Une scène ouverte

TW: psychophobie, sexisme, menace de violence

Je ne vais pas donner le nom de la salle, de la scène, ou du présentateur. Je pense que beaucoup d'humoriste parisien reconnaîtront facilement. Mais c'est pas grave, car si c'est le cas, ils connaissent déjà en gros ce type d'anecdote.

J'ai décidé de tester quelques sketchs sur des scènes ouvertes. Visiblement, le nombre de scène ouverte a bien diminué depuis que j'ai arrêté les sketchs. J'ai demandé à une des scènes qui restent s'ils me laissaient passer. J'ai eu le droit. Puis deux jours avant ma date de passage, on m'a décalé à la semaine d'après. Ce qui est ballot, vu qu'il faut venir avec deux spectateurs, et que parmi mes deux spectateurs, l'un n'était pas décalable.

Je vais au théâtre le jour dit. Un peu stressé, car j'ignore si, avec un seul spectateur, je pourrai passer ou non. Il dit oui, mais de pas recommencer. Ce qui est pratique c'est que, malgré ma question posé sur facebook le matin même, je n'ai la réponse à ma question qu'une minute avant qu'il ne monte sur scène. Ce qui fait que mon spectateur lui même ne savait pas s'il devait acheter son billet avant que le spectacle commence[1]. Dans ce lieu, le billet c'est une consommation. C'est à dire qu'il faut prendre une boisson pour avoir le droit d'accéder à la salle. Je soupçonne fortement une technique pour éviter les taxes sur la billetterie.

En coulisse, le présentateur demande aux 5 humoristes combien de gens ils ont ramené. Il engueule ceux qui ont ramené une seule personne. On ne joue pas le jeu, on est des voleurs, on vient pour tester, mais on aide pas à remplir la salle. Effectivement, il y a environ 20 spectateurs. C'est peu. Un humoriste, québécois en vacance à Paris, a ramené 4 personnes. Parents, frère et sœur. Il se fait engueuler, parce que ces gens là sont proches, ne viennent que pour lui, et ne vont pas prêter attention aux autres humoristes. Et puis ils le connaissent déjà, donc vont pas rire en le voyant sur scène. Bref, c'est des spectateurs qui servent à rien.

Le public est difficile et rigole peu. L'hypothèse que le présentateur soit mauvais n'est visiblement pas envisageable, ça fait 10 ans qu'il fait de l'humour, il connaît un peu son métier. Je n'ose demander, s'il est si pro, pourquoi il se contente d'animer une scène devant 20 personnes. D'ailleurs, nous dit il, comme le public est froid, il a même fait des vannes sur les partouzes[2] et d'autres trucs de culs, pour avoir tout le public. Et même ça, ça les a pas fait rire. En fait, il me faisait penser à ces voyant qui sont sûr d'eux, et expliquent après coup pourquoi ça n'a pas marché à cause d'une exception dont ils n'étaient pas au courant. Ici: il y avait une famille. Et un père ne peut pas rire de partouze en présence de ses enfants.

Comme ça ne rit pas beaucoup au deuxième humoriste, le présentateur rentre dans la salle, et il rit. À n'importe quelle fin de phrase. Même quand y a pas de vannes. Dans les coulisses, on entend son rire. On se dit que c'est gênant. Je veux dire, il est SEUL à rire. Et ça a l'air forcé !

Durant le deuxième humoriste, le présentateur vient nous dire en coulisse son autre hypothèse. Le public est raciste. Et ça fait 3 arabes d'affilés qui passent[3]. Je précise que je reprend les mots du présentateur, qui se qualifie lui même d'arabe. Peut-être que ça marchera avec moi, car «je suis français» (montrant bien mon visage). Eh bien, je vais vous dire, j'ai rarement été aussi content de me prendre un bide ! Bon, c'est pas un bide total, j'ai quand même quelques rires. Mais bien moins qu'à Première Fois. Je me dis que c'est peut-être car je suis aussi le seul humoriste de la soirée à ne pas parler de drague. En même temps, draguer dans le cadre de la polyamory, je vais avoir du mal à faire des vannes auxquels le public pourra se dire «il a raison».

