Décider comment militer pour un groupe auquel on appartient pas

Tiens. Encore un article compliqué à écrire[1]. Une sorte de réponse à Être quelqu'un de bien malgré les contradiction du milieu, avec un exemple de contradiction relativement important[2]. Et de comment je tente d'y répondre[3]. Et plus précisément d'y répondre avant mardi 18 octobre, puisque je reprend les interventions en collège ce jour là.

Notes

[1] J'ai l'impression que, plus ça va, plus les billets de blogs sont difficiles à écrire. Et sont des choses qu'il me semble importantes à dire.

[2] C'est à dire, très important pour des gens que ça intéresse. Et dont on peut très bien ne jamais avoir entendu parler sinon.

[3] Il est trop tard pour y répondre sans me faire insulter par des gens dont je respecte l'avis. Mais au moins, je peux tenter d'y répondre avec une réponse qui me convaint.

Petit exemple pour introduire le problème

Je commence avec un petit exemple. Problème: Le terme pan(sexuel/romantique). J'ignore quand ce terme est apparu, mais il est suffisamment récent pour ne pas avoir été inclus dans l'acronyme LGBT. Il y a de sérieux désaccord entre les gens qui se définissent pan pour savoir ce qu'il signifie exactement, et quel est la différence entre pan et bi.

Si j'ai bien compris et que je ne dis pas trop de bêtises, étymologiquement, le terme «pan» signifie «tout» alors que «bi» signifie «deux». Si l'on ne considère l'existence que de deux genre, il y a, a priori, pas de différence entre les pans et les bis. Ou alors la nuance n'est pas dans l'étymologie. Par exemples, certains[1] comprennent que se dire pan implique qu'on son attirance est indépendante du genre, alors qu'un-e bi-e pourrait préféré un genre ou préférer l'autre. Ou alors pourrait avoir des relations avec les deux genres, mais des rapports avec un seul. Ou le contraire.
Si maintenant on considère qu'il y a plus de deux genre, on pourrait naïvement penser que les bis aiment deux genre quand les pans les aiment tous. Mais certain-e-s bi-e-s aiment plus que deux genres et ont changé la définition en «aime son genre et les autres genres».

C'est un peu leur version de geek VS nerd. Quelque chose de fondamentale pour l'identité de certaines personnes. Et de totalement sans importance pour une grande partie de la population. Une nuance subtile et sans grand intérêt pour beaucoup de monde. Sauf qu'on voit parfois des gens trouver que ceux/celle qui qui utilisent une autre définition/un autre mot être (bi/trans/emby/pan/...)phobe.

Question: Que fait-on de tout ça quand on tente de faire des formations et interventions auprès d'un public qui a jamais entendu parler de tout ça ?

Réponse: Selon le choix de l'intervenant-e, on se limite au terme bi. Ou alors on dit qu'il existe plusieurs termes à peu près synonyme. Et si l'intervenant-e s'en sent capable, et sent l'auditoire compréhensif peut tenter de donner quelques explications telles que celles que je propose plus haut[2]. L'idée qui semble importante à passer étant: une personne peut être attiré par plusieurs genre. Merci de ne pas conclure qu'une personne est homo/hétéro si iel est en couple avec une personne du même genre/du genre opposé. Et soyez pas étonné si après être tombé amoureux-se d'un mec, vous tombez amoureux-se d'une fille: ça arrive.

Example de vrai problème.

Et maintenant, introduisons un gros exemple. Donnons le problème, la raison pour laquelle j'ai besoin de trancher cette question, et la réponse que je lui apporte[3]. On fera aussi des apartés, parce que voilà !

Le problème

En ce qui concerne le genre, certains disent que seul le genre de naissance est valide. Je me permettrai dans la suite de ce billet d'ignorer ces gens là. D'autres disent qu'on peut aussi bien être homme que femme, indépendamment du genre assigné à la naissance. D'autres enfin disent que «chacun-e a le genre qu'il/elle veut, et pas forcément limité à homme ou femme».

