Atlas Shrugged, mon avis, que je n'ai lu nul part ailleurs
Par Arthur Milchior le dimanche 22 juillet 2018, 05:06 - Science - Lien permanent
Ce billet divulgâche allégrement Atlas Shrugged, en VF: La Grève.
“If you saw Atlas, the giant who holds the world on his shoulders, if you saw that he stood, blood running down his chest, his knees buckling, his arms trembling but still trying to hold the world aloft with the last of his strength, and the greater his effort the heavier the world bore down upon his shoulders - What would you tell him?" I…don't know. What…could he do? What would you tell him?" To shrug.”
“John Galt is Prometheus who changed his mind. After centuries of being torn by vultures in payment for having brought to men the fire of the gods, he broke his chains—and he withdrew his fire—until the day when men withdraw their vultures.”
Personnellement, Atlas Shrugged m'évoque énormément des noms historiques. Mais pas spécialement celle d'Atlas, peut-être que je le connais trop peu. Je pense d'abord au procès de Kafka. Mais un procès où tu verrais les deux côtés. Où l'individu poursuivi n'a pas plus de chance de gagner son procès que chez Kafka, mais où au moins, on connaît la motivation des juges. Je pense aussi à Cassandre. Mais une Cassandre qui aurait décidé de tenir compte du fait que personne ne l'écoute, et de fuir de Troie, seule. Si personne ne l'écoute, j'aurai du mal à la condamner si elle décide de garder ses pouvoirs pour elles-mêmes. Enfin, un résumé extrème d'Atlas Shrugged - de ce que moi j'ai tiré d'Atlas Shrugged, en tout cas - pourrait se trouver dans ce célèbre sketch sur l'expert en traits verts, à qui l'on demande de dessiner 7 traits tous perpendiculaires les uns aux autres. Enfin, Atlas Shrugged m'évoque une notice technique. Qui, de temps en temps, va regarder des détails techniques, l'agencement de ces détails, et comment un grain de sable fini par faire dérouiller tout une mécanique. Je fais parti de ces gens qui aiment les modes d'emplois, je passe parfois des heures entières à les lire la documentations de programme, de langages de programmations, et prendre des notes des points importants dans Anki. Donc pour moi, cette comparaison n'est pas un mauvais signe. Mais je conçois que ce livre n'est pas pour tout le monde, ne serait-ce que parce qu'il est parfois très aride. Dernier paradoxe, si ce livre me fait penser à un activiste de la vie réelle, je penserai à Richard M Stallman. Aux textes où il explique les dérives qui pourraient arriver quand on ne peut pas analyser et modifier le code, dérive qui souvent se produisent, et dont on peut parfois voir des conséquences[1].
Note
[1] doute sur les machines à voter, objets connectés non patchable, impossibilité de savoir quel données sont volées par les programmes.
Écrire sur Atlas Shrugged est très complexe. Peut-être car je ne sais pas trop pourquoi j'ai envie d'en parler. Et aussi parce que tous mes proches qui connaissent Atlas Shrugged le détestent. Ou plutôt, ils détestent la fan base d'Atlas Shrugged, et imaginent donc qu'il est étrange que j'en fasse parti. Je me sens donc forcer de me distancier très fort de cette fanbase avant d'oser dire quoi que ce soit de bien sur Atlas Shrugged, et ça rend les discussions très longues. Je vais donc commencer par expliquer pourquoi je tiens à me distancier de la fanbase.
En commentaire d'un récent billet le créateur fou m'a passé le lien d'une très longue critique d'Atlas Shrugged. Critique qui détaille le livre, chapitre par chapitre, en prenant bien du temps à expliquer tout ce qui ne va pas. Je suis attiré par cette critique, car je la trouve passionnante, mais j'ai l'impression que l'auteur de la critique et moi avons lu des livres différents[1]. Je reviendrai de temps en temps sur la critique ou sur le film, mais ce n'est pas mon intérêt principal ici. Mon plus gros problème avec cette critique, c'est qu'il répond au roman comme s'il parlait de la vraie vie. Si le même critique devait commenter superman, j'imagine qu'il signalerait que, dans la vraie vie, hurler «au secours, Superman» n'aide pas. Qu'en plus, Superman n'aurait pas le temps de répondre à tous les crimes de la terre, même sans prendre de pause. Et qu'au pire, il suffirait que les bandits s'organisent pour commettre leurs crimes au même moment sur toute la terre pour l'empêcher d'être efficace. Tout ça serait vrai, mais serait absolument non pertinent pour analyser une œuvre de fiction.
