J'en ai marre de l'informatique. Ce week end, je me suis fait piraté mon compte email. Je ne sais pas qui peut m'avoir fait ça.
En fait si, n'importe lequel de mes camarades de classe peut m'avoir fait ça. En fait, je ne sais pas qui voudrait me faire ça.
Enfin bon, j'en ai eu marre, je suis descendu à la boulangerie en bas de chez moi, et j'ai pris un cône au citron. Je l'ai ouvert, il était à la framboise.
Là vous vous demandez surement quel est le rapport, moi aussi... Ah si, qui peut m'en vouloir au point d'aller hacker ma glace?
Ceci est un autre extrait de mon méta-sketch, la partie stand-up ou je parle du spectacle au public. Je vous propose d'en faire un commentaire construit, qui vous expliquera probablement pourquoi je stresse tant.
Ce texte a une chute évidente, quand je parle d'"hacker ma glace". Mais j'attendais aussi des rires sur "mes camarades de classe PEUT" et sur "moi aussi".
D'un coté, la déception dû à un changement inattendu, pour la glace et l'email, fait qu'on peut à priori imputer la même cause aux deux problèmes. Mais bien entendu, l'idée de hacker une glace est absurde. D'où rire. Je crois que l'idée me vient inconsciemment d'une citation de dans ton chat anciennement bashfr, qui disait ceci:
<Mazzu> tu sais c'est plus simple d'hacker un ordinateur que de rapper des carotes
<Tom`> et c'est plus difficile de hacker une carotte que de rapper un ordinateur
Je me demande si les gens allaient s'en rendre compte, je sais que j'avais un lecteur assidu de bashfr dans la salle, et on a quelques quotes préférée en communs.
Le "Moi aussi" c'est simple et bête, il s'agit de donner l'impression au public que je ne sais pas ce que je fais. Je joue beaucoup de ça, ce qui me sauve d'ailleurs quand j'ai vraiment un trou. Cependant, il ne faut pas en abuser, sans ça je donne l'impression que le spectacle est très mal construit. Je ne voulais pas non plus aller dans cet extrême. D'ailleurs, comme un clown-équilibriste, après ce faux déséquilibre, j'évite de tomber en plaçant la chute. (Le mélange de métaphore donne quelque chose de bizarre)
Le rapport entre ces deux points, c'est que les blagues sont dû à la sémantiques. Si j'avais changé un mot à un endroit, remplacé citron par café par exemple, ça n'aurait rien retiré au gag. (Par contre, j'adore le citron et je n'aime vraiment pas le café)
En ce qui concerne le premier point, l'humour vient du décalage entre la question qu'on voudrait vraiment poser "qui veut le faire" et celle qu'on pose naturellement "qui peut le faire". Ce décalage est petit, mais en répondant à la question posé, et non pas à celle que j'ai vraiment voulu poser, j'offre une réponse déplacé, ce qui suffit à faire rire. Le rire pouvant aussi venir du cliché du génie en informatique qui fait tout ce qu'il veut, mais je ne pense pas. Ça tout seul ne serait pas drôle.
Mais là, ce qu'il faut voir, c'est que si au lieu de dire "Je ne sais pas qui peut m'avoir fait ça" j'avais dit "Je ne sais pas qui m'a fait ça" ou encore "Je ne sais pas qui voudrait me faire ça" alors je ne pourrai pas dire "n'importe lequel de mes camarades de classe PEUT m'avoir fait ça" puisque cette réponse n'aurait plus de sens. Et pourtant ces changements sont minimes, quelques mots en moins, et un changement dans la conjugaison, mais ça suffit à tuer le gag.
Et durant tout le spectacle, j'ai des phrases comme ça, des passages où je sais qu'il ne faut pas que je me trompe de mot. Ça fait parti des raisons du stress que j'avais avant, et si j'étais sur de pouvoir parler au public, je ne savais pas si cette mécanique de précision tiendrait. D'ailleurs parfois elle a craqué et j'ai du reprendre ma phrase ou abandonné une blague car je m'y étais mal engagé. Mais dans tous les cas, que ce soit le public qui ne rigole pas alors que je pensais qu'il allait le faire, ou que ce soit moi qui me rend compte que j'oublie quelque chose, ça me fait un peu mal. Je me souviens d'un humoriste qui expliquait que quand il jouait, en regardant le public, il voyait systématiquement la personne qui ne rigolait pas. Je suis dans ce cas.
Alors, bien sûr, pour les pièce de grands auteurs, comme par exemple Huis-clos qui a eu lieu juste avant moi, les acteurs doivent connaitre tout leur texte par cœur, sur le bout des doigts, et le vivre. Ce qu'ils ont d'ailleurs fort bien réussi à faire. Et eux n'avaient pas le droit au trou ou à l'erreur, car c'était sérieux, et ils n'auraient pas pu se permettre de rire avec le public le temps de regarder leurs textes. Donc, je sais bien que je ne devrai pas me plaindre, je ne fais que découvrir le métier d'acteur. Je me permet donc de signaler un point important, pour eux la pièce était déjà écrite, moi j'ai eu le droit à plusieurs versions, et il n'y en a pas de définitive, car le texte qui pouvait changer en fonction des retours que j'avais, des nouvelles idée, certaines arrivant d'ailleurs le soir même dans le métro, ou directement sur scène. De la même façon, je jouerai certainement mieux du Devos que du Arthur Rainbow, mais ce ne serait pas moi.
Voilà donc un extrait de tout ce qui me passe dans la tête avant d'entrer en scène, et la raison du stress énorme que cela me cause. Stress qui, il faut bien le dire, reste quand même largement compensé par le plaisir que les rires d'une salle provoque chez moi! (Mais quand même, si vous avez un truc pour faire partir le stress, je suis tout à fait preneur. Et le truc "ne plus jouer" n'est pas acceptable!)