Et puis, il y a des gens de la 2ème catégorie qui disent que ceux de la troisième catégories ont «une vision taré du genre»[4]. Au pire qu'ielles sont des trolls transphobes qui cherchent à décrédibiliser les luttes trans. Au mieux que ce sont des gens n'ayant aucune conscience politique, aucune connaissance historique, et qui vivent au pays des bisounours, ignorant et occultant les vrais problèmes.

Et il y a aussi des nuances, par exemple celleux qui pensent qu'il n'y a pas à se moquer et insulter, mais qu'effectivement les gens qui se disent non-binaires n'ont rien compris et devrait être totalement ignorés. Qu'ielles croient peut-être être ni homme ni femme, mais qu'il y a bien des gens qui se disent enlevés par des extraterrestre, et ce n'est pas une raison pour les écouter[5]. On peut rajouter par dessus tout ça une question de savoir si les non-binaires ont le droit/sont légitime à utiliser le terme trans. Et quel est la limite entre trans/non-trans.

Par principe, je préfère laisser ce genre de discussion aux gens concernés. Donc, je pourrai me dire que je laisse tomber. Je peux suivre de loin car je connais et apprécie des gens défendant les deux points de vues. Et je sais juste que si j'invite des gens défendant que les non-binaire existe, il faudra peut-être que j'évite d'inviter en même temps des amies qui trouvent que revendiquer le fait d'avoir un genre - à part pour lutter contre la société patriarcale - est sexiste.

La question naturelle est donc: pourquoi est-ce que je cause de tout ça, au point que cette introduction est plus longue que certains de mes billets ?

Pourquoi cette question m'importe.

Le souci, c'est que je prétend parler de LGBTphobie à des gens. Et même pire, je prétend le faire lors d'intervention, au nom d'une association, et dans un espace et un temps réservé à cet effet. Et comme il n'y a pas assez de trans dans nos associations pour participer à toutes les interventions, les questions trans doivent être soit ignoré, soit abordé par des cis. Et si c'est ignoré, on est encore plus certains qu'on se prendra le reproche d'être encore des associations LGBT qui ignorent les T. Donc on est des cis qui parlent des questions trans. Et pour le coup, une fois devant les élèves/gens qu'on doit former, c'est les intervenants qui vont en dernier ressort décider de quoi nous parlons. Donc je[6] décide si je prend ou non du temps pour parler des non-binaires, ou si j'accorde ce temps à d'autres sujets.

Une personne trans[7] m'a dit que savoir que je fais des interventions tout en défendant les non-binaires l'inquiète autant que si on faisait une formation médicale en ventant les bienfaits de l'homéopathie[8]. Bien que seul deux personnes ont abordée la question avec moi, j'ai pu vérifier que leurs point de vue n'est pas isolé. Donc c'est un point de vue partagé par des gens concernés par les questions trans, et mes principes me disent de les écouter. Si ils/elles ont réfléchis aux questions de transphobie, je ne peux clairement pas ignorer leurs remarques[9]. Suite à la lecture de leurs propos, je modifierait certainement des choses quand je parlerai des sujets non-binaires et ils/elles m'ont déjà convaincues que j'avais tort sur certains points.

Vu le désaccord viscérale entre différent groupes de personnes trans, je ne peux me réfugier derrière la règle «les concernés décident entre eux, et je répète». Pour la première fois de ma carrière d'intervenant, je découvre que j'ai la responsabilité morale de trancher entre deux camps.

Mon opinion

Avant de donner la réponses que j'y apporte, je fais un petit aparté. Comme me l'a signalé une personne avec qui j'étais en désaccord, j'ai beau déclaré vouloir prendre l'avis des concernés sur les questions de transidentité, j'ai déjà un avis.

Je prend un exemple: quelqu'un, sur twitter, a dit qu'elle ne savait pas ce qu'était xénogenre. J'ai donné en réponse le lien vers Les genres non-binaires qu’on trouve absurdes sont légitimes (aussi) de Troll de Jardin. En ayant donné ce lien, je choisi un point de vue. Si j'avais donné un article du style Comment je suis devenu problématique, ça aurait défendu un autre point de vue[10][11]. Donc la réponse que je pensais assez neutre: renvoyer vers la définition donné par quelqu'un de xénogenre, n'était pas si neutre que ça.