Le souci, c'est que ni l'auteur, ni sa fan base, ne considèrent Atlas Shrugged comme une œuvre de fiction. Pour reprendre un unique exemple, un patron d'une boîte de notre vrai monde est même temps ouvertement un grand fan du livre et appelle à autoriser le travail des enfants. Forcément, ce n'est pas le genre de personnes à qui j'ai envie d'être associé. Et ce n'est pas incohérent avec l'œuvre, puisque tous les héros ont, volontairement, commencé à travailler enfant, quitte à le cacher à leur parent, juste pour le plaisir d'être productif. J'imagine qu'il est donc pertinent que des blogueurs, comme le critique que je citais plus haut, prennent du temps à expliquer en quoi Atlas Shrugged ne doit pas être appliquée. Qu'ils expliquent en quoi suivre la philosophie d'Ayn Rand, l'auteure, serait désastreux. Je crains aussi que la tâche de ce critique ne soit vaine, car je ne m'attend pas à ce que des fans lisent une critique aussi dévastatrice de l'œuvre phare de Rand. D'autant que, cette critique passe parfois à côté de point important - et si moi, - qui suit d'accord sur le fond avec la critique, les voit, j'imagine que les fans inconditionnels de Rands seront totalement bloqués par ces détails.
Toute proportion gardée, j'ai apprécié mes stages de secondes (j'en ai fait deux, car j'ai redoublé). J'ai eu la chance d'avoir le droit à autre chose que des «stages-photocopies». J'ai pu toucher au site web de la première boîte où j'ai fait mon stage (qui n'avait pas de back-up, et a du faire refaire le site web après mon passage, tellement je l'avais cassé.) Et j'étais chez un «consultant en informatique» (i.e. réparateur, mais qui avait plus de prestigue.) Le boss de la première boîte est un ami de ma mère, le second a eu un contrat pour de nouveaux ordinateurs là où mon père travail. Autant dire que, aujourd'hui, je réalise que les stages intéressant ne sont pas du que à la chance où à mes qualités (et dans le second cas, que les 100€/semaine+le déjeuner que j'avais reçu était investissement largement rentable pour mon encadrant). N'empêche que ça me permet, légèrement, de m'identifier aux héros. De comprendre l'envie, dès l'adolescence, de créer des choses, d'aider des gens, et de montrer qu'on est capable d'autre chose que de s'asseoir dans une salle de classe. Cependant, entre apprécier un mois de stage en seconde, et vouloir rétablir le travail des enfants, il y a un pas que je ne sauterai pas. À 15 ans, j'aimais voir les adultes ébahis que je sache ouvrir un ordinateur et changer des pièces. Mais ça a duré un mois, je me serai probablement ennuyé à la longue. Je peux donc imaginer que les héros puisse aimer travailler sur des chemins de fers, permettre à des gens de se rendre où ils le désirent, et être récompensé pour cela. Mais si j'accepte d'ignorer les problèmes de sécurités ou de pollutions dans un roman, je trouverai ça monstrueux dans la vraie vie(Je vous avais dit, je ne peux pas m'empêcher de signaler que je suis différent des fans qui prennent Rand au premier degré !). Certes, en bon égoiste, les héros devrait se ficher de la raison pour laquelle le train roule, tant qu'ils sont payés. Pourtant, on voit souvent les héros penser à la raison pour laquelle les trains doivent rouler. Pour que les récoltes aillent des fermes aux villes, pour que les matières premières aillent des puits/mines aux usines où ils seront transformés. Et c'est l'une des choses que je trouve beau dans ce roman, quand l'auteure montre les causes de tant de petites étapes. L'exemple canonique, pour moi, étant une suite d'incidents menant à ce que des boutiques n'aient plus de grille-pains à vendre. On dirait qu'il n'y a aucun rapport entre faire rouler des trains, et acheter un grille pain neuf. Pourtant, il y a énormément d'étapes entre le moment où les différents matérieux sont extraits de la nature, et celui où l'on peut faire griller son pain. Aucune de ses étapes ne fait vraiment rêver; si quelqu'un me dit qu'il construit des grilles-pains, je ne m'imaginerai pas qu'il a une grande influence sur la marche du monde. Mais pourtant, il aidera énormément de gens, qui n'auront jamais entendu parler de lui, et qui ne penseront même pas à lui tellement il est naturel d'avoir un grille-pain. Plus précisément, tellement il est naturel d'avoir un grille pain en échange d'un peu d'argent, qui lui-même s'obtient avec un effort bien moindre que l'effort demandé pour créer soit même son propre grille-pain à partir de morceaux de méteaux et de résistances. Bien sûr, dans la vraie vie, il y a la pollution, qui est lié au transport, qui est lié à l'extraction de matière premières. Et la pollution a un coût humain énorme. Donc ce côté béat de «l'industrialisation rend service à énormément de gens qui ne le voient pas» n'est pas réaliste[2]. Accessoirement, étant chercheur, et un peu développeur, j'ai encore du mal avec l'idée des tâches répétitives. Une fois que le code est écrit, tout le monde peut l'executer. Une fois que le grille pain est fini, il faut en faire un autre, c'est étrange pour moi. Je dois à ce roman de me faire réaliser cette idée.
