De l'éthique de mes relations

Tous les ans, je pratique du BDSM et du sexe avec quelques dizaines de personnes. Et depuis que je me suis mis à fréquenter des milieu queer, je me pose énormément de questions sur certaines relations. À la fois je me demande si, pour certains partenaires, ils ne jouent pas avec moi principalement car ils ne trouvent pas mieux. Et aussi si, vu les règles des communautés queer, je vais un jour me faire exclure de certains groupes pour ces relations, quand bien même je pense en mon fort intérieur qu'elles sont éthique et que je n'ai pas de raison de penser que mes partenaires les regrettent.

Mes avantages

Les principaux critères qui me confèrent un avantage sur une majorité de mes partenaires.

Je vis seul

Je dispose de mon propre domicile, où je peux recevoir, sans peur d'être jugé par les voisins où qu'un membre de ma famille aprennent que je reçois des gens chez moi. Honnêtement, je suis flemmard, je préfère recevoir que prendre le métro, donc ça m'arrange.

Énormément de gens sur tous les sites de rencontres ne peuvent pas recevoir. C'est en particulier le cas chez les jeunes adultes qui vivent encore chez leurs parents. Et je m'attend à ce qu'un certain nombres de gens dans la vingtaine avec qui j'ai couché auraient préféré coucher avec quelqu'un d'autre qui ne pouvais pas non plus recevoir. Probablement quelqu'un avec une plus petite différence d'age.

Même problème avec les hommes mariés (sous-entendu, avec une femme), où leur femme ne doit rien apprendre. Même si je ne demande pas à mes partenaires ils ne peuvent pas recevoir, souvent, ils le disent par eux même. En particulier pour expliquer pourquoi ils m'envoient une photo de leur pénis mais pas de leur tête.

Mon look

Aucune contrainte ne m'empêche de me donner le look que je veux. J'ai souvent du vernis multicolore, les cheveux de couleurs qui changent[1]. Il y a des gens qui trouvent ça moche et qui ne feront rien avec moi. Mais il y a des gens qui trouvent ça sexy, et je me retrouve avec un avantage en étant dans un marché avec moins de compétition. Je peux pas être le plus viril d'une soirée gay, je peux être le plus visiblement queer.

C'est un avantage partiellement injuste parce que, par exemple, la couleurs des cheveux tient des semaines. Si au bureau je devais être un employé en costume cravatte, j'aurai probablement pas pu me colorer les cheveux. Mais aucun collègue n'a grand chose à faire de mon look, tant que je fais mon boulot. Et ce n'est même pas comme si j'avais du lutter pour rendre mon travail plus tolérant, c'était déjà comme ça quand je suis arrivé.

Si je devais cacher mes looks queer, je pourrai toujours me changer une fois arrivé en soirée. Après tout, toutes les soirées ont des vestiaires. Mais ça ne me permettrait pas forcément d'avoir un look aussi queer quand je suis chez des potes, par exemple, qui est aussi un endroit où je rencontre souvent des partenaires. Donc, ne pas devoir me cacher reste un avantage énorme.

Je suis ouvertement pan

Aucun risque d'outing. Là où un certains nombres de partenaires sont mort de trouilles que quelqu'un qui les voit rentrer dans mon appartement devine qu'on est là pour coucher ensemble. Je vais toujours chercher les nouveau partenaire au RDC, juste histoire de vérifier qu'ils ressemblent à leur photo. Le plus rigolo dans le style étant un type qui m'a répété 6 fois, dans les couloirs de l'immeuble, "je suis discret" (ce qui l'était probablement pas pour les voisins qu'on croisait), et qui finalement est jamais rentré dans mon appartement car il y a avait trop de voisins dans les couloirs.

Effectivement, si tu veux de la discretion, je suis pas la meilleur personne avec qui trainer, mon look attire l'attention.

Je suis expérimenté

À 37 ans, je n'ai toujours pas expérimenté tout ce qui m'a l'air sexy. Mais j'ai quand même bien plus d'expérience qu'une immense majorité des gens croisés sur des sites de rencontre. Et probablement qu'un certain nombre de gens rencontrés en soirées pour adulte. Et surtout, j'ai pris des cours sur tout un tas de pratiques BDSM. J'ai aussi un grand nombre d'accessoires et de jouets. Je n'ai pas tous les jouets qui me font envie, certains, à 3000$ pièce, sont magnifiques mais pas raisonnable. Mais je dispose quand même de quoi amuser des gens qui ont pleins de fétiches différents.

