«Appelle la police»

Trigger warning: menace de violence, indifférence, police.

J'ai été formé au premier secours. Plusieurs fois. Et pour l'instant, le seul truc que j'ai appliqué, c'était appelé les secours. Ce que j'ai fait 3 fois déjà. Mais on ne nous forme pas à ce qu'il faut faire en cas de menace d'agression. À défaut, je vais poser ici mes réflexions sur ce que j'ai vu tout à l'heure.

Les événements

Dans ce qui suit, je donnes les événements tels que je m'en souviens. Avec tous les défauts qu'ont la mémoire humaine, qui recrée l'histoire en se la remémorant. Avec une évaluation des durées faussé par la frayeur et par l'absence de chronomètre interne. C'est même pour ça que je couche l'histoire par écrit sitôt rentré chez moi, avant qu'elle ne se déforme trop.

Dimanche 1er janvier 2017, 17 heures 30 environ, j'entre dans la boulangerie à côté de chez moi. Une femme court, rentre avant moi, et me claque la porte au nez. Elle passe derrière le comptoir et va dans l'arrière boutique. Elle crie «appelle la police». La vendeuse la suit et lui parle. Je vois plus ni elle ni la vendeuse, mais je les entend. Un homme, plus grand qu'elle, entre dans la boutique et leur crie des chose que je ne comprend pas - à part qu'il dit à la vendeuse de faire sortir l'autre femme. Une vingtaine de secondes plus tard, il ressort et attend devant la vitrine, regardant vers l'intérieur. La femme itère sa demande d'appeler la police, la vendeuse tente de la calmer. Une autre cliente rentre. Nous patientons plus d'une minute, sans personne derrière le comptoir. La cliente dit qu'elle va aller ailleurs. Je lui dis que, «vu ce que j'ai entendu, je ne veux pas les laisser seule. -Qu'est-ce qui se passe ? -la femme étant entrée en disant d'appeler la police.» La cliente reste. J'hésite à appeler, vu que le type est toujours devant la vitrine, nous regarde, qu'il risquerait de mal le prendre, et qu'il n'a pas l'air de bonne humeur.

La vendeuse ressort, je lui demande si tout va bien, s'il est possible de l'aider. Si elle veut que j'appelle la police. Elle me répond qu'elle ne veut pas de problème, et que son patron allait bientôt arriver de toute façon. Je prend donc mes deux baguettes et ressort. Une fois sorti, je m'éloigne de l'homme et appelle la police. La première personne que j'ai au téléphone me passe une autre personne. J'explique donc la situation du dessus. Disant que je ne savais pas ce qui se passait exactement, mais que j'ai préféré bon de les appeler. Mon interlocutrice semble ennuyer, parce que je ne peux pas garantir s'ils sont toujours à l'intérieur (je m'étais éloigné. Et il y a sûrement une sortie dans l'arrière boutique, qu'elle aurait pu prendre sans que je la vois.) Elle a donc peur qu'elle envoie ses collègues pour rien. Je réitère donc que j'ai vu une femme paniquer crier d'appeler la police et que la vendeuse a juste dit qu'elle ne voulait pas de problème. Elle a dit qu'elle envoyait quelqu'un.

Note en passant, je ne fais pas de reproche à la vendeuse. Contrairement à moi, elle ne peut pas s'éloigner. Si elle appelle, il le sait. Même qu'il pourra la retrouver plus tard vu qu'elle bosse ici. Pour autant que je sache, elle était seule dans sa boutique.

Je continue mes courses. Puis 20 minutes plus tard environ, en arrivant chez moi, je vois un camion de pompier et une voiture de police garé en face de la boulangerie. Je vois 8 policier/ère.s devant la boulangerie, certain-e-s en sortent. Je vais donc les voir, pour dire que c'est moi qui les ait appelé. J'ignore si ça peut servir. Ils m'ont demandé si je pouvais décrire l'homme. J'ai dit que non. Ils m'ont demandé si je le voyais encore. J'ai répondu qu'il était devant la boutique quand je suis parti, mais qu'il n'est plus là. Ils sont donc parti, suivre un collègue. Je les ai entendu dire qu'ils cherchaient l'homme.

La suite

Je n'ose pas retourner dans la boutique et demander à la vendeuse comment ça a évolué. Après tout, elle ne voulait ni problème ni mon aide. Je n'ai pas la certitude que je n'ai pas envenimé la situation. En particulier si l'homme a vu les voiture arriver, mon cerveau me fournit tout un tas de réaction hypothétiques pas très cool. Le fait que les policier/ère.s soient en recherche de cet homme, et qu'il y a un camion de pompier en face n'est pas pour me rassurer.

Pensée après coup

J'ai pas spécialement de regret. Dans le sens où j'ai l'impression d'avoir agi de manière relativement correcte, vu les informations dont je disposais au moment d'agir. Que ce soit les informations sur cet événement précis, ou les meilleurs réactions à avoir en cas de menaces. Ce qui ne m'empêche pas de trembler au moment où j'écris ces lignes.

À la réflexion, sortir une fois que j'ai les baguettes est incohérent avec ma volonté de ne pas les laisser seule. Même si j'ai été légèrement rassuré par la vendeuse sur le moment, a fortiori c'est stupide, vu que ce n'est pas elle qui demandait à appeler la police.

De plus, je ne suis pas physionomiste. Je le sais, et aurait donc du en tenir compte en regardant attentivement l'homme. Et puis, vu qu'il ne faisait pas attention à moi et restait à regarder la vitrine, j'aurai probablement du moi même rester au coin de la rue et le regarder. Voir s'il rerentrait, ou où il partait. Ça m'aurait permit de répondre à la question de la police (que je ne savais pas que la police me poserait).

J'ignore si j'aurai des suites. La police à mon téléphone, ils ont demandé mon nom. Je suppose que je pourrai être amène à témoigner. Auquel cas ce billet m'aidera à avoir une mémoire fraîche, vu qu'il est rédigé moins d'une heure après l'incident.

De plus, je vais relativement souvent à cette boulangerie. Ce n'est pas ma préféré, mais elle est ouverte tard et le dimanche. Je reverrai donc sûrement la vendeuse. J'ignore si elle se souviendra de l'incident - probablement - et que j'étais là et ait demandé si je pouvais aider - probablement pas. D'un autre côté, c'était déjà suffisamment dur de sortir du rôle de client qui veut deux baguettes, pour rentrer dans le rôle d'autre humain qui veut savoir s'il peut aider pour ce qui semble être une urgence. Alors je ne pense pas que je ressortirai de mon rôle pour demander un renseignement. Outre le fait que cette histoire ne me concerne que de très loin, et avoir été témoin et appelant ne me donne pas le droit à des informations sur leurs vies privées.

Conclusion

Comme le laisse entendre l'introduction, je regrette un peu que l'on ne soit pas formé aussi à ce qu'il faut faire en cas de menace, sur soit ou sur autrui. Et je me demande sincèrement quoi changer pour diminuer les chances de mauvaise conséquence si ce genre d'action devait se reproduire.

Mise à jour

J'en ai rediscuté, deux semaines après, avec la boulangère. Elle m'a dit que j'avais bien fait d'avoir appelé la police. La police a pris ses coordonnées, et est parti avec la femme. Elle n'a jamais eu de nouvelles depuis. Il s'agissait d'une femme battu par son mari. Je n'ai pas jugé pertinent de demandé comment la vendeuse a eu cette information.

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