Première fois

Lundi 31 octobre, le jour d'Hallowen, j'ai joué à Première fois. Le plateau de Yacine - le meilleur stand-upper de France selon moi et selon quelques geeks de stand-up - et de Mim. Plateau qui a trois particularités: -Les gens ne doivent y faire que des choses qu'ils n'ont jamais faites en public. -Ils programment souvent des gens déjà connus, et parfois ils viennent juste comme spectateurs[1]. -Et surtout que les deux organisateurs sont gentils et mettent une ambiance extraordinaire pour les artistes qui y passent.

Note

[1] et là je vais éviter le name dropping

C'est la 2ème fois que je suis passé à 1ère fois. J'avais cru avoir passé la caméra a un de mes copains, mais elle était dans ma poche avec moi. Donc pas de captation image. Peut-être une au son viendra. En plus, j'ai paniqué car j'ai un thermos de thé, et que je m'en suis renversé dessus quelques minutes avant mon passage. Et que je n'avais aucune envie que le public pense que je me suis pissé dessus avant de monter sur scène.


J'étais très paniqué parce que, sur une idée de Fibre Tigre, j'avais décidé de parler de mathématique. Et que ce n'est pas un sujet qu'on suppose porteur de foule. Plus précisément, j'ai parlé de la passion des mathématiques et de ce qui me pousse à être mathématicien[1].

Et là, j'ai envie de parler du processus créatif de ce texte.

Par rapport à l'époque de Je d'égo, de mon one man show, j'ai décidé de ne parler QUE de la vérité. Et c'est compliqué par ce que, sans arrêt, des idées de blagues et de vannes venaient. Et chaque fois que j'écrivais, j'avais envie de tester quelque chose pour avoir un rire. Par exemple, une vieille vanne posté sur twitter/facebook, mais jamais tenté sur scène:

Quand je fais des maths, j'ai toujours envie d'écrire. Quand j'écris, j'ai toujours envie de faire des maths. Quand je fais la vaisselle, j'ai toujours envie de faire autre chose.

En gros, cette vanne devait venir au début pour expliquer au public ce qu'un mathématicien fait devant eux. Ce qui ne semble pas évident et pourrait donc entraîner un rejet. Rejet que j'espère diminué si je parle de mon passé d'humoriste. Sauf que ce que dit cette vanne est faux: depuis l'écriture de cette vanne, j'ai déménagé dans un appartement avec un lave vaisselle. Et par ailleurs, j'avais déjà 2 ou 3 blagues sur le passage d'humoriste à matheux, et que même si elles sont toutes potentiellement drôles, je n'avais pas envie d'en faire une liste. Ce n'est, après tout, pas le fond du sujet. Ça n'a rien avoir avec la passion des maths à laquelle j'avais envie de venir progressivement.

Le vrai danger concernant l'introduction, c'était que je ne connais pas le public. C'est en majorité des non mathématicien-ne-s. J'ai l'impression que, par défaut, il est bien vu d'être ignorant des sciences en général et des math en particulier. Que je ne devais partir du principe que le public était réticent aux maths de base. Donc qu'il me fallait dire «je sais que vous êtes réticent, faites moi confiance quand même.» Sauf que je me dis que s'il y avait quelqu'un comme moi dans le public, j'aurai mal pris cette phrase. J'aurai eu l'impression d'être méprisé. J'ai mis longtemps pour vraiment réussir à formuler cette gène. Et ensuite à trouver le compromis: «S'il y a vraiment des gens qui ont peut des maths, dites vous que c'est Halloween.»

Un autre danger auquel j'ai fait face, c'est de recourir à une méthode que j'affectionnais beaucoup, celles des médecins de Molières: placer plein de termes techniques abscons. J'aurai pu donner le titre de ma thèse ou de mon dernier papier, même un matheux n'y aurait rien compris, puisqu'il faut quelques dizaines de secondes pour analyser un tel titre et comprendre de quoi ça parle.

De manière liée, j'aurai pu tenter de faire croire que ces sujets étaient évident et mépriser ceux qui les ignorent. Utilisant cette vieille pensée que savoir=intelligence. Et que si le public est ignorant d'un truc que je connais, je suis meilleur qu'eux. Ça, ça aurait pu être drôle, pour jouer sur le cliché classique du savant déconnecté du monde. Mais encore une fois, je me suis rendu compte que ça m'éloignait de mon but: partager la raison de ma passion des mathématiques.