Paradoxalement, cet avantage est le seul qui n'aide pas tant que ça à draguer. Parce que, même si je sais bien attacher ou que je sais flogger sans mettre mon partenaire en danger, ce n'est pas quelque chose que les partenaires potentiels peuvent remarquer en me voyant. C'est seulement quand quelqu'un m'a vu attacher ou fouetter qu'iel peut être convaincu que je fais des choses correctement et que le partenaire aura envie de pratiquer avec moi. D'ailleurs, c'est souvent parce que j'ai été recommandé par un ami/partenaire en commun. Et souvent, je ne suis pas recommandé parce que je suis le meilleur dans ce que je fais, mais parce que je suis un des rares avec qui iels ont expérimenté·e·s qui fait les choses correctement.

La seule exception que je vois, c'est sur le dance floor, quand j'ai mon flogger noire avec des pétales de roses rouge en cuir au bout. Cet accessoire est très joli (et est probablement un des flogger les moins douloureux de ma collection). C'est donc un excellent accessoire de danse, et permet de montrer que je maitrise son maniment, puisque je suis jusqu'à présent capable de ne toucher personne en dansant[2].

Cet avantage est un des seuls qui n'est pas extrémement injuste. Cependant, il l'est quand même un peu à cause du point suivant.

J'ai un bon revenu

Je parlais des jouets. Forcément, ça aide quand tu peux acheter un flogger à 150€ sans que ça fasse un énorme trou à ton budget. De même, ça aide si tu peux te prendre ton billet pour un festival fétichiste longtemps en avance, et peut même inviter un partenaire à partager ta chambre d'hotel.

Ça veut aussi dire que j'ai pu me payer tous les cours que je veux. Et si tous les cours ne se valent pas, je peux au moins dire que les cours de la fistinière ont donné des résultats extraordinaire selon au moins trois bottoms sur qui j'ai appliqué ce que j'ai appris. Quant au cours de cordes, ils m'ont donné mon plus grand moyen de séduction.

Je ne suis pas timide

Je n'ai aucun problème à aller voir des gens et leur proposer de jouer ensemble.

J'ai rencontré deux partenaires réguliers via twitter. L'un demandait un modèle pour un cours, je me suis proposé. Depuis on a joué une demi douzaine de fois ensemble. Il est assez timide. Si je l'étais aussi, probablement qu'il se serait rien passé. Et je ne peux m'empêcher de me demander combien de partenaire il rate car aucun des deux n'ose aller voir l'autre.

La preuve en est, après que ce partenaire ait partagé une photo de séance SM qu'on a fait ensemble sur twitter, j'ai reçu quelques follow. Dont un mec super sexy et en banlieu parisienne. Donc je lui ai demandé s'il voulait qu'on joue ensemble. Clairement, le mec était pas intéressé par moi, mais super intéressé par mon partenaire. Sauf qu'il a jamais osé contacter mon partenaire, alors même qu'ils sont mutuals sur twitter!

De la même façon, en soirée, il m'est arrivé de draguer des gens. Et je pense sincèrement que, dans un certain nombre de cas, j'étais pas forcément le premier choix. Mais si la personne que je drague est timide et est intéressée par quelqu'un de timide, je finis naturellement avec plus de partenaires que si ces personnes osaient se draguer l'une l'autre.

J'ai beaucoup de partenaires

Je vois parfois des gens, souvent mec hétéro, se plaindre de n'avoir pas de partenaire sexuel. S'ils veulent absolument coucher, je suis sûr que la majorité d'entre eux trouveraient facilement sur grindr ou en club gay, mais j'imagine que ce n'est pas leur recherche. Si j'en crois les témoignages d'amie, elles sont accostées par des gens désespérées qui veulent absolument coucher avec elles et ne les contactent que pour ça. Et parfois, je me demande si ça aurait été mon comportement si j'étais hétéro. Si j'avais pas fréquenté des milieux queers. Si je n'avais pas suffisament lu et entendu d'amie se plaindre des dragues lourdes qu'elles reçoivent. Sans sympathiser avec les drageurs lourds, je peux comprendre que ça soit frustrant de ne trouver personne et d'être rejeté en permanence. Je peux imaginer voir chaque opportunité comme étant peut être une des dernières chances que tu as a trouvé une partenaire, et te dire que c'est une situation super stressante et que ça devienne dur d'interagir de façon sereine et sympathique.

