Risque juridique et publication sur des archives ouvertes du travail de recherche

Je viens de voir passer un fil twitter qui me semblait dangereux. J'ai tenté d'y répondre, sans grand succès. Je vais tenter de faire plus clair ici.

Publication scientifique

En gros, la publication scientifique marche beaucoup à l'aide de journeaux et d'annales de conférences.

Les chercheurs sont payés par les universités, états, union européenne, etc... Ils écrivent un papier, appelé pré-print. Le pre-print est soumis gratuitement à l'éditeur d'un journal. D'autres scientifiques relisent gratuitement les articles et décident quoi accepter. Les chercheurs corrigent selon les demande des relecteurs. La version corrigée se nomme post-print.

Les scientifiques envoient le post-print au journal et lui donnent le droits de publier leurs travail. En échange du fait d'être publié, le journal demande à ce que l'on ne mette son travail nul part ailleurs, au moins pendant un certain temps. Enfin le journal est publié, l'éditeur vend les journaux (ou leur accès en ligne) aux bibliothèques de centre de recherche. C'est un système absurde, mais c'est pas le sujet ici.

Loi française

La loi française prévoit depuis 2016 que les articles payés à 50% par des organismes publique français ou de l'union Européennes peuvent être partagés partout six mois ou un an après la publication du journal. Toute clause l'interdisant est illégale et ne s'applique pas. Le fil twitter propose divers liens expliquant ce droit.

Voilà qui est beau et bon. Tant que t'es en France. Sauf que les chercheurs sont des gens participants à des conférences, et qui sont appelés à voyager. Et quand on va à l'étranger, la loi française ne s'applique plus. C'est d'autant plus juste que la France a fait arrêter un PDG de site étranger qui ne respectait pas la loi française.

Or, tous les liens cités plus haut sont muets quand à la question du droit international. En tant que chercheur non-permanent, il arrive souvent que, un an après la publication d'un article, j'ai changé d'employeur, voir de pays. Si j'ai fait une recherche dans un labo A français, que je suis dans un labo B au moment de la publication et dans un labo C un an après quand je met l'article sur une archive ouverte, si j'ai changé de pays, quel loi s'applique ? Ça me fait une bel jambe de savoir que je ne serai pas condamné en France si je n'ai pas la certitude que je ne serai pas condamné la prochaine fois que j'irai aux USA. À priori, les archives en lignes sont aussi disponible aux USAs, et je n'ai pas signé un contrat spécifiquement français avec l'éditeur. Donc en tant que chercheur en informatique, je suis loin d'avoir la certitude qu'aucun juge américain ne serait compétent pour juger ce cas.

Et, quand bien même je serai totalement dans mon droit, quand bien même je gagnerai tout procès qu'on pourrait m'intenter, il reste une question importante. Qui va payer les frais de justice, et en particulier l'avocat ? Si je suis convoqué par un juge étranger, qui va payer le voyage ? Après tout, je ne suis plus employé de A au moment où l'article est mis en ligne sur l'archive, et la recherche n'a pas été payé par C. Pis, si C est hors de France, il peut considérer que j'ai effectivement violé la loi du pays où je suis, et que ça ne concerne pas mon travail pour C, donc ne nécessite pas de me protéger.

Risque faible

Bien sûr, tout cela reste très théorique; à ma connaissance les procès sont inexistants aujourd'hui. Les seul procès dont j'entend parler sont fait à l'encontre de site web ou de personne aidant au partage massif d'articles protégé. Donc des procès fais à feu Aaron Swartz, à sci-hub, library genesis, etc... Je pense qu'aucun éditeur ne veut risquer de backslash qu'il se prendrait s'il faisait un procès à un auteur partageant un article qu'il a écrit. J'imagine mal un éditeur commencer un tel procès, et si je partage un article à moi, j'ai statistiquement très peu de chance d'être sélectionner dans la première vague de procès.

Cependant, ce dernier argument tenait déjà indépendamment du changement de loi française. Il me semble plutôt convainquant d'ailleurs. Mais dans ce cas, je suis perplexe quant au fait de mettre en avant la loi de 2016 pour convaincre de mettre des post-prints en ligne.

Commentaires

1. Le dimanche 21 avril 2019, 00:17 par Subbak

Je pense qu'à la question de "qui va payer" la réponse est "ce genre d'affaire d'un gros méchant éditeur contre un pauvre chercheur qui a agi pour la science ouverte dans le respect de la loi du pays où il se trouvait", ça se crowdfunde assez facilement, éventuellement avec le soutien d'une association. C'est quand même pas une épreuve que je souhaite à qui que ce soit, mais la question des frais de justice doit être gérable.

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