Les héros ne se sont pas contenté d'aller être faire du travail manuel dès leurs 12 ans. Dans le bon rêve américain, ils se sont élevé jusqu'à la tête de leur propre boîtes. Dans le cas d'Hank Rearden, être le patron de ses multiples compagnies. Il est décrit comme travaillant 18 heures par jours, tous les jours, et ne s'intéressant à rien d'autre qu'au métal. Il a acheté ses mines pour superviser l'extractions, il a ses propres fonderies, et ses forges. Mais surtout, il a réussit à créer un nouveau métal, le «Rearden Metal». Ce métal est plus légèr, plus résistant et donc moins cher, que l'acier. Créer ce métal lui a pris 10 ans de sa vie. Les méchants du livre (Catégoriser en gentil et méchant ne sera pas insultant pour Rand) prennent alors deux positions quand ils parlent de ce métal. D'une part, les méchants profiteurs (looter) voudront s'accaparer le métal pour se faire plein de sous sans devoir payer Rearden pour son travail. D'autres parts, les proches de Rearden trouvent ridicule de s’enthousiasmer autant, ce n'est qu'un nouveau métal, ça va changer un peu la productions de ceux qui créent des rails, des tanks, des camions, mais si on ne travaille pas soi-même le métal, ça n'a aucune importance. Tout du moins, c'est ce qu'ils croient, puisque dans une période de pénurie de matière première, pouvoir faire refondre les vieux rails, pour obtenir des rails plus longs et plus solide, c'est la différence entre avoir des trains qui roulent, et ne pas en avoir. Donc, la différence entre avoir des grilles pains ou non. Sauf que, forcément, la personne voyant qu'elle ne peut se procurer un grille-pain, ou un jus de grenade, ne verra pas toute la chaîne de causalité qui a ammené à cette pénurie. Seul le narrateur, et peut-être quelques personnages haut placés, voient tout le schéma.
La première choses qu'Hank Rearden fait, avec ce nouveau métal, c'est un bracelet pour sa femme Lilian. Sa femme ne l'apprécie pas. Elle aurait préféré un collier de diamant, plutôt que de porter un morceau de chemin de fer. C'est là où le critique d'Atlas Shrugged cité plus haut, et moi-même, différons entièrement. Le critique ne comprend pas comment l'auteur peut espérer que le lecteur sympathise avec Hank Rearder. Personnellement, j'ai du mal à sympathiser avec Lilian. Il s'agit là d'une journée exceptionnel, du résultat de 10 ans de travails. Je peux comprendre qu'elle ne partage pas sa passion, je ne peux pas comprendre qu'elle la rabaisse. Plus généralement, être excité par un travail intellectuel, et n'avoir personne avec qui partager sa passion est un sentiment que je comprend entièrement. Par chance, je n'ai plus tellement ressenti ça depuis 2008, les départements d'informatiques de l'Université de Montréal, puis de l'École normale supérieure. Mais je pense qu'énormément de geek, et de passionnés en général, pourront se voir dans Hank. Demander à Hank de laisser un peu c'est fourneau me fait penser à cet amoureux, qui demandait à Barbara (Lily Passion) d'abandonner son piano. Un amour qui demande d'abandonner une part de sa vie, je suis incapable de comprendre.
La comparaison entre l'art et la science est assez textuellement dans le livre. Un compositeur et un romancier rejoignent la grève lancé par les héros. La grève de ceux qui produisent. Le compositeur a mis plusieurs décennies à être reconnus. Il a fini par être apprécié de son vivant, et à voir la gloire qu'usuellement on ne réserve qu'aux défunts. Il aurait accepté des excuses du public, qu'ils expliquent qu'ils n'étaient pas prêt à accepter sa musique. À la place, tous les médias parlant de lui expliquent que si ses concertos sont tellement poignants, c'est parce que l'auteur a vécu 20 ans de souffrances, mais que cette souffrance est justifié puisqu'elle permet au public de recevoir cet extraordinaire talent ! Cette explication est bien montré comme étant hypocrite, son succès est arrivé quand son opéra de jeunesse a été rejoué, 20 ans après la première prestation, celle que les critiques avaient jugé désastreuses. Ce passage me parait particulièrement réaliste. Que l'artiste doive travailler beaucoup pour s'améliorer et développer un talent particulier, c'est une chose. Qu'il doive souffrir pour le plaisir du public en est une autre[3]. Je trouve la grève de ce compositeur belle, même si elle est aussi bête, puisque personne n'est au courant de la raison de sa grève (qui n'est donc pas une grève, mais une démission)[4]. Remarquez que ce n'est pas la première fois que je parle du rapport entre les passions pour l'art et pour la science. C'est le premier exemple que j'ai où l'on voit la différence fondamentale, où le discours tenu sur la science ne se transposerait pas à l'art.