Après le spectacle, un spectateur est venu me voir en me disant que je devrai faire plus dans le style Sheldon Cooper. Je m'en veux, si j'avais appliqué les principes de rationalistes que je connais, ou même de communication non violente, la question naturelle a poser aurait été: «comment savez vous que je devrai faire ça» ou encore : «quel but cela me permettrait-il d'atteindre.» À la place j'ai directement répondu que non, je voulais être plus honnête, et que sinon ça ne servait à rien de faire du stand-up. Peut-être ai-je donner cette réponse parce que je m'en veux encore d'avoir écouté trop de conseil par le passé. Peut-être parce que j'avais déjà réfléchi au fait que je voulais absolument éviter la caricature.


Tout ce que je dis plus haut m'a donné une grande découverte. En me lâchant, en donnant plus de moi même. En révélant quelques trucs personnels et sincère, j'ai eu plus de rire que ce que j'avais, parfois, sur d'autres scènes ouvertes et plateau où je recherchai le rire.

Ce n'est pas nouveau que j'obtienne des rires là où je n'en attend pas. Ou en tout cas là où je mettais une faible probabilité d'avoir un rire. Mais d'habitude il n'y a pas une telle quantité de rire qui me surprend. Je pense d'ailleurs que ma surprise a du être très visible à certains moment où j'ai du avoir l'air perdu sur scène. Vu que j'ai mis environ les deux tiers du texte avant d'être à l'aise sur scène.

La seule question qui me reste étant de savoir si un tel humour marcherait sur d'autres scènes ouvertes, à des endroit où il n'y a pas un Yacine pour faire un tel accueil et une telle gentillesse[2].

La grande différence, selon moi, c'est que si je le refais ailleurs, je devrai vraiment connaître le texte. Première fois et son obligation de texte neuf est l'excuse idéal pour avoir un trou et regarder son papier. Je suis même plutôt content, je me suis excusé en disant «désolé, j'ai pas bien appris le texte, j'ai procrastiné en faisant des maths.» Ce n'est pas totalement une improvisation, j'avais retiré ça du texte de base. Mais j'ai retrouvé ça quand j'ai eu le trou, et ça a fait rire.

La petite différence selon moi (oui, après la grande différence, il doit bien en avoir une petite), c'est que l'introduction sera changée. En effet, le premier humoriste de la soirée avait demandé «peut-on parler de tout sur scène.» Avant de tester la limite. J'ai donc expliqué que je voulais vérifier si on pouvait vraiment parler de tout, de sujet inhabituel en ce lieu, en parlant de mathématiques. Mais ceci n'est drôle que s'il s'agit de rebondir[3] sur les propos d'un autre.


Pour information, je repasserai en janvier à Première fois. Je pense déjà savoir de quoi je parlerai. Saches juste que si tu lis ce blog, tu as déjà du voir les idées que j'y défendrai. Je tenterai juste de les tourner de manière plus comique.

Notes

[1] Je découvre des théorèmes et leurs preuves, j'ai un papier dans un journal de math. J'estime avoir autant plus le droit au titre de mathématicien qu'à celui d'informaticien.

[2] En particulier, il a dit après mon passage qu'il est fan de ce que je fais. Et comme j'ai dis plus haut, il est pour moi le meilleur stand-upper de France. Autant dire que j'étais en joie.

[3] Je suis content d'être encore capable de changer le texte pour rebondir. J'ai mis des années à oser faire ça, et j'avais peur de l'avoir perdu. Mais je suppose que c'est plus simple maintenant que j'assume de parler du monde réel.

Commentaires

1. Le samedi 12 novembre 2016, 17:24 par LCF, "bullshit artist"

" J'estime avoir autant plus le droit au titre de mathématicien qu'à celui d'informaticien"
Je dirais que la mesure de ta réussite n'est pas un pré-requis pour être qualifié par la pratique de ton activité.
Pas besoin d'être au Louvre pour être peintre, même si tu barbouille des monochromes pourris.
Je suis informaticien, même si J'ai un niveau ridiculement faible, du fait que Je ne suis pas en train de bosser et d'apprendre ce qu'il me faut apprendre. De la même manière, si tu sais coder, tu es codeur, même si tu es plus en train de te toucher la nouille qu'autre chose.

"je vais éviter le name dropping"
=> je vais éviter de dénoncer.

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