Ce qui amène à la question de savoir: comment je sais ce que je sais ? Ici: comment je sais que je dois écouter un groupe plutôt que l'autre ? Par défaut, j'étais du côté des gens défendant les non-binaires. Mais cette position vient du fait que, jusqu'à récemment, je ne savais pas qu'il existait des gens qui ne sont pas transphobes[12], mais qui excluent les non-binaires. Et comme je pars du principe que j'écoute les concernés, je n'avais pas de raison de remettre la légitimité des non-binaires en question.

L'amitié est même dangereuse dans cette reflexion. J'ai assez de gens partageant mon point de vue pour pouvoir n'avoir aucun souci en n'en changeant pas. J'ai même eu envie de me «vanter», en me disant que si j'étais traité de transphobe par quelqu'un disant la même chose de Troll de Jardon, Mx Cordélia et de Pouhiou[13], c'était plutôt flatteur.

Mais si l'amitié peut justifier que j'emploie les pronoms/alternance de pronom/absence de pronom qu'ielles me demandent d'employer, ça justifie difficilement le fait que l'intervenant parle de tout ça à des classes. Si des trans disent «parler de non-binaires fais reculer la cause trans», l'amitié ne suffit pas à ce que je ne change pas de propos. Je peux ne pas changer de propos, mais pour cela, il me faut des arguments plus forts.

Et malheureusement, contrairement à la plupart des gens intéressé par ces questions, je ne sais pas ce qu'est le genre. Comme je l'ai déjà écrit, je ne comprend pas ce que c'est que de ressentir un genre. Face à des lycéens, qui ont en général peu réflechi à ces questions, je peux dire «vous savez probablement que vous êtes un garçon/une fille. Les trans aussi. Simplement, ils savent que ils sont un garçon alors que tout le monde leur a dit qu'ils sont une filles.» Mais face à quelqu'un qui a réfléchi à la notion de genre et qui en a une définition, je n'ai plus cette réponse toute faite. Et je n'ai pas d'autres réponses, car je prend le genre comme une boite noire, on me dit que ça existe, alors j'y crois, et c'est tout.

Ma réponse

Et maintenant, la réponse que j'ai choisi. En fonction de toutes les entrées données plus haut. Réponse qui sera sûrement amenée à évoluer, qui ne prétend pas être la bonne ou une règle à suivre. Juste la moins pire que j'ai trouvé pour l'instant.

Pour trouver la réponse, il me faut revenir aux raisons originelles de ces interventions. À ce qu'on souhaite obtenir. C'est quelque chose de très désagréable, parce que c'est des arguments à utiliser en dernier recours.

À la base, quand le ministère à autorisé les associations à parler de LGBTphobie dans les écoles, c'est pour lutter contre un taux de suicide bien trop élevé chez les jeunes LGBT. J'aimerai bien qu'on soit là pour des sujets plus joyeux[14]. Par exemple, dire aux homos qu'ils pourront eux aussi être en couple, ce qui n'est pas forcément évident quand on connaît peu d'homo autour de soit. Dire à celle/ceux qui veulent transitionner qu'ils/elles le pourront(en remplissant des tas de conditions vexatoire, intrusives, arbitraire, chères, et parfois mutilatoires). Et même dire à tous et toutes qu'ils pourront avoir un couple avec enfants s'ils le souhaitent, et ceux quel que soit le genre et le sexe de leur conjoint-e (mais si ce n'est pas un couple bien classique cis-het, il faudra que le juge autorise l'adoption par le parent non biologique, ou qu'une personne pouvant porter l'enfant aille dans un autre pays pour l'insémination médicale, ou qu'ils trouvent un enfant, ou en retirant les droits d'un des parents biologiques...).

Mais non, ici, la question la plus urgentes c'est: qu'est-ce qui semble avoir le plus de chance de faire baisser la mortalité. Bon, déjà, dire aux gens d'arrêter d'insulter d'autres gens. Mais même si on arrive à faire prendre conscience à certains que c'est pas juste une demande pour être sympathique, mais une nécessité, c'est malheureusement pas encore gagné. Donc en attendant d'avoir cet état idéal ou il n'y ait plus aucune insulte[15], on essaye de parler aussi aux gens concernés par le risque de suicide.