Je disais que Lilian ne s'intéressait pas à la passion de son mari. À sa décharge de Lilian, il faut dire qu'Hank ne s'intéresse absolument pas à sa vie non plus. La situation est symmétrique, et elle n'est pas plus coupable que lui. La différence étant qu'elle refuse de divorcer, car sa position de femme d'Hank lui donne du prestige et une place dans la société. Et selon moi, c'est la principale faute morale d'Hank[5], ne pas prévoir en avance la séparation si le couple devait ne plus pouvoir durer. N'avoir pas prévu que l'amour ne durerait pas toujours, et agi comme s'il pensait que ça serait le cas. En dehors de l'argent pour vivre, la seule chose que Lilian exige de son mari, c'est qu'il l'accompagne, rarement, à des soirées. On en voit deux sur plusieurs années de mariages, et la première étant l'anniversaire des 10 ans de mariages. Soirée où Hank s’ennuie prodigieusement, où il est incapable de trouver des gens avec qui parler. J'ignore si ça fera de moi un égoïste, mais s'il y a bien un point sur lequel Atlas Shrugged m'aura changé, c'est celui là. J'ai refusé d'aller à un événement, où je m'attendai à m'ennuyer comme pas possible, malgré que ça soit théoriquement une obligation familiale. Réalisant que ça ne m'apportait absolument rien (et que je ne m'attend pas à ce ma présence apporte grand chose à la personne célébrée.)
La raison qui fait qu'Hank et moi-même détestons ces soirées, c'est qu'il nous semblent que rien n'y est dit. Je n'ai pas vraiment de souvenir d'échange d'idée, à part des banalités. À la limites, certaines personnes balancent des convictions, mais elles sont rarement assez étayée pour être convaincantes. À noter que je suis souvent coupable de ça aussi, j'ai des convictions, mais connaît rarement assez de chiffres et de faits pour convaincre quelqu'un de rationnel qui pense que je me trompe. C'est bien pour ça que je préfère souvent lire que discuter. C'est aussi pour ça que j'adore mon métier de chercheur, quand bien même mon domaine me permet de parler concrètement que d'un nombre très limité de sujets. Selon moi, cette possibilité de discuter concrètement est ce qui différencie les héros des méchants. Même si Atlas Shrugged est décrit comme une guerre entre les bons capitalistes et les méchants profiteurs, personnellement, j'y lis surtout une guerre entre ceux qui pensent qu'il est possible de savoir quelque chose, et ceux qui pensent que le monde est ce qu'il est par hasard. Il y a deux illustrations fortes dans le roman. Rearden Metal, fruit de 10 ans de recherche par Rearden, est renommé «métal miraculeux» par l'administration. Il est traité comme une nouvelle ressource naturelle, et tout le monde refusent d'accepter le fait qu'Hank Rearden ait sa part dans son arrivée sur le monde. Personellement, je suis loin d'apprécier le système de brevet actuel, mais je continue de penser qu'il est juste que, pour sa création, il soit récompensé, et non puni. Encore que tous les chercheurs, chimistes, métallurgistes, qui ont créé les outils et concepts dont il se sert devraient avoir leurs parts de récompense aussi. Le second exemple, négatif cette fois, c'est les «cas de forces majeures». Tout accident est traité comme «an act of god», au désespoir de ceux qui savaient que les rails étaient usés, que les machines étaient en fin de vie, et qu'il fallait remplacer tout ça, sans ça l'accident deviendrait inévitable. Mais puisque tout accident est «an act of god», personne ne peut être blamé, et il n'y a donc aucune raison d'entretenir quoi que ce soit. Pire, comme les retards sont punis, il vaut mieux avoir un accident que d'être en retard.
