Rajouter des groupes aux LGBT - queers

Ce billet est probablement inutile. Il va défendre un point de vue qui semble tellement accepté dans les milieux que je fréquente[1], que je n'ai jamais vu personne prendre la peine de défendre ce point de vue. Après tout, pourquoi défendre une idée évidente. Puis, j'ai découvert l'univers LGBT anti-mogai, et ait décidé de faire ce billet. Je situe d'où je parle: je suis cis, bi, la majorité de mes amis sont cis-het pour autant que je sache, et mes fréquentations de groupes LGBT consiste majoritairement en les interventions en milieu scolaire et interventions et formation pour adulte.

Note

[1] Et qui s'intéressent à cette question

Est-ce que les aces[1]/aros[2]/polys[3]/kinksters[4]/demisexuel[5] peuvent légitimement faire parti des groupes LGBT/queer même si elles ne sont ni homo, ni bi, ni trans ?

Un des arguments que j'entend le plus est «Ça donne justement l'impression d'heteros qui veulent s'infiltrer parmi les LGBTQ+ juste pour faire genre». Est-ce que quelqu'un-e connaît des cas d'hétéros ayant vraiment cette volonté ? Pour moi, ça ressemble beaucoup aux arguments interdisant aux trans d'aller dans les toilettes de leur genre. Qui disent que les femmes trans sont des hommes pervers qui veulent aller dans ce lieu pour agresser des «vrais» femmes.

Avant de répondre à cette question, j'aimerai dire pourquoi je considère ces groupes, et pas les geeks, les gamers, les personnes âgées, les personnes racisées etc.

L'invisibilisation

C'est à dire que, quelqu'un qui serait concerné par ces notions à énormément de risques de ne pas en entendre parler, ou d'en entendre parler très tard dans sa vie. Ce qui implique, soit qu'il/elle a l'impression d'être seule et unique dans son cas, différent du reste de la société. Soit simplement qu'elle/il n'arrivera pas à savoir ce qui cloche, pourquoi les règles sociétales ne lui conviennent pas.

L'anormalité

Si ce n'est pas invisible, si on parle de ces sujets, c'est souvent en tant que chose «anormale». On leur conseillera de se faire soigner, de vérifier leurs hormones, on cherchera la cause de cette déviance. Et les représentations seront moqueuse: nécessairement efféminé et obsédé sexuel pour les gays(Pour rappel, le problème n'est pas l'existence de tel représentation. Le problème est que cette représentation soit extrêmement majoritaire au point que ça pousse à croire que c'est effectivement ainsi que les gays sont). Pour les aces, ça sera une représentation de personne extrêmement stricte, ne sachant pas s'amuser. Pour les kinkster, quelqu'un en tenu cuir, cravache partout, toujours, tout le temps, comme si ces pratiques empêchaient de savoir se comporter de manière standard dans le reste de la société.

Les gens similaires ne sont pas dans notre entourage

On peut supposer qu'une personne âgée soit entouré de personnes agées, qu'elle ait connus d'autres personnes agées. La société n'est, malheureusement, pas bien adapté à elles/eux, mais les gens ne seront pas choqués de voir une personne agée. Une personne racisée pourra probablement parler des problèmes de discriminations avec sa famille, qui ont probablement connu des problèmes similaires. Sauf peut-etre si cette personne est adoptée. Dans tout ces cas, il y a des gens vers qui se retourner, ce n'est pas du tout évident pour les personnes LGBT, ni pour les aces/aros/poly/kinkster/demi.

Cela concerne les pratiques amoureuses et/ou sexuelle

Pas grand chose à développer concernant cet argument.

Être activement discriminé

Alors, je ne connais pas d'exemple d'ace/aro ayant perdu leur job parce qu'ils/elles sont ace/aros. Par contre, des exemples de LGBT qui ont perdu leur job à cause d'un employeur LGBTphobe, ça ne manque pas. Il y a aussi quelques cas connus de gens ayant perdu leurs jobs car quelqu'un a appris au boulot que la personne était kinkster, et que cette notion était directement mélangé à la notion de viol.

