Trois étapes de la déconstruction

«Être déconstruit» est un drôle de terme. Je ne suis pas sûr de l'apprécier. Mais je ne lui connaît pas de meilleur équivalent. «Être déconstruit» veut dire, si je comprend bien, chercher à se renseigner, à écouter les gens qui s'y connaissent sur un sujet (au lieu des experts qui parlent de ce sujet à la 3ème personne), et adapter son comportement de façon à moins exclure des gens. J'entends souvent «déconstruit» sans préciser à quel sujet. Et j'ai l'impression que ça sous-entend que la personne qui l'entend connaît un ou des sujets importants, et qu'il est clair et sous-entendu qu'on sera déconstruit sur ce sujet précis. Ainsi, les gens que je fréquente l'emploieront pour parler de sexisme, de genre, d'orientation sexuelle. Mais je n'ai vraiment pas l'impression que les questions de handicap physique, de situation économique, d'éducation ou de handicap physique étaient vraiment prises en comptes quand quelqu'un était dit être «déconstruit».

J'ai l'impression - basé sur rien d'autre que mon expérience personnelle - que la déconstruction passe par 3 étapes. Je me demande s'il y en a plus, et comment les découvrir. Je prend l'exemple du veganisme pour commencer, je tenterai de monter que ça marche pour d'autres sujets en conclusion.

L'exemple.

Une amie est devenue végétarienne par accident. Après une semaine à ne manger que de la nourriture végé, bio, locale, elle a découvert qu'elle était dégoutté par la viande[1]. Et elle trouve que ce n'est vraiment pas pratique. Quand on mange à l'extérieur, à un pot, un buffet, chez des potes. Je lui ai donc souhaité, à moitié en rigolant, que ça ne s'aggrave pas, et qu'elle ne devienne pas véganne. À ce moment là, une inconnue m'interromps pour m'apprendre qu'on peut être véganne est vivre très bien, qu'il n'y a rien de mal à ça, et que je devrai respecter les choix.

J'ai alors pensé qu'il y avait trois moyen de répondre. Selon les trois étapes.

Le principe.

La première étape, c'est juste dire le principe. Bien sûr que je ne respecte les gens. Je suis vexé. Simplement, je me soucie de la santé de mon amie et me demande si elle a tout considérer. Sinon ça peut être dangereux.

Je caricature un peu. On pourrait même dire que c'est exagéré de mettre ça comme une première étape. Seulement, il faut au moins remarquer que la personne est d'accord sur le principe que «respecter les choix» est important. On peut très bien penser qu'on sait mieux que les autres ce qui est bien pour eux. Même qu'il y a des professions basés sur ce principe. Donc énoncer ce principe est déjà un (tout petit) premier pas.

Notons en passant que, aussi légitime que soit ma crainte pour mon amie, il y a quelques petits trucs que je n'aurai pas considéré si j'avais sorti la réponse mentionnée plus haut. Acceptons l'hypothèse farfelue que, après plusieurs jours/semaines à penser à ce sujet, elle n'avait pas considéré les idées qui me viennent en moins de 2 minutes de réflexions. Disons qu'un regard extérieur aide. Je ne suis probablement pas le premier qui ait eut cette pensée en moins de deux minutes. Donc ce que je lui dit, c'est à peu près certains que d'autres gens lui ont dit. SAUF SI j'étais la première personne à qui elle se confie, mais ça ne semblait pas être le cas ici.

Je ne suis plus dans le mauvais camp

La seconde étape, que je remarque, c'est d'être au courant des discriminations subies. Ne plus être à la 1ère étape et savoir que la 1ère étape n'est pas suffisante. Qu'un beau principe ne suffit pas.

Dans ce cas, je pourrait répondre: Cela fait deux ans que je suis en relation avec des végétarien-ne-s et végan-ne-s, que j'apporte des gâteaux vegans (et sans gluten) à certains événements pour ne pas mettre à part les ami-e-s de mes ami-e-s. Que je cuisine des repas entiers vegans pour que mes ami-e-s se sentent bien reçu chez moi et veuillent revenir. Et je ne cuisine plus de viande chez moi, même s'il m'arrive d'en manger quand on m'invite. Donc, même si je ne suis pas végétarien, je connais assez ce sujet pour ne pas avoir besoin d'une leçon.

En fait, je suis même vexé, après avoir fait tout ces changements à ma cuisine, de me prendre ce genre de remarque. Qu'on m'est soupçonné d'être à la première étape, voir même ne pas avoir franchi la première étape.

Savoir que les gens subissent réellement

La dernière étape est plus complexe à décrire. Je sais qu'il y a plein de gens qui vont remettre en cause le choix des végans. Selon le degré de curiosité VS trollage, Ça va des questions sur les protéines à des questions sur la souffrance des végétaux. Il y a même un bingo de l'argumentation omnivore[2].

Mais surtout, je sais aussi que la personne qui s'est incrusté dans la conversation ne me connaît pas. Elle n'a aucun moyen de savoir que je ne dis pas(plus) ce genre de chose. En prenant quelqu'un au hasard, elle a une tellement bonne probabilité d'être tombé sur quelqu'un se méfiant du végétarisme que sa réponse est totalement justifiée.