Sauf que, comme je l'ai dis plus haut, chaque année, j'ai des dizaines de partenaires, sexuelles, bdsm, et - plus rarement - les deux. Il y a pleins de gens avec qui j'ai envie de coucher. Mais aucune de ces personnes ne changeraient ma vie si iels acceptaient. Au mieux, je passerai juste un bon moment. Et donc les refus n'ont pas d'importances non plus.

N'étant pas désespéré, il me semble que j'évite un critère qui est repoussant pour pas mal de monde. Et finalement, il est probable que le fait que j'ai eu pleins de partenaires m'aide à avoir des partenaires.

Quelques exemples

Un partenaire avec de l'anxiété sociale

J'étais à une soirée BDSM gay à Berlin. Je connaissais une seule personne. J'avais sincèrement peur que mon partenaire régulier se sente forcer de jouer avec moi pour être sur que je sois pas délaissé. Et je lui ai dit que on peut toujours se voir à Paris, je voulais qu'il se sente aucune obligation. Il m'a répondu que j'étais la seule personne qu'il connaissait (en tout cas, qu'il connaissait bien. Je sais qu'il avait déjà rencontré au moins une autre personne présente sur place.), et donc c'était plus simple pour son anxiété sociale qu'on joue ensemble.

Certes, j'ai passé un excellent moment, et j'espère que lui aussi. Mais j'ai été rassuré quand, plus tard, je l'ai vu jouer avec trois autres partenaires. Et surtout, des gens considérablement moins débutant que moi.

Une très jeune partenaire trans

J'ai rencontré sur grindr une jeune femme trans de 21 ans. Elle était curieuse d'essayer diverses pratiques BDSM.

En soit, la différence d'age me pose pas de souci. J'ai déjà eu d'autres partenaires d'a peu près son age, qui fréquentes des soirées BDSM et qui ont trouvé que mes compétences leurs donnaient envie de jouer avec moi, et qui ont joué avec pleins d'autres gens. Ces personnes là semblent savoir ce qu'elles font, passent un bon moment, qui dure 10 minutes ou deux heures, on échange un numéro de téléphone pour peut être se revoir et puis on passe à autre chose.

Mon souci avec cette jeune femme là, c'est qu'elle n'a aucune connaissance dans le milieu kinky ou queer. Elles est extrémemnt timide. Et, de ce que je comprend de nos discussions, son expérience sur grindr a été plutôt négative. Ce n'est pas forcément très étonnant pour quiconque ayant trainé sur grindr. On s'est rencontré une fois, j'imagine qu'elle a aimé puisqu'elle veut revenir dès que possible. Moi même, j'ai apprécié. Je serai quand même bien plus à l'aise si je savais qu'elle était connaissait plus de monde, et que, si elle continue de me choisir comme partenaire, c'est en ayant pleins de choix cool, et pas parce que je suis un des rares à l'avoir genré correctement et pas envoyé une photo de mes parties génitales sans lui demander.

Diverses personnes avec qui j'ai couché car je n'insistais pas.

Un jour, j'avais dis à un·e pote genderfluid que j'aurai bien voulu qu'on couche ensemble, alors que je l'avais attaché récemment. Elle n'était pas intéressé, donc on a continué de juste discuter comme pote. Un peu plus tard, voyant que je n'avais pas insisté, iel a changé d'avis et accepté qu'on couche ensemble.

Une amie d'un partenaire

De la même façon, une pote ne voulait pas trop coucher avec moi pendant un moment. Puis elle a vu les photo d'une séance de shibari fait avec un pote et a finalement été convancue qu'on joue ensemble. Bref, c'est parce que j'avais déjà des gens à attacher que j'ai pu attacher quelqu'un d'autre. Là où un débutant a souvent du mal à trouver son premier partenaire, aussi respectueux soit-il.

Notes

[1] ou, comme l'a dis un mec sur grindr "Pourquoi t'as autant de perruques moches"

[2] Je ne me rendais pas compte que c'était compliqué. Jusqu'au moment où j'ai prété le flogger a un danseur nettement plus doué que moi, mais sans expérience du flogger. Il était incapable de ne pas se prendre des retours du flogger.

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