S'il y a bien un passage que les fans de Rand devraient appliquer, selon moi (à part se mettre en grève s'ils sont assez naïf pour penser que le roman doit être suivi à la lettre), c'est d'ailleurs la façon dont elle traite les accidents. Les cheminots étaient responsable de la sécurité du train. Ils pouvait arriver qu'ils doivent mettre leurs vies en jeux pour assurer la sécurité des passagers, si quelque chose se passait très mal. Mais en échange, la compagnie de chemin de faire avait l'obligation de faire tout son possible pour éviter les accidents. Une des méthodes pour éviter les accident, c'était d'engager des gens qui savent ce qui font, et leur faire confiance. Rearden a déclaré deux choses à ce sujet: il refuse de payer un homme plus que ce que cet homme lui rapporte. Et il a décidé de payer ces hommes bien plus le salaire payé par ses concurrents, pour avoir le loisir d'engager les employés les plus compétents. Hank Rearden a aussi déclaré qu'il ne demandait jamais à quelqu'un de prendre un risque qu'il n'était pas prêt à prendre lui même. Et, vu qu'il a monté la totalité de l'échelle, dans son cas, c'est vrai. Quand un train a roulé pour la première fois sur des rails et un pont en Rearden Métal, il était à bord, afin de prouver du mieux qu'il puisse sa confiance qu'il avait en son métal. Que quand il demandait à des ingénieurs de conduire ce train, il savait ne pas leur faire prendre de risque, puisqu'il savait que lui même en sortirait vivant. Un journaliste a demandé aux héros comment ils savaient que ce nouveau pont ne s'effondrerait pas, alors que l'opinion majoritaire disait que ce pont était un grand risque. Il explique alors qu'il a mené des test, fait des calculs, et tiré ses conclusions à partir d'expériences. Le journaliste répond donc que, ses conclusions, ça ne reste que son opinion propre, ça n'explique pas pourquoi il ose s'opposer à l'opinion du reste du public. J'ai trouvé cette discussion bien trop réaliste. Ça me rappelle beaucoup trop des discussions que j'ai eu, sur le sujet de la science, avec des gens n'en ayant jamais fait[6].
Un des passages les plus marquant du livre, pour moi, concerne ses questions de sécurités. Si un employé refuse de suivre un ordre car cela mettrait son train en danger, il avait le droit de désobéir et savait qu'il pourrait s'expliquer honnêtement, et ne serait pas blamé pour le retard. Enfin, ça, c'était dans le passé, à l'époque où les voie de chemins de fers avaient été construites, et non pas aujourd'hui, en temps de crise. Aujourd'hui, où les politiciens se mirent à remplacer les gens compétent à la tête de la compagnie, chaque personne savait qu'elle pourrait être blamé si cela sauvait son patron. Donc les accident augmentèrent. En particulier, le passage le plus poignant pour moi, c'était exactement ça. Un passager du train était un homme politique important. La locomotive a déraillé et est devenu inutilisable. L'homme politique n'en ayant rien à faire, il a ordonné au voyage de continuer. On leur dit que la seule locomotive disponible dans l'état fonctionne au charbon. Le mécano a prétendu qu'il ne pouvait pas passer dans le long tunnel avec (la ventilation n'était pas adapté a la fumée du charbon). Le politicien réplique que, même si c'est ilégal, il a tous les pouvoir pour rendre ce trajet légal, pour donner des ordres et être obéit. Il s'ensuit des pages et des pages de description. On suit toutes la chaînes hiérarchiques, depuis le politique qui téléphone au patron de la compagnie, puis de subalternes en subalternes, jusqu'au mécano. Tout le monde, sauf l'homme politique, sait qu'il est impossible d'obéir à cet ordre. Le haut de la hiérarchie refuse toute responsabilité, prétend qu'ils sont partis en vacances, et n'ont jamais reçu ce coup de fil. Tous refusent de donner des ordres écrit, jusqu'à un type en milieu de hiérarchie, qui exige un ordre écrit. Comme on lui refuse cet ordre, mais qu'on exige qu'il fasse passer l'ordre plus bas dans la hiérarchie, ce type démissionne - ce qui, dans cette crise, signifie, la garantie de ne jamais réavoir de travail légal, au mieux de vivre dans l'illégalité, au pire de mourir de faim. On voit un autre employé finir par envoyer des ordres écrits. Deux ordres, le premier de faire venir la locomotive à charbon là où le train à déraillé. Le second ordre étant de faire parvenir ce train jusqu'à la prochaine gare, de l'autre côté du tunnel. De façon a pouvoir prétendre qu'il n'a jamais ordonné de faire passer le train sous le tunnel avec la locomotive à charbon, et que ces ordres sont mal compris. Finalement, on voit le dilemme du machino. S'il refuse, il n'a aucun doute qu'il se fera virer, pour insubordination. S'il y va, il mourra. S'il déserte son poste, on s'en prendra à sa famille. Sa seule solution égoïste, pour ne pas être puni, et de lancer le train, tuer ses 300 passagers, sauter une fois que le train est en marche, et feindre sa propre mort. D'ailleurs, s'il prévient les passagers qu'ils feraient mieux de quitter le train, certains pourront témoigner qu'il a conduit des gens à leurs morts. Avec un peu de chance, le train ira assez vite pour sortir du tunnel et ne pas étouffer tous les passager, mais c'est loin d'être certain. [7] Cet homme, autrefois, était pres à risquer sa vie pour les passagers, tant qu'il savait que le chemin de fer était assez sûr pour qu'il soit presque impossible que sa vie soit risqué. Il n'était plus près à risquer sa vie pour sauver ses supérieurs d'une décision d'un politicien capricieux. J'ignore si je résume bien[8], mais Rand à réussit à peindre une situation réaliste, où je comprend pourquoi un type a accepté de condamner a mort 300 personnes, et où je ne suis pas sûr de le considérer comme coupable. Pour moi, ça fait de Rand une grande auteur. Mais pour faire ça, il lui a fallu des dizaines de pages, et des suites d'actions s'enchaînant les unes les autres, dans une partie tellement technique que, pour moi, ça relevait autant de la notice technique que du roman. Comme tout long passage, le film a résumé ces dizaines de pages à quelques minutes. Et je hais le film pour ça. Dans le film, personne ne sait qu'il condamne les passagers à la mort, et tout le personnel fait son possible pour que le train arrive réellement à destination. Retirant tout ce passage précédant, où Rand montre que l’égoïsme peut justifier de tuer ces 300 personnes !