Par exemple, on fait ça en tentant de briser leurs isolements. En leur apportant un discours qu'ils n'entendent peut-être ni à la maison, ni à l'école, ni dans les émissions qu'ils regardent: le discours qu'ils ne sont pas anormaux, ni exceptionnels, mais qu'il y en a d'autres comme eux. Et que s'ils veulent arrêter d'être mal considéré, il y a des endroits ou certains respecteront ce qu'ils/elles sont, et partageront une partie de leurs vécus. Et pourront même, plus tard, les conseiller pour aller plus loin.

Et ici, «comme eux», ça peut aussi vouloir dire: il y a des gens qui ne se ressentent ni comme homme, ni comme femme. Des gens à qui aucun (des deux) genres ne convient. Parce qu'il y aussi des gens ayant l'impression que c'est trop restrictif.

Conclusion

Pour l'instant, je continuerai de parler de Non-binaires et de genre vraiment loin de homme et femme. Et pour toucher des gens qui s'y reconnaitraient. Et pour que mes interlocuteurs/trices ne soient pas surpris quand ielles rencontrent ces personnes. Et pour aborder le sexisme le plus fort, en disant qu'il y a des gens qui ne se reconnaissent tellement pas dans les rôles masculins/féminins qu'ils demandent à être nommé autrement.

Ce qui n'empêchera pas, je le préciserai aussi, certain-e-s d'être victime du sexisme, vu que dans beaucoup de cas, la société se fichera de savoir comment la personne se représente ielle-même. Et d'autres de bénéficier de certains privilège par des gens les pensant, à tort, être homme.

J'en profite pour finir par un aparté, tant qu'on y est. Un des arguments que j'ai lu plusieurs fois - que j'ai moi-même soulevé sans y prêter d'importance - contre les non-binaires, c'est que quand certains expliquent «je ne me sentais ni totalement homme, ni totalement femme»[16], ça sous-entendrait que nous autres, les non non-binaires, nous sentirions totalement homme ou totalement femme. Alors que cela fait longtemps que les féministes disent que le genre n'est pas quelque chose d'absolu, et qu'il n'y a pas de gens totalement homme comme dans les clichés les plus virilistes. Ni de gens totalement femme comme dans les couvertures des magasines dits féminins. De toute façon, les normes sont tellement contradictoires qu'une personne qui serait vraiment totalement homme/femme ne peux physiquement pas exister.

Donc, même si c'est effectivement ce qui vous a fait vous rendre compte que vous êtes non-binaires, ça pourrait être agréable, pour nous, les binaires, d'entendre une explication différente. Histoire d'être sûr que vous ne partez pas du principe que nous, les hommes[17], pensons accepter toute la masculinités. D'ailleurs, je pense que c'est au moins un point sur lequel je reviendrai en intervention, après avoir parlé de non-binaire. Dire, ce qui devrait sembler une évidence, que ce n'est pas parce qu'on est binaire qu'on est tout au bout du spectre du genre. C'est juste une question d'auto-définition, ça indique avec quel terme on est à l'aise.


P.S. Je précise que je n'emploie que des comparaisons que j'ai lues et que je répète. Tout ce billet part de discussions tweeter. Et je ne citerai plus les tweets dont je parle; la dernière fois que je l'ai fait, des gens ont fini par se joindre à la discussion et insulter mes interlocutrices. Et malgré un désaccord profond, je suis dégoutté de voir que des gens qui partagent plutôt mon point de vue répondent par des insultes[18]. Déjà que j'ai du mal avec ceux/celles qui insultent des gens proche de positions dominantes - typiquement les sénateurs ayant récemment voté une loi transphobe - je trouve insupportable que des trans se fassent insulter à cause de la discussion.

Notes

[1] Je suis content de ne pas être sur wikipédia, et de ne pas avoir à sourcer ce genre d'affirmation. Je voyais déjà un (selon qui) apparaître au-dessus de ce texte.

[2] Sauf la partie où on s'accuse les uns les autres d'être un truc en phobe.

[3] Je crois que je suis très influencé par mon écriture d'article professionnel. Je viens d'annoncer un semblant de plan.

