Pourquoi certains insistent sur une méthode d'inclusion quand d'autre dit que ça les exclut

Il y a un processus de discussion/argumentation que je ne comprend pas, et je compte illustrer ce processus avec un exemple vaguement lié à la notion de genre/transidentité. Et même si je n'ai pas d'autre exemples en tête, je suis persuadé que le questionnement pourrait se généraliser

Une ex-amie m'a dit un jour que, comme je suis un homme cis, j'ai des excuses pour ne rien comprendre quand elle discute des questions de genre. Elle en discute beaucoup sur twitter; et logiquement, elle prend pas le temps de tout expliquer, puisqu'elle parle avec des gens ayant des connaissances en commun que je n'ai pas. Depuis, j'ai vu cette ex-amie participer/influer des harcèlement contre des personnes non-cis qui avaient des opinions différentes d'elles sur le genre, et c'est franchement le privilège cis le plus con que j'ai jamais eu. Ou alors elle m'épargne car j'ai plus souvent des questions que de certitudes. Que je trouve parfois que son point de vue me semble cohérent, même si je trouve aussi que le point de vue opposé me semble cohérent aussi. Tout ça pour dire, il y a un processus de discussion/argumentation que je ne comprend pas, et je compte illustrer ce processus avec un exemple vaguement lié à la notion de genre/transidentité. Et même si je n'ai pas d'autre exemples en tête, je suis persuadé que le questionnement pourrait se généraliser. Je note déjà qu'il est possible que je n'y comprenne simplement rien car, comme le disait cet ex-amie, je ne suis qu'un cis.

J'ai vu pas mal de personne répéter, sur twitter ou dans des associations, un certain nombre de truc tel que:

  • 1)Lorsque un document parle de ce qui est lié au système génital ou reproductif, il doit inclure explicitement les personne trans. Qu'il ne soit pas supposé que le pénis/vagin soit nécessairement un homme/une femme. Que donc le cancer du sein/de la prostate peut aussi toucher les hommes/femmes.
  • 2)Il est totalement impossible de connaître le genre d'une personne, et on ne doit pas supposer quoi que ce soit. I.e. seule la personne connaît son genre, et c'est à cette personne de le donner.
  • 3)Les bios twitter, et les présentations en personne se font en donnant prénom et pronom. L'important étant que tout le monde fasse cela, comme ça les gens dont le pronom n'est pas celui auquel on s'attend(i.e. personnes NB, personnes trans n'ayant pas transitionné physiquement) sont traité exactement comme les autres personnes.

J'ai vu d'autres personnes trans s'opposer fermement à ces demandes. Parmis les explications, j'ai lu:

  • 1')certaines personnes ont déjà une dysphorie, rappeler que des hommes peuvent avoir leur règle, porter un enfant, etc... c'est leur imposer cette dysphorie, et donc leur faire encore plus de mal sous prétexte de bonnes intentions. D'autant que, dans beaucoup de cas, le message n'est pas vraiment adapté aux personnes trans. Typiquement, on pourrait envisager qu'une transition modifie le risque de cancer de la prostate, mais tant qu'aucune étude de mesure effectivement ce chiffre, rajouter un message pour les femmes trans ne leur apporte aucune information spécifique.
  • 2') et 3')Imaginons quelqu'un qui a transitionné et qui a réussi à obtenir une apparence qui lui plaît. En particulier, que le genre assigné aujourd'hui est effectivement le genre de la personne. Alors il y a deux types de personne qui vont lui dire «malgré ton apparence, on ne peut pas être sûr que tu sois bien une femme/un homme». D'une part les transphobe qui renverront cette personne à son genre assigné à la naissance, et penseront donc que son apparence ne correspond pas à son «vrai» genre, mais est un mensonge. Et puis les lieux où l'on défend la thèse qu'«on ne peut jamais connaître le genre d'une personne». En résumé, des personnes et associations se voulant inclusive se mettent à ressembler étrangement aux transphobe, et donc sont désagréables[1].

