Vie privée des autres

Un principe de base, sur internet comme AFK[1], c'est de ne pas poster d'informations sur les autres sans leurs consentements. Enfin, c'est la théorie, parce qu'il y a pleins d'exceptions. Le plus évident c'est quand ça relève de choses interdites et que vous voulez faire cesser, et qu'il n'y a pas de moyens plus respectueux de tout le monde que de partager l'information. Quand je me suis fait voler mon portefeuille, je n'aurai pas attendu la permission pour crier au voleurs[2]. Dans un cadre plus sympathique, je pense aussi aux compliments relatif à une action publique de la personne. Je ne vais pas demander la permission à Selkio et Ryku pour dire que leurs sagas mp3 sont géniales.

Notes

[1] Away From Keyboard, bref, en dehors d'internet.

[2] Mais les portes du métro ont ceci de sympathique qu'elles se referment et sont opaques. Donc même en sentant la main dans ma poche, impossible de voir qui me vole.

Et encore, il y a une exception à l'exception. Des gens ont des pseudonymes. Je dirai publiquement du bien de la personne, mais uniquement en utilisant le pseudonyme. Quand bien même je connaîtrait leur nom, dire du bien avec le nom c'est déjà à éviter. Pour éviter par exemple que les moteurs de recherches ne fassent le lien entre les deux appellations. Par exemple, j'ai une amie professeur, je crois qu'elle ne voudrait pas que ses élèves tombent sur les vidéos de notre troupes de théâtre ou de ses spectacles de cirques. Il n'y a rien de compromettant, ou d'honteux, mais professionnellement, ça pourrait gêner. D'où l'idée de faire attention même sans parler de trucs considéré comme aussi personnel que l'orientation sexuelle/romantique, l'identité de genre ou l'état médicale.

C'est pour ça que, sur ce blog, je met pratiquement tout le temps un-e ami-e, un-e copain/ine. Ou que je nomme les gens par des lettres... Bien sûr, il y a toujours le risque que les gens qui me connaissant et lisent ce blog connaissent une personne dont je parle. Donc j'essaye en plus de donner suffisamment peu de détails - ou alors des détails faux - pour que le lien avec cette personne ne puisse pas être fait, même par quelqu'un qui nous connaît. Sauf si bien sûr ce lecteur connaît non seulement cette personne, mais connaît aussi l'anecdote dont je parle.

Parfois, je peux avoir l'air paranoïaque comme ça. Ainsi, si A me demande le pseudo twitter de B, ou son téléphone, je n'irai pas le donner sans vérifier le consentement. Le plus simple étant même de dire à A que je vais passer son contact à B, afin que B réponde si B le souhaite. Si A refuse, ça justifie la suspicion.


Voici donc un exemple où ce principe m'a posé un vrai problème. Où je n'ai pas donné d'information, en me demandant quand même si je devrai en donner. Voici aussi comment j'ai choisi de le résoudre, avec ce qui était, je pense, le moindre mal. Dans l'exemple qui suit, les gens qui connaissent A et B peuvent deviner de qui je parle. Les autres ne devraient rien apprendre sur les gens concernés, donc ce billet respecte le principe édicté dans ce billet. J'espère.

Une personne A appartenait à un moment à un groupe G de pote. Il y avait un principe P qui était une évidence dans ce groupe. Ce principe est suffisamment fort pour que dire du que ce principe est mauvais puisse suffire à y perdre des potes[1]. Puis A a totalement changé. A a discuté avec des gens d'un groupe pensant que P est très mauvais et devrait disparaître. A m'a expliqué ses arguments en privé en me demandant de ne pas répéter ça[2], sachant très bien que ça ne serait pas apprécié. Plus tard, peut-être car A avait moins de doutes, A a publié ses propos sous un pseudo A'. Certaines personnes ignorant d'ailleurs que A et A' sont deux identifiant de la même personne.

Une personne B voit que A' dit du mal de P, presque que P est mauvais. Et B voit que A' et moi semblons nous connaître. Donc B[3] me demande des informations sur A'. Et là, se pose à moi un dilemme. Si je dis que A', c'est A, je révèle des choses sur A que A n'assume pas forcément publiquement. D'un autre côté, si je ne le dis pas, B risque de le découvrir quand A et B se croiseront. Et les conséquences mentales, et sur le morale, peuvent être assez fortes. Je décide pour l'instant de ne rien dire, basé sur le principe énoncé plus haut, sur la parole que j'ai donné à A. Je me base aussi sur l'idée que, soit A ne dira pas que «P est mauvais» avec des gens du groupe G. Soit que A n'ira pas refréquenter ce groupe.

Plus tard, A me demande le pseudo twitter de B. J'explique à A le principe mis plus haut et que je préfère donner à B le pseudo A', libre à B de l'utiliser ou non. Je transmet aussi la demande à B, qui me donne l'autorisation de donner son pseudo B' à A. Notons que donner le pseudo implique que A est prêt à assumer auprès de B ses propos posté sous le pseudo A'. Je me permet donc enfin de prévenir B, en lui conseillant d'aller voir le compte twitter A' avant de voir ce que B doit choisir de faire.