Selon moi, la phrase qui résume le mieux l'idée dont je suis en train de parler, centrale dans le livre, c'est: «When a man declares: ‘Who am I to know?’- he is declaring: ‘Who am I to live?”»[9]. Je ne pense pas que ça soit de la grande philosophie, une vérité profonde révélée au monde par Rand. Mais c'en est une illustration poignante. Et pour une fois, je suppose que le concept s'applique à notre monde réel. Je donnerai un unique exemple: les vaccins (où les traitement de n'importe quel maladie), c'est finalement ta propre vie qui est en jeux. Si tu dois choisir de ne pas faire confiance à l'état, d'être convaincu que l'on tente de t'empoisonner, alors tu sauves ta vie. Sinon, tu contribues à augmenter les risques de ta mort. À augmenter les risques des gens que tu peux contaminer aussi, ainsi que celle de tes enfants, donc tu ne demandes pas seulement qui tu es pour vivre toi, tu engages les autres avec toi, et cette raison, selon moi, justifie à elle seule les obligations imposées par l'état aux parents (ce qui serait insupportable à Rand). Mais je suppose que ça justifie aussi la lutte des anti-vaccins contre l'état, s'ils sont persuadé qu'on tente d’empoisonner leurs enfants. Je pense que cet œuvre est la meilleure illustration que j'ai jamais vu de l'idée qu'il est d'une extrême importance de savoir distinguer le vrai du faux, de savoir se faire un avis par soit même, et d'être dans une position où l'on peut collaborer en confiance avec d'autres gens. J'ai connu quelques œuvres qui montrait comment la science a amélioré le monde, je trouve bien plus parlant de voir ce que l'abandon de la science au profit de la sagesse populaire et de l'intuition peut faire comme mal au monde.
Je pense que je ne peux pas le dire assez, la grande différence entre la majorité des fans d'Atlas Shrugged, et moi, c'est qu'ils voient les héros comme des hommes d'affaires, et je les vois comme des scientifiques ou des ingénieurs. Dans le monde de Rand, ce sont les même gens - ce qui en fait un monde très différent de celui dans lequel je vis. Peut-être parce qu'aucun de ces gens n'a de syndrome de l'imposteur. Seule l'héroïne n'a rien inventée, elle se contente de deux qualités: être extrémement compétente à son travail de direction éxécutive, et être la fille de l'ancien patron. J'ai vu plusieurs gens reprocher à Rand de choisir comme héros des héritiers. Montrant ainsi que l’ascension au mérite ne marche pas, même dans son monde imaginaire. Je trouve cette critique raté, puisqu'elle décrit un monde en déliquescence, et pas un monde selon son idéal. Si l'on croit Atlas Shrugged, le monde s'arrête car les gens compétents partent en grèves. Mais il n'y a pas que les patrons qui partent en grève. Pour être crédible, elle a du aussi décider que des ingénieurs, des techniciens, et même des gens compétents pour un travail totalement moins qualifié, aient aussi décidé de partir en grève. On remarque plus le départ des grands patrons, parce qu'ils sont capable de créer plus de remous. Mais tous les patrons ne partent pas en gréve. Les patrons incapables, qui survivaient car ils avaient des amis à Washington, des connaissance qui pouvaient leur faire obtenir des prêts de l'état, qui pouvait obtenir des exceptions évitant d'appliquer à leur entreprise des décrets pénalisant leurs concurrents. D'ailleurs, ceux-là étaient ceux qui gagnaient le plus d'argent (quoi qu'ils pouvaient de moins en moins acheter avec cet argent, puisqu'avec la crise, peu était produit, et ça se vendait très cher.) Et je pense que les patrons adorant Rand se rangent plutôt dans cette deuxième catégorie, j'ignore s'ils s'en rendent compte.
