Engagement

Au dernier Café Poly le sujet était «polyamour et engagement».

Une des questions principale était: quand est-ce qu'il faut dire les choses. Qu'est-ce qu'on attend de l'autre, et qu'est-ce qu'on lui donne ? [1]

Note

[1] Ce billet sera gay-centré, car ça m'évite d'accorder des adjectifs, mais reste vrai dans tous les cas.

En particulier, on est habitué à la norme monoamoureuse. Le parcours classique étant: se rencontrer, sortir ensemble, présenter le chéri aux proches, se fiancer, aménager ensemble/acheter ensemble, se marier, avoir des enfants, être sentimentalement exclusif, être toujours là pour sountenir l'autre, faire des activités en couple (sortie avec les amis, vacances, loisirs...).

Bien sûr, il y a des tas de variantes, le mariage n'est plus obligatoire[1]. Les child-free ne veulent explicitement pas d'enfants - mais le présupposé qu'un couple aura des enfants reste : «quand est-ce que tu nous fera un petit-enfant ?» ou «Je ne veux pas engager de jeune femme, elle va bientôt partir en congé maternité».

Mais le polyamour remet beaucoup de chose en cause. Parce que, sauf si tout le monde est amoureux de tout le monde, il faut ménager du temps avec chacun. Ce n'est plus forcément «vivre avec la personne», ça peut être: «toujours revenir vers la personne». Visiblement, pour certains, le plus compliqué avec le polyamour (à part le regard extérieurs), c'est tenir l'agenda. Réussir à voir les différentes personnes, en plus des activités de la vie de tous les jours.


Et je crois que c'est la 1ère fois qu'une discussion de ce lieu me laisse perplexe. La notion d'engagement me semble étrange. Probablement pour la même raison que j'étais surpris en parlant d'invitation à un mariage.

De ce que j'ai compris, il était distingué, en gros, trois formes d'engagements. Court, moyen et long terme. Clairement, un enfant, un emprunt, l'achat d'un appartement, c'est un engagement à long terme. Bon, là, je comprend totalement la notion d'engagement. Il faut avoir confiance en l'autre pour savoir que ça se passera bien, ne serait-ce que parce qu'en cas de problème, si l'autre nous laisse tomber, on peut avoir d'énormes souci.

Quelqu'un disait qu'elle a accepté l'idée de dire: «Quand je te dis, «Je t'aime», je ne m'engage pas à t'aimer toute ma vie, ni même à t'aimer le mois prochain. Je sais juste que là, aujourd'hui, je t'aime.». Mais ce n'est pas incompatible avec l'engagement à long terme, il faut juste prévoir d'avance ce qui se passe si la relation cesse. Ce qui est déjà le cas de ceux qui ont un contrat de mariage, en fait[2].


À moyen terme, l'exemple était: on prévoit de prendre deux semaines de vacances ensemble. Et à court terme c'était: on passe la journé ensemble demain. Quant on est en relation, il leur semble normal de s'attendre à ce que l'autre respecte son engagement. Quelqu'un a donné l'exemple, qui a semblé choquer des gens, «En fait, je peux pas venir, j'ai trop de repassage à finir.». Visiblement, annuler un rendez-vous avec sa relation semble innacceptable... Bien sûr, il était tout de suite dit qu'il peut y avoir des raisons justes. Si tu te casses la jambes, qu'un membre de ta famille est à l'hopital, etc... Mais c'est exceptionnel.

Et, sincérement, je ne comprend pas en quoi c'est innacceptable. Bon, je comprend pas non plus l'intérêt de repasser des vêtement, mais c'est une autre question. Parce que, si son amoureux est là, mais stresse car il aura des tonnes de trucs à faire en rentrant chez lui - ou plus simplement, si son humeur lui donne envie d'être seul - quel intérêt de lui dire «Tu t'es engagé, tu dois être là !» ? Ça serait très égoiste, de lui faire faire quelque chose dont il n'a pas envie. Et puis, être avec quelqu'un qui tire la gueule, ou qui se force à être joyeux, c'est pas ce qu'il y a de plus sympathique.

Après, il y a deux cas:

  • soit ces annulations arrivent de temps en temps. Dans ce cas, ça veut dire qu'on le voit encore de temps en temps. Mais ça veut aussi dire qu'on le voit quand il est content de nous voir. Et ça, a priori, c'est quand même assez cool !
  • Soit ça arrive tout le temps, donc on ne le voit jamais. Et dans ce cas, je suppose qu'il est pertinant de remettre la relation en cause - en tout cas j'aurai du mal avec l'idée de faire comme si tout était normal.


J'ai souvent dit que je ne comprend pas la différence entre amour et amitié. Et c'est encore vrai ici. Tout ce que je dis vaudrait aussi bien pour l'amitié. L'année dernière j'ai passé un week-end avec une vingtaine d'amis, 2 n'ont pas pu venir, je vois pas non plus où est le problème. À la limite, s'ils avaient refusé de payer leurs parts et que certains étaient juste niveau argent, ça aurait pu géner, mais c'est tout ce que je peux imaginer comme souci.

