Le mag n'est pas un lieu safe. Et c'est tant mieux

Le titre est un peu provocateur. Je m'en vais l'expliquer.

Le mag est une association dont un des buts est de permettre aux jeunes (moins de 26 ans) LGBT de se retrouver. C'est un lieu où il est possible de ne pas cacher son genre ou ses préférences. C'est parfois l'unique lieu où c'est possible. En particulier si le jeune habite dans une famille homophobe.

Un jeune ne sait pas forcément s'il est LGB ou T. Il peut aussi se questionner. Le mag est aussi là pour l'aider. C'est plus simple de savoir si on l'est, quand on peut en discuter avec certains qui affirment l'être.

Pour ça, des accueillants sont formés. Comme leur nom l'indiquent, ils accueillent les nouveau, leur présente l'association, et les aide à s'intégrer. C'est un des problème au mag, si on est timide, oser parler et aller vers les groupes de personnes.

Le mag est une association géniale. Mais, ce n'est pas une association pour moi. En tout cas, pas les permanences. D'abord, j'ai 27 ans. Et surtout, je n'ai plus de questionnement par rapport à tout ça. Et je ne suis pas assez sociable pour avoir envie de m'intéresser à la vie de tant de gens. J'aime parler à un groupe, j'ai plus de mal à parler à un individu.

Un accueillant m'a dit être admiratif du fait qu'on supporte tout ce qu'on doit entendre en intervention. Mais durant les IMS on échange des propos en toute généralité. On ne parle pas de personnes précises. Ou alors on parle de l'intervenante et de moi. J'aime bien parler de moi[1]. Je connais l'avis des élèves mais pas de détails personnels.

Moi je suis admiratif des accueillants, car je n'ai pas envie qu'on se confie à moi.


Donc, je ne vais plus aux permanences - sauf quand une formation est organisé pour les intervenants (Homoparentalité, homosexualité et religion, coming-out...). Une partie de ce qui va suivre est donc basé sur mon observation, et elle date principalement d'il y a plusieurs années.

Un propos que j'ai souvent entendu par des gens qui ont testé le mag et n'y sont pas retourné, c'est que ce n'est pas un endroit «safe». C'est à dire qu'on y entend régulièrement des propos qui peuvent gêner. Un propos qui dénote une ignorance d'un problème lié aux LGBT, voir un dédain pour une de ces question.

Les bénévoles du mag tentent au maximum de lutter contre ça. Par exemple avec un drapeau bi dans le local, et une affiche disant en gros: «Quelle est la différence entre les bis et les licornes ? Les bis existent.»


Ça n'empêche pas une personne au local de demander à une fille pourquoi elle vient au local, alors qu'elle est en couple avec un homme. La réponse est qu'elle est bie[2].

Du point de vue de la fille, ça peut être de la biphobie, c'est oublier l'existence des bis. On n'est pas dans un tel cadre pour être invisibilisée. Si être bie est une composante forte de ton identité[3], c'est hyper vexant et énervant. Bref, c'est un propos «problématique», pour utiliser le jargon militant.


Or, tu es un jeune homme, il y a quelques semaines, tu viens de comprendre que tu as une attirance pour les garçons. Tu découvres un paradis ou tu te dis qu'il y a plein de gens comme toi. C'est des gens sympas, ils te jugent pas si tu dis que t'es gay, vu qu'ils le sont aussi. Voir, tu as déjà des vues sur un des mecs sympa avec qui tu viens de faire la partie d'UNO la plus marrante de ta vie[4]. Bref, tu passes du bon temps sans prise de tête, tu peux souffler après avoir fait croire à tes camarades de classe que t'es hétéro, car t'as peur qu'ils le découvrent.

Et là, tu vois une fille avec un gars. C'est statistiquement rare dans une assoce LGBT(i.e. souvent gay et un peu lesbienne). Alors tu poses une question en toute innocence, posé par pure curiosité à quelqu'un avec qui tu es en train de discuter. Pas faites pour vexer. Sans avoir réfléchi à toute les implications et causes possible - c'est une discussion à bâton rompu, pas un article de blog. T'as sûrement entendu parler des bis, mais t'as jamais pensé à ce que signifie d'être bi. Tu cherches pas à te former ou te renseigner. Ça te concerne pas. C'est pas de l’égoïsme, c'est juste que là, tu sais même pas ce que ça veut dire qu'être gay pour toi, ce que ça va changer à ta vie, ce que tu peux te permettre et ce que tu dois garder pour toi.

En résumé, c'est pas parce que t'es gay que tu as, de manière innée, toutes les réponses sur les sujets LGBT. Que tu seras «mieux» que quelqu'un pris au hasard dans ton milieu. T'as beau être un mec sympa, être sympa n'a jamais suffit à être «safe». Il faut aussi se former, se renseigner. Et encore, on n'est jamais totalement safe, et c'est pas la fin du monde.

Et malgré ça, le Mag est aussi là pour toi, pour t'aider. Même si t'es pas parfait. On se dit qu'on en a marre de répéter les mêmes explications aux cishet, d'entendre sans arrêt les mêmes questions indiscrète. Et puis on réalise qu'il faudra te l'expliquer à toi aussi.


Bien sûr, je parle des bis. Mais vous pouvez remplacer ça avec des trans. Des non-binaires. Ou avec le féminisme. Ou le veganisme. Ou les asexuels. Même si c'est «injuste» que ça marche que dans un sens: j'ai jamais entendu de cisgay signaler de problème qui aurait rendu l'association non-safe pour lui[5].

Tout ça, pour répondre à cette remarque que j'ai souvent entendu, la plupart du temps par des féministes ou des personnes des non-cis, qui ont testé le mag puis en sont repartis. Oui, le mag n'est pas totalement un lieu safe. Et hélas, c'est une bonne chose.

Notes

[1] Coucou, vous êtes sur mon blog :p

[2] J'accorde, car pour moi bi est un mot à part entière. Qui dépasse le cardre de la sexualité laissé entendre par le mot «bisexualité».

[3] Je ne discuterai pas de la notion d'identité, et de la pertinence d'y mettre son orientation sexuelle

[4] Et pour rendre UNO marrant !

[5] J'ai failli écrire «je ne connais pas de cisgay disant que le mag est pas safe. Mais en fait, ça aurait été assez marrant que, moi, j'écrive ça.

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