Finalement, le paradis de Rand, c'est un lieu peuplé de Sheldon Cooper (le héros super intelligent, de Big Bang Theory. Et totalement inadapté aux conventions humaines). Mais c'est un lieu rempli de Sheldon Cooper qui réussit mystérieusement à survivre. Et quelque part, c'est un lieu qui me fait un peu envie. Pour la même raison que celle pour laquelle j'étais fan de The Big Bang theory. Je déteste beaucoup d'obligations sociales (d'ailleurs, je ne sais pas qui les aiment.) Je déteste l'obligation d'être hypocrite. L'idée qu'il soit possible de dire honnêtement ce qu'on pense, de dire «vous dites des conneries même pas cohérentes, et vos actions ne font qu'empirer des choses», ça a un côté extrêmement attirant. D'ailleurs, ces questions d'apparences m'ont énormément surpris dans le film. Puisque les héros sont sensé être jugé uniquement sur leurs compétences, je me demande pourquoi tous portaient un costume-cravate, et pas un vêtement plus confortable. Après tout, ils n'ont rien à prouver, et ils se fichent des gens qui jugent sur autre chose que du concret. Les tests fait sur le nouveau métal sont concrets, la cravate du métallurgiste non. D'ailleurs, cette différence semble avoir échappé au critique cité plus haut. L'héroïne déclare que ce nouveau métal est bon, car elle a vu les tests et expériences fait dessus, donc demande à son frère et patron de la croire quand elle dit qu'elle utilisera ce métal pour ses chemins de fers. Ce frère et patron déclare avoir beaucoup investit dans une mine car il avait toute confiance en Dan Cognio, qui est un type sûr. Le critique ne voit pas pourquoi, selon Rand, le frère devrait croire la sœur et pas l'inverse. Personnellement, ça me parait assez évident, croire un homme et croire des expériences, c'est différent.
Je suis un chercheur, donc un scientifique. Je ne créé rien de concret, mes résultats pourront servir à d'autres à implémenter des programmes qui eux même pourraient servir à des gens ayant des buts plus concrets, et encore, c'est pas certain. Donc je suis loin d'être un héros Randien. Dans son monde, je serai un méchant de la State Science Institute, je ne me méprend pas à ce sujet[10]. Mais, paradoxalement, il y a un point que j'adore dans mon métier, qui n'est absolument pas concret, et que Rand montre bien. La science a des limites. En informatique, on peut prouver certaines limites mathématiques. En physique, il y a des lois fondamentales limitant ce qui est possible. Ayn Rand montre aussi des limites, même s'il s'agit de limite économiques, et que je suis moins certains que ces limites soient réelles. Elle montre un système économique poussé à la limite. Les méchants ne croient pas les gentils qui alarment que la limite approche, parce que jusqu'à présent, la limite n'avait jamais réellement été atteinte. Certes, il n'y avait plus de grilles-pains neufs, et il devenait difficile de se chauffer en hiver. Mais si on avait assez de sous, ça allait encore. Mais Rand ne tombe pas dans le cliché de «quand on veut, on peut», de «il suffira de travailler plus fort». Ce dont les profiteurs sont persuadés que c'est possible, que les héros n'ont qu'à travailler un peu plus pour continuer de produire plus. D'ailleurs, ils avaient raison de le croire, puisque plus ils exigeiant, plus ils obtenaient (tant que la limite n'était pas atteinte, je veux dire). Selon Rand, c'était la grande erreur de son héroïne; elle aussi avait envie de croire qu'elle pourrait tenir le système à elle seule[11]. Je donne un unique exemple. Taggaert Transcontinental était la plus grosse compagnie de train, avec des voie partout dans l'amérique. Un concurrent est venu, et a principalement une voie. Suite à une série d'accident, cette unique voie est la dernière disponible pour relier les deux océans. Dans le cadre de l'état d'urgence, il a été décidé que l'état recevrait tous les profits des compagnies de chemins de fers, et les reverseraient proportionnellement au nombre de kilomètres de voies possédé par chaque entreprise. Il se trouve qu'un des lobbyiste influent de cette loi est le patron de Taggaert Transcontinental. Sa sœur, l'héroine, dit donc à haute voix à quel point il est un profiteur, que ce n'est pas un hasard si ça lui rapportera énormément d'argent. Qu'il sera payé pour toute ses voie à l'abandon, plus utilisé par aucun train. Et que ça ruinera son principal concurrent, qui a une seule voie, qui est énormément utilisé, et nécessite donc un entretien important et couteux. Elle signale aussi que, une fois que le concurrent sera ruiné, ce morceau de voie indispensable ne sera plus utilisable, et puisqu'avec la crise, ils ne pourront pas le reconstruire eux-même, Taggaert ne sera plus transcontinental. Ça me parait assez cohérent d'imaginer que si, plus tu as du succès, plus tu perds d'argent, le système est intenable. (À noter que, contrairement aux fan d'Ayn Rand, je n'en tire pas comme conclusion que les impots ne doivent pas augmenter en pourcentage. Simplement que le pourcentage ne doit pas dépasser 100%.) Cette idée que la science à des limites était d'ailleurs assez bien illustré dès le début, par le fait qu'une révolution importante était une amélioration de métal. En 10 ans de travail, le héros, qui est sensé être un des grands génie, a juste créé un métal plus solide et plus léger. On est loin de la SF où l'on a des vaisseaux spatiaux, de la téléportation, ou des moyens d'échanger des images instanténement avec des amis.
