Merci de ne pas m'offrir de thé comme cadeau

En général, je partage entièrement l'avis de Ruxor concernant ce que doit être un cadeau. Mais j'ai envie de compléter plus particulièrement ce que je pense de ceux qui, pour me faire un cadeau, m'apportent du thé aujourd'hui[1].

Note

[1] Je précise la date car ce billet ne s'appliquent absolument pas aux cadeaux que j'ai pu recevoir quand j'étais béotien, et que j'avais tout à découvrir.

Je bois souvent du thé. En général, deux fois par jour. Et je fais ré-infuser. Cela peut donner l'impression à ceux qui me fréquente que j'en consomme encore plus que ce que je consomme actuellement en matière de théine. Par ailleurs, j'ai chez moi un assortiment de thé bien plus grand que la majorité des gens. Quand je vivais dans un studio, c'était relativement voyant, puisque j'avais plusieurs dizaines de boites en métal empilée les unes sur les autres contre un mur. J'ai aussi un plus petit assortiment de mes thés préférés chez mes parents, pour quand je rentre chez eux. Tout ça pour dire, je pense que la majorité des gens qui me fréquentent savent assez rapidement que je suis un buveur de thé. Et ceux qui sont venus chez moi savent que j'ai beaucoup trop de thés qui s'accumulent, ce qui est une première raison pour ne pas rajouter du thé au tas.

Il est dur de savoir quoi offrir comme cadeau. On peut se donner l'idée d'offrir un cadeau lié à une passion du récipiendaire. Personnellement, je suis mathématicien, mais offrir un livre de mathématique au hasard est assez compliqué. Même d'un matheux à l'autre, on ne sait pas toujours quel prérequis le récipiendaire a, ou n'a pas. Je comprend bien qu'offrir du thé est une solution simple, et en plus, un buveur de thé aura surement un usage à faire de ce thé. Ce n'est pas comme si on m'offrait un livre de photo, qui fera joli dans ma bibliothèque puis sera plus jamais touché.

Je peux imaginer deux raisons d'offrir un aliment. Soit remplir une obligation sociale. Par exemple apporter un gateau, ou une bouteille de vin, quand on est invité à manger quelque part. Autre exemple: apporter des chips à un pic-nic/pot. Je n'ai jamais vu quelqu'un apporter du thé pour remplir ces obligations[1]. Si on est chez quelqu'un, cette personne a déjà du thé sur place. Et si c'est un buffet institutionnel, il y a parfois des sachets de lipton fourni avec le grand thermos de café et les bouteilles d'eau. Mais le thé n'a pas spécialement été apporté.


Un cadeau pour faire plaisir. Je vais me limiter à la seconde raison que je peux imaginer pour apporter un aliment. Avoir envie de faire plaisir au récipiendaire.

Si je veux vraiment faire plaisir à quelqu'un, je n'apporterai pas un paquet de chocolat milka ou une bouteille de vin trouvé au hasard dans un super marché. Quand je reçois un «thé vert», ou un «Darjeeling» sans nom de jardin, ni de récolte, c'est exactement la même chose. Quoi que le thé est un cadeau encore pire que mes exemples. Un sachet de thé fais environ 100 grammes en général, et il y a environ 5 grammes par tasses. Donc un paquet de thé, c'est une vingtaine de tasse. Vous me laissez donc le choix entre 20 tasses (i.e. 10 jours) de thés sans intérêt, au lieu d'apprécier quelque chose qui me plait vraiment. Ou alors offrir votre thé à quelqu'un d'autre (ce que je ne ferai pas, si j'offre du thé, j'en offrirai un que je sais être bon). Ou bien jeter ce thé, ce qui est du gâchis.

Les deux dernières personnes à m'avoir offert du thé revenaient d'Indes. Leurs cadeaux avait quand même l'avantage d'être un produit local, en rapport avec leurs parcours[2]. Mais ma comparaison reste valide. Personnellement, si je reviens de Belgique, et que je veux faire plaisir à quelqu'un, en lui apportant un cadeau d'anniversaire, par exemple. Je ne lui rapporterait pas une tablette de chocolat côte d'or, ni un pack de Jupyler. Non pas que ça soit mauvais, mais ce n'est pas quelque chose digne d'être un cadeau. Quand bien même je l'ai acheté en Belgique, et que c'est une denrée pour laquelle la Belgique est célèbre, ce n'est pas réellement ce qu'on a envie d'appeler «de la bière/du chocolat Belge».