Alors, ok, si on monte une pièce de théâtre, ou un spectacle de cirque, et que quelqu'un manque à l'appel le jour de la représentation, c'est grave. Mais c'est un point qui me semble indépendant. D'ailleurs, sans vouloir vexer qui que ce soit, je ne suis pas ami avec tous les acteurs de ma troupe, il y en a certains que je n'ai jamais revu depuis la représentation.


Bref, pour résumer, je comprend pas comment on peut demander à quelqu'un qu'on apprécie de s'engager. Mais, ceci dit, je suis pas cohérent, je suppose, parce que d'un autre côté, je me sentirai mal à l'aise d'annuler un rendez-vous, ou un projet, sans une vraiment bonne raison.

Notes

[1] et tant pis pour les spectacles de cirques qui n'ont pas lieu.

[2] Certes, la question des enfants reste un cas épineux, et j'ai pas d'idée à ce sujet.

Commentaires

1. Le jeudi 28 mai 2015, 00:25 par Typhon

« je ne comprend pas la différence entre amour et amitié. »

Ben t'as pas d'amies ?

2. Le jeudi 28 mai 2015, 04:11 par Arthur

Si, j'ai des amies. Or j'ai pas d'amoureuse.
Mais je suis pas sûr de pouvoir dire que j'ai un/des amoureux non plus. Le seul truc dont je suis sûr, c'est que j'ai des «amis» avec qui je fais des trucs que j'aurai pas envie de faire avec des filles.
Et que beaucoup d'autres amis garçon auraient pas envie de faire avec moi, d'ailleurs.
Mais c'est des choses que je ne fais pas que avec mes amis.

De même que, porter quelqu'un, c'est sympa de porter des potes au cirque, mais ça me dérange pas de porter des gens que je connais pas. Par contre, j'ai pas envie de porter quelqu'un qui fait plus que mon poids.

3. Le vendredi 29 mai 2015, 18:17 par N

Je pense qu'il y a des gens qui trouvent la solution à de multiples problèmes via autrui et qui s'en rendent compte, et qui s'en rendent compte tellement qu'ils ont peur de perdre autrui.

Et la peur, ça donne effectivement des comportements étranges de repli sur soi, ou de repli sur autrui.

Je ne sais pas si tu :
* ne dépends de personne
* ne t'en rends pas compte
* n'a peur de perdre aucune relation
* es si autonome que tu laisses l'entendre

Mais en tout cas, cela me surprend toujours que tu dises que tu ne comprends rien à autrui, et plus particulièrement à l'amour/le désir précis de partager de très longs moments (voire de «posséder» quelqu'un -- même si c'est impossible, très Mal, etc.)

Il me semble en tout cas que tous les enfants veulent un peu ça avec leurs parents, et que du coup on transpose ça sur les êtres désirés (les «amis») assez facilement.

Peut-être que la bonne solution pour que tu comprennes tout ça serait de te pencher sur l'étude du développement affectif chez l'humain du bébé à l'adulte ?

4. Le vendredi 29 mai 2015, 19:41 par Arthur

Ça dépend ce que t'entend par «dépendre»
Je dépend de plein de gens. Je sais que si j'ai un vrai problème je peux compter sur mes parents, que je stresserai beaucoup plus s'ils étaient plus là.
Je dépend du cirque ou de place des cordes pour déstresser, lâcher prise une fois par semaine, et que si ça fermait j'irai assez mal. Mais là je dépend pas d'une personne en particulier. Je regrette que certains arrêtent de venir, mais il y a des nouveaux sympas aussi.

Administrativement, je dépend de mes directeurs de thèse. J'aurai pas fait la même recherche sans leurs conseils.

J'ai peur de perdre certaines relation, j'ai encore plus peur que ça continue juste par habitude, si ce qui la rendait intéressante au départ a disparu.

Mais il y a un entre deux, entre ce dont tu parles et ce dont je parle. Je parle du fait de ne pas voir l'autre tout le temps, toi tu parles du fait de ne plus voir l'autre du tout.
Je comprend qu'il y ait un problème avec le fait de ne plus voir du tout. Je ne comprend pas le souci à réduire si l'autre en ressent le besoin/l'envie.

5. Le mercredi 3 juin 2015, 10:17 par N

Disons que les gens dépendent usuellement de leur amoureux -- un peu comme toi avec tes parents.

Disons aussi que dire «je ne comprends pas», ça ne me suffit pas. Si tu cherches vraiment à mieux comprendre, tu peux :

* ou bien consulter des bouquins (l'histoire de la sexualité, la pédo-psychologie, la dépendance affective...) pour avoir une réponse avec des mots qui expliquent les causes et décrivent finement l'amour européen au XXe siècle.

* te demander pourquoi toi, tu ne comprends pas (plutôt que pourquoi tout le monde ne fait pas comme toi) pour avoir une réponse à «JE ne comprends pas».

