Intervention contre l'homophobie

Et encore un billet sur les interventions en lycée. Le dernier a même pas deux mois, mais comme j'en ai fait un certains nombre d'autres, j'ai de quoi raconter. J'ai juste peur d'être moins drôle que d'habitudes car les perles ne se renouvellent pas, et maintenant j'ai envie de partager aussi une partie du pire de ce que je vois.

Je commence avec le léger. On nous a demandé si le mag est le même que le "mag" des anges de la télé-réalité. Un autre élève croit m'avoir vu à la télé et m'a demandé si je n'ai pas fait The Voice. Et puis j'ai parlé de "code pénaux", on m'a appris qu'un élève a cru que c'était un code parlant de pénis.


Niveau biologie, j'ai eu beaucoup de surprise avec la notion de PMA. L'une demande s'il faut du sperme d'homme. Je n'ai pas osé demander par rapport à quel autre type de sperme (à moins que je fasse du cissentrisme et qu'elle pense au sperme que pourraient avoir certaines femmes transgenre, mais je doute).

Un autre demande si "médicalement assisté", c'est un médicament, s'il faut avaler quelque chose pour tomber enceinte.

Un troisième d'une classe différente demande si ça marche aussi pour que les gays tombent enceintes (sic).


Mais on n'a pas des discussion si construite partout. Dans l'une, on n'a pas progressé très loin, déjà car des élèves traitaient l'intervenante de menteuse quand elle disait qu'elle était lesbienne(moi je n'ai pas ce problème, il parait que ça se voit).

Dans une autre, une élève s'énerve et a les larmes aux yeux car on essaye de convertir sa classe à l'homosexualité. On explique bien sûr qu'on ne peut pas "convertir", qu'on ne la fera pas aimer les filles. Elle explique que, elle, non, elle n'aimera jamais les filles. Mais on pourrait peut être convertir des élèves plus influençable. Dans la même classe, sur le questionnaire après débat, je trouve un bon résumé de la discussion avec "Restez dans votre coin comme vous l'avez toujours fait n'essayé pas de changé le "monde" vous n'ête que des "homos" !!! ". Et le pire, c'est qu'elle pensera peut-être qu'on a converti quelqu'un, car un autre questionnaire contient "je suis lesbienne, chut"

Pour finir par le pire que j'ai eu, vendredi dernier:
Moi: "Être homo, c'est puni de peine de mort dans 7 pays".
Un lycéen: "Normal"
Moi: "Donc ça serait normal qu'on me guillotine car j'ai été avec un homme?"
Lui: "Normal"
Je ne comprend pas toute la suite du raisonnement, puis il nous parle des fours nazis. Mon tout premier point godwin ! (Mais à part ça, l'élève était très sympathique)

Dans la même classe, un élève a une argumentation imaginative pour défendre l'homophobie, en reprenant mes arguments pour défendre l'homosexualité. Il m'explique qu'on ne choisit pas d'être homophobe, j'explique qu'on choisit de proférer ou non des insultes, il m'explique que c'est comme l'homosexualité, on peut choisir ou pas de l'assumer, et que comme moi, il assume.

 

Je me répète, tout ça, c'était le pire de ce que je voyais. Il y a des classes où je ne vois (pratiquement) aucune homophobie. Mais c'est comme les trains qui arrivent à l'heure, on ne peut pas en parler. Quoi que... on a aussi des élèves qui sont content de cette IMS, et pas seulement car on leur fait sauter deux heures de cours.

On propose à une classe de compter le nombre de "pd" qu'ils entendent dans la journée au lycée. Un élève dit qu'il ne sait pas compter jusque là. Et dans certaines classes on avance vraiment.

Un élève dit qu'être homo c'est pas normal, on cherche à obtenir une définition de "normal", on obtient "majoritaire", et une fois reformulé en "les homo, ce n'est pas majoritaire", le problème semble avoir disparu. L'élève était même suffisamment cohérent - ce qui est rare - pour dire que comme il est gaucher, il n'est pas normal.

Et enfin, certains sont totalement à côté de la plaque. Sur le questionnaire, "quel est votre avis sur l'homosexualité" on a eu un "ça ne m’intéresse pas de le faire". Et un autre (ou le même d'ailleurs, le questionnaire est anonyme), nous avait expliqué que si un copain lui disait qu'il était homo, il s'éloignerait. Car si le copain le drague et qu'il le rejette, on pensera peut-être que ce rejet serait pris pour de l'homophobie[1].