Cette troisième étape, pour moi, c'est donc de prendre conscience qu'on appartient - qu'on le veuille ou non - à un groupe. Et qu'en tant que membre de ce groupe, il n'est jamais évident qu'on est «déconstruit».

Autre exemple.

Comme je l'ai dit plus haut, ça marche certainement pour d'autres sujets que le veganisme. Typiquement, les questions de non-binarité/transidentité. Je donne probablement l'impression d'être au moins à la deuxième étape. J'en veux pour preuve qu'un(e?) ami(e?) est venu ce confier à moi qu'il(elle?) se posait des questions sur son genre. Ce qui, en tant que cis me parait surprenant. Mais qui signifie que, pour quelqu'un qui ne connaît pas de (groupe de) gens concernés par ces question, j'ai l'air assez sûr pour qu'il(elle?) puisse s'adresser à moi, en sachant que ça sera sans risques (pas répété, pas retenu conter lui(elle?)), et que je peux avoir des réponses pertinentes. (Ici, la réponse a été de le(la?) rediriger vers des gens qui se sont posé ce genre de questions, et qui seront sûrement mieux placer que moi pour donner des pistes de réponses.)

Par ailleurs, un jour, pour je ne sais plus quel raison, je disais «un homme trans». Quelqu'un m'a interrompu pour savoir si je voulais bien dire «quelqu'un qui déclare que son genre est homme» et non pas «une personne assignée homme à la naissance et qui a déclaré que ce n'était pas son genre». Et je crois me souvenir que j'ai été vexé. Parce que après tant d'années à faire des IMS, il serait honteux que je ne connaisse pas cette notion basique. Ce qui me montre que je n'étais clairement pas à l'étape trois à l'époque.

Maintenant, j'ai hâte - et un peu peur - de découvrir l'étape 4, si elle existe.

Notes

[1] J'ai ouï dire que ce dégoût est commun chez les nouveau/elles végétarien-ne-s, et qu'il finit par passer. J'ignorai que ça arrivait aussi à ceux/celles qui n'ont pas choisi de l'être.

[2] Chercher cette image m'a permis de découvrir que des vegans ont aussi un bingo pour les végétariens.

Commentaires

1. Le vendredi 23 décembre 2016, 17:01 par Subbak

Je trouve que ton ost est confus. Je ne suis même pas sûr de comprendre ce que tu désignes par la deuxième étape, et comme tu alternes les description d'étapes entre ce qu'elles devraient être dans l'idéal, ta perception de ton chemin à travers ces étapes, et la perception des autres, bah en fait on s'y perd.

Sinon si tu parles bien de la personne à laquelle je pense, il me semblait que ça lui était passé et qu'elle avait repris la viande. En tout cas c'est ce qu'elle m'a dit la dernière fois que je l'ai vue, en Novembre.

2. Le mercredi 28 décembre 2016, 10:33 par Athreeren

Les bingos, ça veut juste dire que pour n’importe quel cause, on trouve rarement plus de 25 arguments vraiment différents, et que si on n’a pas été convaincus par eux la première fois quelque soit la qualité de l’argumentation, ça n’a plus aucun intérêt d’écouter ses contradicteurs. En d’autres termes, parce qu’un jour, un troll nous a présenté des caricatures des arguments d’une opinion différente, on connaîtrait déjà tout ce qu’il y a à savoir sur cette opinion et une discussion respectueuse serait dès lors complètement inutile. On pourrait facilement en faire contre l’abolition de la peine de mort, contre la démocratie ou contre la survie de l’humanité. Ce sont des instruments qui n’ont pas d’autre but que de tuer le débat, et leur seul intérêt est de montrer que la personne qui les utilise n’a aucune intention de nous écouter, et que son manque d’ouverture d’esprit rend toute discussion inutile.

3. Le jeudi 29 décembre 2016, 05:23 par Arthur Milchior

@Subbak: désolé d'être si peu clair. Peut-être tentai-je de reexpliquer ça autrement. Il me semble que les exemple clarifient en général.

@Athreeren
«convaincu par eux la première fois» ? 
Il me semble que le problème, c'est que ce n'est pas que la première fois. Que l'argument revient régulièrement.

Par ailleurs, la majorité des gens sortant ces arguments n'ont pas spécialement réfléchi à ces questions, ne se sont pas documentés. Statistiquement, il n'est assez sensé de supposer que ça sera les mêmes arguments.
Il ne me semble pas que, dans un cadre de vrai débat, préparé, le bingo s'applique. Mais dans la vie de tous les jours, ces vrais débats n'existent que très rarement.

Je vais maintenant tenter de ne pas me contredire en disant que tu as raison. Il est vrai que ça n'encourage pas au débat. Et même que le but des gens n'est pas forcément de débattre de comment ils doivent mener leur vies quand d'autres expliquent qu'ils la menent mal. Quand d'autres te disent qu'il faudrait faire autrement, autre chose, et qu'ils savent déjà mieux que toi ce que tu dois faire. Parce que ces sujets, ce ne sont pas des idées théoriques, c'est juste une manière concrète de vivre.

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