Le fait que tu t'étonnes sans discontinuité depuis plusieurs années d'un truc qui semble évident à 80% de la population commence à me courir sur le haricot : ou bien tu t'intéresses au sujet réellement et tu précises ta pensée, ou bien tu décris précisément ce que tu préférerais comme étant «la norme» de la population. -- en effet, plus je te lis, plus je lis ta déception vis-à-vis de la norme (mais je crois aussi que toute norme décevrait quelqu'un...)

6. Le jeudi 4 juin 2015, 19:08 par Arthur Milchior

Je dirai bien que, si j'avais du temps, je lirai tous les livres que je peux sur une tonne de sujet. Mais on peut me rétorquer avec justesse que j'ai bien le temps d'écrire des billets. Bon, après, faut aussi que je me renseigne pour trouver un bon bouquin sur ce sujet, car j'en connais pas.

Au cas où ça ne soit pas clair, je ne dis pas que les autres on tort et que j'ai raison. Ça serait absurde de parler de vrai ou faux dans ce domaine. 

Ceci dit, ça reste étrange, je trouve, car ces 80% de gens ont pas eu besoin qu'on leur explique pourquoi cette norme est en place. N'ont probablement pas eu besoin qu'on leur dise pourquoi ils est humainement cohérent d'être en droit d'attendre ce qu'ils attendent des gens.

Pour dire ça autrement, c'est pas tellement que la question m'intéresse. À la base, sur beaucoup de point, je serai assez indifférent à ce qu'est la norme. Sauf qu'on me l'envoie souvent au visage, donc j'y suis confronté. Et quand je dis que ça me surprend, c'est aussi pour dire "c'est bizarre que les gens s'attendent à ce que je sois comme ceci". Où dans certain cas, c'est même une manière polie de dire "j'en ai marre qu'on s'attende à ce que je respecte la norme."

Donc, non, je ne dirai pas ce que je préférerai comme norme. Je n'aimerai pas remplacer une norme pas une autre. Je me contente de dire ce qui, à moi, personnellement, me semble être un raisonnement logique. Et surtout dire ce qui est ma manière de penser, parce que c'est une manière qui ne semble pas rependue, et donc potentiellement intéressante. 

Et si ça ne l'est pas, je suis désolé pour toi, N, de t'infliger de tels billets.

Enfin, "pourquoi moi, je ne comprend pas", j'en serai vraiment curieux. Mais j'ai aucune idée d'où commencer à chercher une explication à ce sujet.

(depuis plusieurs années ? Ça fait pourtant pas si longtemps que je parle de sujets si personnels sur ce blog, et ce sont des réflexions que je me suis fais récemment. Donc ce point me laisse perplexe)

7. Le mardi 16 juin 2015, 12:45 par N

J'ai été maladroit dans ma formulation. J'essaye d'élaborer en étant plus clair.

Tu dis toi-même que tu veux juste expliquer un raisonnement non-répandue et logique, le tien.

Mais justement, ça me semble toujours absolument illogique ton fonctionnement. Tes explications ne me suffisent pas pour comprendre d'où tu viens pour être dans une tour d'ivoire où les gens vont et viennent sans vraiment être importants -- à part tes parents.

Et tout ça frise tellement la psychanalyse, quand tu en parles (il y a une voix caverneuse et terrifiante qui hurle FREUD en arrière-plan), et je n'aime pas trop faire de la psychanalyse de comptoir -- je pense que c'est l'un des plus grands problèmes de notre époque, la psychanalyse de comptoir, avec le marxisme de comptoire -- donc je préférerais que tu expliques toi-même bien les prémices de ton raisonnement, parce que sinon je ne comprends pas.

Mais peut-être est-ce moi le problème, je suis pétri d'histoires et de livres où au final, on comprend toute l'histoire parce que le héros ou le narrateur nous explique d'où vient l'a-normalité. Je crois que je suis passionné par l'explication de texte et la clarté, la lisibilité -- c'est pour cela que je fais du théâtre par exemple.

Parce qu'au fond, si j'aime l'anormalité, c'est parce qu'elle se lie et se relie toujours à la normalité. L'anormalité en soi n'est ni exemplaire ni compréhensible -- pas plus que la normalité en tout cas.

8. Le mardi 23 juin 2015, 18:41 par LCF, nan, mais bon, Freud...

SIGMUNDISALIE
Parce que tout ça, c'est bien gentil, mais les freudiens ont quand même longtemps reprochés (et reprochent peut-être encore de nos jours) aux parents d'autistes l'état de leurs enfants, qui est au moins en partie issu de la loterie génétique. Les mères en particulier, ai-Je cru entendre, se sont vues accusées d'être trop froides et pas assez aimantes (fucking' miracle).
J'espère ne pas être trop agressif envers N, bien entendu. C'est juste que les gens qui ont potentiellement de bonnes idées, au lieu de les asséner, ils les testent avec des expériences formelles, et donnent des preuves. Pas comme les freudiens.

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