J'espère n'avoir pas trop déformé les différents points de vues que j'ai pu lire. Et qu'il est clair, par mon résumé, que tout ces points de vues me semblent totalement sensé, défendable. Je ne suis pas certains qu'il y ait la moindre solution qui convienne à tous, à moins de séparer les associations en deux parties distinctes selon le point de vue que tu veux défendre. En effet, imaginons que les gens pour qui le pronom n'est pas «évident» donne leur pronom. Afin qu'ils ne soient pas seuls, sans forcer les trans qui ne veulent pas, il faut demander aux cis de donner le pronom. Mais dans ce cas, ça force les trans à choisir entre dire qu'ils sont trans et dire le pronom, deux solutions négatives.

Personellement, mon pronom est dans ma bio twitter. Il m'arrive souvent dans les milieux non professionnel, de me présenter en disant «Arthur, Il»; mais je n'exige de personne de me donner son pronom.

Ce que je suis pour l'instant toujours incapable de comprendre, après tout ce temps, c'est pourquoi les positions n'ont pas évolués pour prendre l'autre point de vue en compte. Pourquoi, par exemple:

  • les gens qui exigent que tout le monde donne son pronom, quand ils expliquent la raison de cette règle (et il faut la réexpliquer souvent, au minimum, à chaque fois qu'il y a de nouveau cis qui arrivent, dans la présentation écrite des événement appliquant cette règle), ne rajoutent pas dans cette explication un mot, sinon une adaptation de la règle, pour les personnes non-cis que ça pourrait gêner.
  • Et réciproquement, pourquoi, à chaque fois que je vois dire 1'), ils semblent dire qu'il faut absolument arrêter cette pratique néfaste, sans chercher à répondre au besoin d'autres personne trans disant 1).

Note

[1] Je tiens à noter que j'ai expliqué à une amie trans que des trans ont ce point de vue. C'était assez perturbant.

Commentaires

1. Le jeudi 11 octobre 2018, 11:06 par Matoo

C'est assez complexe et compliqué tout ce qu'on vit actuellement en termes d'inclusion, mais ça a le mérite d'être une réflexion ouverte et assez décapante. Comme tous ces mouvements, on assiste d'abord à des propositions un peu radicales, c'est bien que tu y participes comme cela je trouve. :) J'avoue être trop fainéant pour cela, et me taper les SJW, très peu pour moi. En revanche, je serai le premier à essayer d'adopter les attitudes qui seront les plus inclusives. Faut essayer ! :)

2. Le lundi 10 décembre 2018, 22:43 par N

Je lis ce post très en retard, mais un point que je rajouterais en ce qui concerne le fait de donner un prénom, en particulier sur les bios twitter, c'est qu'une personne trans qui n'est pas publiquement out pourra également ne pas vouloir indiquer ses pronoms, puisque le choix est entre des pronoms qui ne lui conviennent pas et s'outer publiquement. C'est mon cas.
Par contre, je suis très contente qu'un certain nombre de gens le fassent, puisque cela signifie que ça semblera normal de spéficier les pronoms au moment où je déciderai de faire un coming out public.
J'ai donc l'impression que le meilleur des monde est un où une portion importante des gens spécifie ses pronoms et une autre portion ne la spécifie pas, pour que le fait de spécifier ou ne pas spécifier ses pronoms ne divulgue pas d'information en soi.

3. Le vendredi 14 décembre 2018, 03:46 par Arthur Milchior

Salut N.

T'en fais pas, ces postes périment pas. Et je doute que son contenu ait été plus pertinent il y a 2 mois qu'aujourd'hui. Bon courage à toi si tu t'amuses à rattraper ce blog. Je pense que t'as un peu de lecture encore après ce billet là.

Je n'avais pas pensé effectivement aux gens dans le placard, et donc devant mentir sur leur pronoms. Je ne sais pas comment j'aurai classé ça dans ma dichotomie.

S'il m'arrive de rediscuter de ce sujet, j'imagine que je rajouterai, en plus de tout ça, l'assertion «la question se pose principalement pour les gens pouvant utiliser le pronoms qu'elles souhaitent. Pour les gens dans le placard, aucune des deux solutions n'a vraiment de sens.»

J'imagine qu'un monde où il est courant d'expliciter son pronom serait un monde moins transphobe, donc le problème du placard se poserait moins.

P.S.
T'as changé d'adresse e-mail, ou bien deux personnes signent leur poste en utilisant la même lettre ?

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