Une autre règle, en plus des 2 spectateurs. Il faut faire 5 minutes maximum. Le présentateur active a un signe qui signifie à 4 minutes 30. Comme il nous a dit avant, il ne faut pas dire «ah, on me fait signe que c'est fini, c'est tout pour moi», mais prendre le temps de finir sa vanne, peut-être d'en faire une ou deux autres. Mais il ne faut pas aborder d'autre sujet. En rentrant en coulisse, notre cher présentateur engueule un humoriste de 17 ans qui tentait pour la 2ème fois une scène ouverte. Parce qu'il a dépassé ses 5 minutes. Et qu'il s'est pas arrêté quand il y a eu le signe des 4 minutes 30. Même que selon le présentateur, l'humoriste a abordé un autre sujet. Ceci nous a valu un grand débat entre «j'ai pas vu le signe» et «tu peux pas ne pas l'avoir vu, parce que je suis même venu devant toi te faire signe de la main» et de «En impro, ce signe signifie mi-temps. Je pensais qu'il me restait 2 minutes» ou enfin de «Déjà que tu ramènes qu'un spectateurs, tu as fait 3 minutes de plus que tous les autres. T'es un voleur.» Je ne comprenais même pas pourquoi ce garçon débattait avec le présentateur. Il part du principe qu'on lui ment et veut l'arnaquer. Il n'y a clairement pas moyen de lui faire entendre raison. A posteriori j'ai compris, l'humoriste de 17 ans évitait à l'humoriste présent sur scène d'avoir les faux rires du présentateurs. Il se dévouait.

Le présentateur nous explique qu'il riait pour pousser les gens à rire par imitation. Et ça permettra au vrai rire de démarrer. Il est tellement sûr que cette méthode marche qu'il encourage le public à se forcer à rire. Même qu'il prétend qu'il va se faire leurs mères s'ils ne rigolent pas. Et qu'il dit être schizophrène et qu'il peut vraiment être violent....
Je tiens à signaler que je lui doit une blague sexiste qui m'a fait rire. Parce qu'elle est tellement sexiste que j'avais cru à une parodie. Je ne mettrai pas la blague en ligne, parce que ça ne se fait pas de voler les blagues des autres humoristes, mais n'hésitez pas à me la demander en message privé. Je tiens à dire que, après tout ce que j'ai dit, quand il me donne des conseils sur mon sketch et sur ce que je dois faire, ça me fait rire intérieurement. Dans le sens où si LUI a raison, alors ce qu'il faut faire c'est arrêter le stand up.




On revient tous les 5, on dit nos noms, comment nous trouver sur les réseau sociaux, et nos actualités. Vu qu'on est tous débutant et sans actus, c'est surtout l'occasion de faire une dernière vanne. Enfin, le présentateur se lamente sur le sort pitoyable des artistes. Vu que l'entrée est gratuite[4], c'est bien de nous donner de l'argent pour nous encourager. Et donc il y aura un chapeau où mettre des billets à la sortie.

Deux humoristes restent à la porte, à tenir le chapeau. Je jette un œil à la fin. Que des pièces. Et beaucoup de pièces jaunes. Un rapide décompte me fait voir qu'il y a moins de 20 euros. Je demande alors comment se passe le partage. J'avais pas demandé avant car je ne fais pas ce genre de scène pour les sous. J'apprends alors d'un autre humoriste qu'en réalité, tout l'argent revient au lieu qui nous accueil. J'ignore si c'est effectivement le cas, où si l'argent est pour le présentateur. Mais en tout cas, ça donne une saveur particulière au fait de se faire traiter de voleur.

Conclusions

Notons en passant que 20€ pour le présentateur, ça me semble pas du vol. Malgré tout le mal que je dis de lui, ça reste du boulot de programmer des gens, faire connaître une scène ouverte - ce qu'il réussit visiblement plus ou moins à faire, vu qu'il y avait quand même une vingtaine de spectateurs, et que seuls une dizaines avaient été ramené par les humoristes. Donc, mon seul reproche ici est le mensonge au public.

L'avantage de ce genre de salle, c'est qu'une fois qu'on a fait ça, on est humble et on peut apprendre le métier.

Notes

[1] En effet, il n'allait pas rester si je ne jouais pas.

[2] Ça a l'air drôlement marrant, selon certains humoristes, le mot partouze.

[3] Je rappelle que les humoristes sont venus avec des spectateurs. On peut donc envisager que ces spectateurs étaient au courant qu'il y ait des humoristes arabes et n'aient pas de problème avec ça.

[4] Je me demande s'il y a vraiment des humoristes qui croient au fait que les gens ont vraiment acheté un coca à 5€ juste pour le plaisir de boire un soda à Paris.

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