Bon, les thés qu'on m'a offert récemment ont un gros avantage sur le pack de jupyler. Ils avaient un bel emballage. Un truc bien joli, vendu dans les coins à touriste, je suppose. Et j'admet que j'ai pu faire pareil. Je suis déjà rentré à Paris, en prenant avec moi des boites de chocolat, toutes faites, trouvé à la gare de Bruxelles. Pour les avoir goûte, ils sont bons, sans avoir d'intérêt particulier. Mais j'imagine que ça peut faire plaisir à quelques personnes qui ont reçus mes cadeaux. Simplement, je n'aurai pas fait ce cadeau à quelqu'un que je sais être amateur de chocolat. À quelqu'un qui, chez lui, m'aurait proposé de me faire découvrir des «bons» chocolats. Ou plutôt, puisque «bon» est mal défini, je n'aurai pas fait ce cadeau à quelqu'un qui choisit son chocolat avec attention. Parce que cette personne sait déjà ce qu'elle achète, et avec mon ignorance, je n'ai aucune raison de penser pouvoir faire mieux. Ou alors, si je veux faire mieux, soit je me renseigne auprès d'une personne de confiance (i.e. pas un vendeur), pour savoir quel sont les vrais chocolatiers belges d'exception. Ou bien je demande au récipiendaire ce qui lui fait plaisir. Et même si la surprise disparaît, celui-ci pourra recevoir un cadeau qui a le double avantage d'être: bon, et où mon aide était effectivement utile[3].


La découverte Le titre de ce billet est mensonger. En réalité, je ne veux pas que le thé soit un cadeau. Mais je veux bien qu'on m'offre du thé. Si je vais chez un-e ami-e et qu'iel m'offre un bon thé, j'en serai ravi. Mais dans ce cas, ce que j'ai, c'est une tasse ou deux. On partage une théière. Ce qui est un contexte extrêmement différent de celui que j'évoque plus haut. Il arrive que je prenne note du nom du thé, et de la boutique, pour me le procurer moi même. C'est ce que j'ai fait récemment avec de l'hojicha cookie, par exemple.

En généralisant, si vous avez un thé, que vous savez être bon, alors je peux imaginer que ça me ferait plaisir d'en recevoir. Pour l'instant, cette situation n'est jamais arrivée. Et je ne souhaite pas spécialement qu'elle arrive, puisque, comme je l'ai dit plus haut, j'ai déjà trop de thé chez moi.

D'ailleurs, pour l'instant, j'ai déjà tous les thés que j'ai envie d'avoir, à part certains qui sont vraiment hors de prix. Je pense en particulier à un thé blanc fumé, qui sentait vraiment bon, et que j'ai découvert à San Pancras. Mais qui valait 200 livres les 100 grammes[4]. Et même dans ce cas là, je ne souhaite pas que vous m'en offriez. Parce que, si vous êtes prêt à mettre une telle somme pour moi, je suis certain qu'il y a plein de truc à ce prix qui me feraient immensément plus plaisir. Après tout, si rien ne pouvait me faire plus plaisir pour 100 livres, alors j'aurai eu les moyens de m'acheter ce thé moi-même. Je possède plus de 100 livres d'économies sur mon compte en banque.

Notes

[1] À part moi, qui me déplace parfois avec un thermos de thé. Et encore, il est rare qu'on m'en prenne.

[2] Avec en prime, le fait qu'on évite tous les contrôles sanitaires exigé par l'Union Européenne. Ou encore les contrôles que des boutiques comme le Palais des Thés disent faire régulièrement pour vérifier l'absence de travail des enfants dans les plantations partenaires. (Bon, je n'ai rien qui me permette de vérifier que Palais des Thés vérifie sérieusement ce qu'ils avancent. Mais le fait qu'il s'y engagent est déjà légèrement plus rassurant qu'un thé pour touriste vendu dans un aéroport)

[3] Si des parisiens que je fréquente me lisent, hésitez pas à me demander des chocolats bruxellois que vous aimeriez.

[4] Mon cerveau avait rajouté une virgule. J'avais lu 2,00 livres les 100 grammes, tellement le prix était incroyable. Ce qui faisait vraiment pas cher pour du thé blanc. C'est quand le vendeur m'a demandé de confirmer que j'en voulais 100 grammes que la virgule à disparu de mon imagination.

Commentaires

1. Le vendredi 13 juillet 2018, 13:28 par Athreeren

L'avantage des aliments comme cadeau, c'est que c'est consommable : on est sûr qu'on encombre pas le logement de la personne. Évidemment , cet argument marche moins bien pour une grand boîte de thé.

Je pense qu'un bon cadeau pour un mathématicien, c'est un livre de Raymond Smullyan. C'est accessible pour tout le monde et toujours intéressant. La difficulté est bien sûr de trouver un livre de Smullyan que le mathématicien n'a pas déjà lu (ou essayé de lire : j'ai déjà passé prêt de la moitié de ma vie sur les deux mêmes livres, je n'ai toujours réussi à résoudre toutes leurs énigmes)

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