Je rajoute donc un «trigger warning» au cas où. Parce que ce message est potentiellement désagréable pour B (comme ça l'a été pour moi et pour quelques potes qui sont au courant qui ont vu le changement d'opinion de A).


J'ai l'impression d'avoir utilisé la moins pire des solutions, en fonction des possibilité que j'avais à chaque moment. Mais j'apprécie pas. En devenant intermédiaire, j'ai l'impression de m'être lié au message «P est mauvais». Message que je ne partage pas du tout.

Et j'ai peur qu'en tout cas, émotionnellement, signaler le propos puisse avoir créer une sensation désagréable sur le moment. Je rationalise en me disant que ne pas avoir signalé le propos puisse créer une sensation encore plus désagréable à B plus tard. Mais je me dis aussi qu'une inaction aurait peut-être été plus simple, et je n'ai pas de certitude qu'elle n'aurait pas été mieux.

Notes

[1] Dire «P est mauvais» n'est pas équivalent à «dire du mal de P». Il reste parfois possible de critiquer les détails, l'implémentation. Mais pas de remettre en cause l'existence même de P.

[2] Je l'ai déjà écrit, je déteste avoir des secrets. En général je préfère refuser de l'entendre. Donc, soyez poli, commencez par me prévenir que c'est un secret, et ne m'imposez pas ça après coup.

[3] qui n'est pas un autre identifiant de A et A'. Sous l'hypothèse qu'une même personne ne peut avoir deux corps différents.

Commentaires

1. Le samedi 3 décembre 2016, 08:57 par @now@n

...
Je ne sais pas pourquoi, mais pour bien dérouler la logique de ce billet j'ai dû créer un exemple. En posant P = "principe que le polyamour est moralement acceptable", je conçois bien le drama, parce que si des potes à A ont plusieurs relations et que A décide en lisant des trucs sur Internet que c'est inacceptable, forcément, ça remet en cause les liens qu'il a à tous les gens du groupe de potes G.

Pas facile facile à gérer comme situation :/ Mais je dirais que tu as fait au mieux et avec la volonté que tout le monde s'y retrouve (quitte à clasher parce que B découvre les opinions de A, ça fait partie de la vie). Ta politique de transmission des informations semble très bien <o

2. Le samedi 3 décembre 2016, 11:32 par Typhon

« À un moment, une personne B me demande des informations sur A'. Et là, se pose à moi un dilemme. »

Là j'avoue que je comprends pas ce qui t'empêche de dire à B de demander directement les informations à A', ce qui paraît encore la solution la plus simple.

3. Le samedi 3 décembre 2016, 13:33 par Arthur

@typhon: Tu as totalement raison. J'ai rajouté une phrase pour expliquer ceci.

4. Le samedi 3 décembre 2016, 19:01 par Athreeren

Je ne vois vraiment pas le problème. D'accord, si la négation de P traumatise une large partie du groupe G, c'est un minimum d'utiliser des trigger warnings quand on veut en parler au sein du groupe. Mais en dehors de G, il est essentiel que les gens en discutent : si P et si important, ce n'est pas en ignorant ceux qui sont opposés à P que ces personnes disparaîtront. Et considérer que la négation de P est taboue ne va certainement pas aider non plus.

Je suis contre les limites à la liberté d'expression telles que les lois sur le négationnisme, ou le fait d'empêcher quelqu'un de parler publiquement parce qu'on trouve ses idées offensantes. Si deux groupes ont des opinions opposées sur P, et que c'est important pour les deux, il est essentiel qu'ils puissent débattre dans un cadre neutre qui permette à chacun d'exposer ses idées dans le respect de l'autre. Parce qu'on peut trouver des arguments qui peuvent sembler bons pour les idées les plus absurdes, et si les seuls arguments qu'on se voit opposer est « tu devrais avoir honte de penser ça », ça ne va convaincre personne de changer d'opinion. Si P est à ce point évident pour les membres de G, ils doivent avoir des bons arguments pour penser ça, et les expliquer à A me semble être une bien meilleure façon de le convertir à cette opinion plutôt que de le rejeter (après, je comprends que tout le monde n'ait pas envie de débattre n'importe qui, et si l'idée même de non-P est blessante pour quelqu'un, je comprends que cette personne préfère ne fréquenter que des milieux ou P est un axiome. Mais quand c'est un membre du groupe, je crois que ça vaut le coup d'en parler)

Il n'y a donc aucune honte à avoir à relayer un message qu'on ne cautionne pas, au contraire, c'est une preuve d'ouverture d'esprit, et faciliter le dialogue entre les deux groupes est une bonne chose (tant que ce n'est pas attirer les trolls). Plus encore, si tu trouves des arguments convaincants chez les non-P, il est utile d'en parler avec les pro-P pour comprendre quelle est la faille dans le raisonnement.

http://www.smbc-comics.com/?id=2939
https://youtu.be/rE3j_RHkqJc

5. Le mercredi 11 janvier 2017, 01:02 par LCF

J'aurais tendance à approuver l'avis d'Athreeren.
Une chose, cependant:
EN Trigger warning
FR Avertissement

Exemples:

[https://duckduckgo.com/?q=avertissement&t=ffsb&iax=1&ia=images]

https://images.duckduckgo.com/iu/?u...

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