se gardent bien de citer leur auteur. L'histoire se répétant, les comptes à succès ont le même problème sur twitter.
Retournons à l'histoire.
Historiquement parlant, je connais des noms d'anciens humoristes, Élie Kakou, Raymond Devos, Les Frères Ennemis, Fernand Raynaud, Robert Lamoureux, Pierre Dac... Qui ne sont d'ailleurs pas si vieux que ça; à part Fernaud Raynaud, je connais des gens ayant connu tous ces humoristes là.
Et avant eux ? Rien. Je sais qu'il y a eu des pétomanes, des comiques
troupiers, des comiques dans les caf-conc' et les cabarets, sans que
j'ai le moindre moyen de savoir aujourd'hui ce qu'ils y faisaient,
quel était leurs styles, leurs propos, leurs textes... Même l'article
humoriste de wikipédia est
pratiquement vide, sans un mot sur notre histoire.
Au mieux on peut trouver à la librairie théâtre quelques vieux recueils d'une dizaine de page comprenant des sketchs de comiques troupiers, datant du début du siècle dernier, et d'aussi vieux recueils de "monologue" à dire en famille. Il y a aussi quelques recueils de Saynète, encore que le seul que j'ai vu jusqu'à présent soit celui de Feydeau, surtout connu pour son théâtre de boulevard.
Mais tout ça, ce n'est pratiquement rien comparé à des ouvrages comme
la clef du caveau
contenant plus de 500 pages d'airs connus - de timbre - du 18ème et 19
siècle. Et qui pour le coup proviennent de bien plus qu'un seul
compositeur (enfin, on suppose).
Est-ce que ça veut dire que le seul-en-scène a tout au plus un siècle et demi ? J'ai du mal à le croire. Et ça m'attriste sincèrement de ne rien connaître de nos ancêtres spirituels (très spirituels j'espère). Et surtout, de ne pas connaître leur styles.
Aujourd'hui, deux styles se partagent la scène: le sketch de personnage, et le stand-up. On joue à se faire la guerre, même si en vérité beaucoup d'humoristes - dont je fais parti - disent se placer entre les deux. Le stand-up est sensé être moderne, même si Robert Lamoureux faisait déjà du stand-up comme M. Jourdain de la prose. Mais n'y a t-il pas de troisième style ? Un qui est oublié ? Ou qui serait à inventer peut-être. Est-ce qu'à force de tout classer dans ces deux styles, on rate l'émergence d'un troisième qu'on veut forcément faire rentrer dans une case d'aujourd'hui ?
Et sinon, si le seul en scène comique a vraiment moins de 150 ans, j'aimerai beaucoup connaître ce qui a provoqué ce changement. Pourquoi est-ce je connais seulement une dizaine d'humoriste mort quand j'en suis 137 sur twitter ? Le petit théâtre de Bouvard, La Classe, le Jamel Comedy Club puis Ondar ont lancé des humoristes, tout comme l'a fait le petit conservatoire de Mireille avec certains chanteurs. Ces émissions ont sûrement créé des vocations, mais j'ai du mal à croire que ça explique tout à lui tout seul.
Pour conclure, je ne sais pas si je suis geek de Tolkien. J'aimerai être au moins geek de l'humour, mais en fait c'est dur, notre histoires est moins documenté que celle de la terre du milieu, je ne comprend pas pourquoi et je le regrette amèrement.