Bref, pour moi, Atlas Shrugged est le plus bel hommage aux gens compétents que j'ai lu. Et ça le reste, même si l'auteur confond les mots compétent et capitaliste. Je finirai par un dernier point, il y a une chose où les détracteur anticapitaliste d'Atlas Shrugged devrait quand même être d'accord avec les fans. Les capitalistes qui pensent que toute action du gouvernement est une atteinte à la liberté, qui croient qu'Atlas Shrugged doit être suivi au premier degré, devraient se mettre en gréve. Peut-être que les fans et les détracteur espèrent et prédisent des conséquence différentes à cette grève potentielle, mais je ne pense pas qu'aucun des deux camps n'imagine que la gréve ne lui soit pas bénéfique.
Notes
[1] Par contre, je partage à 100% son avis sur le film. Il est d'une nullité prodigieuse. Comme s'ils avaient voulu retirer tout ce qui est bien du livre, et ne garder que les incohérences.
[2] Vraiment, c'est dur pour moi. Je n'ose pas supprimer cette phrase où j'explique que je sais que la réalité est différente de l'œuvre !
[3] À part si on est dans une performance dans un cadre SM, mais auquel cas la souffrance ne porte pas sur toute la vie, juste sur le temps de la prestation, dans une ambiance précise. Et vu la description des relations entre l'héroïne et ses amants, parler de SM n'est même pas déplacé - à part que dans le SM, il y a une notion de consentement, qui semble absente dans le roman.
[4] À noter que le film est encore pire, puisqu'aucune explication n'est donnée du tout.
[5] Il semble que ça soit aussi un problème de beaucoup de gens qui se marient
[6] Ce qui ne veut pas dire que les tests d'Hank Rearden permettait vraiment d'obtenir les conclusions qu'il annonce. Mais puisque Rand ne décrit pas les expériences menés sur le métal, je m'abstiens de me prononcer à ce sujet. Contrairement au critique cité plus haut.
[7] Il faut rajouter deux autre problème quand bien même ça aurait pu réussir, il se trouve qu'un passager a tirer le bouton d'urgence, pour stopper le train au milieu du tunnel. Rendant la mort certaine. Et pour couronner le tout, un train transportant des explosifs pour l'armée allait sur les mêmes rails, à contre sens (le tunnel n'a qu'une seul voie). Ce qui a entraîné l'exlposion du tunnel.
[8] Sinon, essayez ici, là puis là.
[9] «Quand un homme déclare: "Qui suis-je pour savoir", il déclare "Qui suis-je pour vivre ?"»
[10] Une autre preuve de ce fait, si l'on me menaçait de me torturer, je suis sûr que je serai prêt à dire du bien des instruments de tortures, plutôt que me sacrifier au profit de la vérité.
[11] devenant par là même une dictatrice éclairée, choisissant quel industries était assez indispensable pour autorisé qu'on leur envoie les quelques trains qui reste, et quel industries elle laissait périr. Ce que je trouve assez ironique.
Commentaires
" Mon plus gros problème avec cette critique, c'est qu'il répond au roman comme s'il parlait de la vraie vie. ".
"Le souci, c'est que ni l'auteur, ni sa fan base, ne considèrent Atlas Shrugged comme une œuvre de fiction."
"Ça me rappelle beaucoup trop des discussions que j'ai eu, sur le sujet de la science, avec des gens n'en ayant jamais fait."
C'est le soucis avec Rand: malgré toutes ses louanges envers la science, elle démontre par son comportement qu'elle n'en a cure, et que seule son idéologie importe.
"Je n'ose pas supprimer cette phrase où j'explique que je sais que la réalité est différente de l'œuvre !"
Elle est indispensable, tu fis bien.
Je comprends que tu puisse avoir des points communs avec tel ou tel personnage.
Je comprends que tu puisse retirer des choses en comparant des situations du livre à ton vécu.
Je comprends que de ce fait, tu apprécie le livre.