[4] En première version, j'ai écrit «qui sont taré». Puis-je me suis rendu compte que je déformais les propos que j'avais lu. Dans tous les cas, l'utilisation du mot taré est une insulte, mais ce n'est pas une raison pour que je prétende que l'insulte vise la personne et non son idée.

[5] Et ici, je voulais placer un long apparté qui est devenu le billet d'hier: Pourquoi avoir comme principe d'écouter les concernés

[6] En vrai «nous» vu que dans l'idéal on intervient à deux

[7] Si j'ai bien compris

[8] Je vous remercie par avance d'éviter les débats sur l'homéopathie en commentaire. Que tu saches que l'homoépathie a de l'effet, ou que tu saches qu'il n'est est pas, je pense que sa comparaison reste compréhensible et sensé, et c'est tout ce qui importe ici il me semble.

[9] Même si j'avoue que les insultes envers moi ou envers des proches me donnent parfois envie de les ignorer.

[10] Même si j'ai surtout l'impression que ce billet montre surtout qu'il y a des non-binaires qui sont «problématique» pour réemployer le champ lexical que cet article dénonce. Mais le contraire serait surprenant, que tous les non-binaires soient parfait.

[11] Et en passant, ça aurait montré des dons de divinations très impressionnants, car cet article a été écrit après la question posée par la personne à qui je répondais

[12] Dans ce raisonnement, je partirai du principe qu'en général, les trans ne sont pas transphobe. Ce n'est pas une règle absolu, mais ça me semble acceptable ici.

[13] Ainsi que d'un certains nombre de gens sur twitter, n'ayant pas une notoriété suffisante pour que je veuille les citer dans un billet

[14] Je dis ça, mais si c'était le cas, je ne jugerai plus forcément que parler de ces sujets vaille que j'y consacre mon temps.

[15] À part dans un cadre consenti.

[16] On peut remarquer cependant qu'il y a des témoignages de trans hommes/femmes qui disent eux/elles-même que, tout petit déjà, ils ne supportaient pas/voulaient absolument porter des robes. Donc ce genre d'argument n'est pas l'apanage des non binaire.

[17] C'est très perturbant d'écrire «nous, les hommes». Ce qui est d'autant plus étrange que ça ne m'a pas pertubé d'écrire «nous, les binaires»

[18] il faut dire que les interventions/formations ne m'y ont pas habitué. Puisque en général mon/ma co-intervenant-e est aussi quelqu'un qui sait se contenir, au moins durant la discussion

Commentaires

1. Le dimanche 16 octobre 2016, 19:05 par Athreeren

« Je crois que je suis très influencé par mon écriture d'article professionnel. Je viens d'annoncer un semblant de plan. » À quand l'article de blog de 200 pages ?

Il y a longtemps, j'avais essayé de comprendre les questions de genres en terme de classification bayésienne (c'est une approche assez liée à celle à laquelle Troll de Jardin fait référence avec ses liens vers http://uniqueensongenre.eklablog.fr... , sauf que clairement Nouah ne dispose pas des outils mathématiques qui permettraient de clarifier ses explications ; l'article évoque un espace multidimensionnel du genre sans savoir comment le représenter par exemple). Le principal avantage de cette analogie est que les raisonnements en dimension N sont bien plus simple à comprendre que la notion de genre.

J'avais écrit un long article avant de me rendre compte que ça ne marche pas complètement, parce que quelques soient les dimensions qu'on considère pour définir le genre, deux personnes qui sont exactement aux mêmes coordonnées dans la base choisie ne s'attribueront pas forcément le même genre. Mais je pense néanmoins que c'est une bonne façon de comprendre pas mal d'aspects de cette question, et en tant que docteur en mathématiques, je t'encourage à étudier cette façon de voir : l'être humain a tendance à penser à termes bayésiens, et comprendre l'influence du choix du classifieur et de la base d'exemples permet je pense de bien comprendre l'origine de beaucoup de biais, d'incompréhension et d'intolérance. Et merci si tu peux écrire l'article que je n'ai pas su terminer.