Quand j'y pense, je trouve le principe des IMS assez magique. Pouvoir parler pendant deux heures à des homophobes. Alors que quand j'en croise dans la rue, ce n'est pas pareil du tout. Ce week-end, dans le métro, j'ai croisé un jeune homme, plutôt joli hélas, avec un pull "manif pour tous" (i.e. la manif contre le mariage pour tous), donc a priori homophobe. Je me suis contenté de le regarder et sourire, je crois que je l'ai mis mal à l'aise, ça ne lutte pas contre l'homophobie, c'est mesquin, mais c'est bien drôle. (Et ceux qui me connaissent savent que draguer des hétéros, c'est une seconde nature chez moi)

Note

[1] Je ne vous dit pas mon nombre d'ami hétéro et homophobe alors !

Commentaires

1. Le lundi 1 avril 2013, 00:35 par Typhon

" Il m'explique qu'on ne choisit pas d'être homophobe"

Si on est issu d'un milieu où il y a une forte pression sociale dans ce sens, c'est peut-être pas complètement faux. Mais c'est une discussion sans fin.

" on peut choisir ou pas de l'assumer, et que comme moi, il assume."

La franchise est une qualité dangereuse, mais à tout prendre, il a raison de ne pas cacher ce qu'il pense. Ce n'est pas une raison pour être grossier, néanmoins.

" il nous parle des fours nazis. Mon tout premier point godwin ! (Mais à part ça, l'élève était très sympathique)"

J'ai ri.

Typhon

2. Le lundi 1 avril 2013, 09:31 par Athreeren

L'élève était gaucher ? Et il l'assume au point de s'en vanter devant toute une classe ?

À quand les IMS pour augmenter le respect pour les latéralités alternatives...

3. Le lundi 1 avril 2013, 18:24 par Arthur RAINBOW

On a demandé qui était gauché, il se trouve que l'élève qui nous a dit qu'être homo n'était pas normal était le seul de sa classe à l'être. Mais oui, il ne l'a pas caché.

Typhon, effectivement, l'homophobie va certainement dépendre de l'environnement. En particulier si tu n'entend jamais de propos contre l'homophobie, tu réfléchiras pas forcément tout seul à la question. Mais c'est bien pour ça qu'on est là !

Je n'interdis à personne d'exprimer son désaccord, et je ne peux forcer personne à changer d'avis. Mais ce qu'on dit en début d'intervention, c'est qu'on peut tout dire, tant que ce n'est pas insultant. Et tout le monde n'a pas toujours respecté cette règle.

Ravi de savoir que tu as rit. Je suis pas sûr de savoir pourquoi. J'espère que c'est la parenthèse, le rajout que l'humoriste que je suis c'est senti obligé de faire. Moi sur le moment, j'ai vraiment pas rit, même si je n'en cauchemarde pas non plus. Mais ça fait un petit choque à entendre.

4. Le lundi 1 avril 2013, 22:21 par LCF, HA HA HA!

"Mais c'est comme les trains qui arrivent à l'heure, on ne peut pas en parler."
Surtout ceux des camps de concentration!

Mis à part ceci, très intéressant.

5. Le lundi 1 avril 2013, 23:59 par Typhon

Oui, c'est ce que tu as rajouté entre parenthèse qui me fait rire : "Il a dit que les gens comme moi il fallait les guillotiner avant de se lancer dans des raisonnements brumeux impliquant les fours nazis, MAIS SINON, il est vachement sympathique".

Enfin, je vois ce que tu veux dire, ça a plus l'air d'être un jeune imbécile qui ne se rend pas compte de ce qu'il dit, mais ce n'est pas forcément une excuse.

Je te suggèrerais bien de répondre aux élèves qui t'accusent de vouloir les "convertir" en levant les bras et en disant "Wololo ! Wololo !", mais ça ne ferait probablement plus rire personne dans la classe, sauf peut-être le prof et les multi-redoublants.

Typhon

6. Le mardi 2 avril 2013, 03:03 par Arthur RAINBOW

Effectivement, il ne se rendait pas compte. Il demandait même pourquoi on revenait sur ce sujet, sur le fait qu'il ait dit ça.

Yololo, j'ai mis du temps à comprendre et à me souvenir d'age of empire. Je ne crois pas que j'aurai compris la référence si quelque me l'avait faite en classe. Mais j'adore !

7. Le samedi 6 avril 2013, 16:21 par LCF

Un point bonus pour la référence à AoE.
Danadi, ouga!