2. Le mardi 18 octobre 2016, 00:27 par Anonyme

> ça pourrait être agréable, pour nous, les binaires, d'entendre une explication différente

Pour moi, c'est beaucoup plus simple que cette histoire. Manifestement j'existe. J'ai vécu, depuis la puberté, une expérience de décalage avec mon corps, certaines parties que je porte et balade sans avoir l'impression qu'elles font vraiement partie de moi, l'impossibilité de me reconnaître dans les mirroirs (qui peut mener à la panique si fatigué ou pire, en état d'ébriété), l'horreur absolue face à mes capacités reproductrices, ce genre de choses. Je ne déteste pas mon corps, je n'ai pas de problèmes d'estime de moi-même ou de haîne envers ce corps. Mais il y a une pénibilité à cette discordance. Je ne vais pas m'étaler, c'est personnel, mais ça s'appelle disphorie de genre. Après des années à ne pas voir de lien entre ces choses, j'ai entendu parler des personnes trans, j'ai compris qu'une transition physique était possible, que je n'avais pas d'obligation de traîner une poitrine à travers toute ma vie, de parler avec une voix d'enfant et le visage glabre, . Qu'être confortable, habiter mon corps pleinement était possible. Alors j'ai décidé de transitionner. Et figurez-vous que ça marche.

Après des années d'introspection, tout comme vous, je n'ai pas vraiment d'idée de ce qu'est l' "identité de genre". J'ai cherché, j'ai sondé, et je n'ai rien trouvé. J'admet que pour certains, c'est évident, parce qu'ils me le disent et que je les crois. Mais être une femme, cela ne signifie rien du tout pour moi. Je suis persuadé que cela n'a pas plus de sens de dire que je suis un homme. Manifestement, les femmes cis n'ont pas l'expérience que j'ai de l'étrangeté de son propre corps dans ses caractéristiques féminines, ni la volonté soutenue (dans le temps) et décidée de le viriliser pour s'en soulager. Manifestement, les hommes trans ont l'expérience d'une impression d'appartenance au genre masculin, ou je ne sais quoi qu'ils appellent "être homme". Comme femme cis, je serais un imposteur, comme homme trans, je serais un imposteur. Je suis juste une personne. Je dis que je suis "non-binaire", "ni l'un ni l'autre", ou juste "queer" ou "trans*". Je ne vois pas trop quoi d'autre dire.

Socialement, en français, je fais le compromis du masculin: mal genré pour mal genré, je préfère éviter celui qu'on m'a imposé pendant des décennies. Mais c'est un compromis, et je suis soulagé lorsqu'on parle anglais d'avoir accès au pronom neutre. (Je connais Iel, et bien que je l'utilise pour les ami.e.s qui en font la demande, je ne l'utilise pas pour moi-même: l'explication est un peu longue, mais disons principalement que je favorise l'homogénéité dans ma vie).

Vous diriez que je ne suis pas trans ? Ou que je n'existe pas ? Que je me trompe sur ma propre expérience de ma conscience ? Il est vrai que dans une culture où la binarité de genre est fondamentale, il est plus facile de faire entendre la narration du "né dans le mauvais corps, j'ai toujours été du genre opposé". Mais si vous décidez qu'en fait, on n'est que des troll, que je suis imaginaire, ou qu'il ne faut plus parler des gens comme moi, ça ne nous fera pas disparaître pour autant. Et en effet, dans les écoles, il y a peut-être des mômes ou des ados qui en vous entendant pourraient s'épargner 10 ou 20 ans de torture mentale.

3. Le mardi 18 octobre 2016, 01:19 par Arthur Milchior

@Anonyme :

Bonjour Anonyme.
Merci de ton témoignage.
>Vous diriez que je ne suis pas trans ? ...
Personnellement, je ne dirai rien. Je suis pour l'auto-définition, ça m'évite beaucoup de problème.

Enfin si, j'ai aucun doute sur le fait que les gens ni-homme ni femme ne sont pas des trolls. Qu'il n'y a pas juste un désir d'aller embêter une génération de trans.

Et comme je l'ai dit dans la conclusion, pour l'instant au moins, je continuerai de parler de ces sujets dans les classes où j'interviens. Et surtout, de dire qu'il y a d'autres gens ayant le même ressenti, avec qui ielles pourront discuter plus efficacement qu'avec quelqu'un de cis.

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