Les différences

Bon, après avoir dit tout ça, on peut aussi mettre en avant les différences entre LGBT et les autres groupes. Voici quelques arguments: les aces/aros/demi ne se font pas insulter dans la rue en montrant leur différence. Il semble rare que le seul fait de ne pas vouloir être en couple/avoir de relation en général, déclenche des actes discriminatoires. Si une femme se fait attaquer par un homme avec qui elle refuse de coucher, on peut supposer que l'attaquant soit indifférent à l'orientation de cette femme.

Une partie non-négligeable des revendications LGBT sont de natures législatives. Changement d'état civil, accès à la PMA, certains demandent aussi celui à la GPA. Ces revendications sont très pratiques d'ailleurs, parce qu'il est relativement simple de voir si le texte de loi passe ou non, on est donc directement capable de dire si la revendication a été remplie. À ma connaissance, ni les kinksters, ni les aces/aros/demi ne demandent de changement législatif. Même concernant les polys, je connais peu de gens prétendant demander l'ouverture du mariage à plus que deux personnes. À la limite, j'ai entendu la demande lié au fait d'étendre le statut de beau-parent, donner une sorte d'autorité à une troisième personne, mais ce n'est même pas spécifiquement une demande des polys, puisque c'est un problème qui concerne aussi les familles recomposées.

Groupe LGBT/Queer

Petit rappel, la question parlait de «faire parti de groupe LGBT». Et c'est pour ça que c'est dur de répondre à la question. Parce que je ne sais pas ce qu'est un «groupe LGBT», ou la «communauté LGBT». Si on prend au sens le plus restrictif, une personne cis (hétéro/ace et aro), n'est dans aucune des quatre lettres. C'est la définition, et ça ne nous apprend rien d'intéressant. Après tout, faire respecter les définitions et des normes n'est pas vraiment dans l'ADN des mouvements LGBT. Encore moins des mouvements queers.

Groupes informels.

On peut parler de groupe informel, des potes, des gens qui se rencontrent, s'apprécient. Il est courant que, une fois rejeté par son entourage, une personne LGBT s'entoure majoritairement d'un groupe de pote LGBT. J'ai pas non plus grand chose de pertinent quant à savoir si une personne aro/ace, par exemple, peut se faire plusieurs amis dans un tel groupe de potes. J'ai pas vraiment d'idée de comment on pourrait poser des règles à ce que doit être l'amitié.

Simplement, puisque certains de ces groupes sont uniquement homo, et vont rejeter bi et trans, la question des autres groupes est peu pertinente.

Concernant enfin les groupes formels, je connais trois buts à ces groupes.

La convivialité

Ici, on parle d'avoir un endroit où l'on peut passer un moment agréable sans se faire juger. C'est typiquement le cas du mag, qui organise maintenant des permanences spéciales pour les personnes aces/aros. Je concède que ça peut rendre plus difficile de maintenir un lieu safe pour tout le monde. Après tout, cela augmente le nombre de sujet sur lequel il ne faut pas commetre d'impair. Mais j'ai déjà argué que, de toute façon, un tel lieu ne peut pas être entièrement safe. Parce qu'un tel lieu accueil des nouveaux/elles et qu'on ne peut pas s'attendre à ce que quelqu'un, en plein questionnement, soit déjà totalement formé sur toutes les autres discriminations. Après, il faut voir quels sont les limites acceptables, et pas nécessairement tout accepter sous pretexte qu'une personne appartienne à une minorité. Mais après tout, ça tombe bien, ces lieux peuvent déjà avoir des règles, et des procédures pour exclure les gens qui ne respectent pas les règles, qui ne respectent pas les autres membres.

L'avantage pour les aces/aros/polys qui désireraient accéder à un tel lieu, c'est que ces lieux existent déjà. Il peut être considérablement plus simple d'utiliser ce lieu, plutôt que de devoir tout créer à partir de zéro. L'avantage pour ce lieu, c'est de pouvoir aider plus de personnes, ce qui est son but de base. C'est aussi que, avec des vécus différents, des ressentis différents, ses membres pourront entendre plus de témoignages, peut-être que des membres actuels, des membres LGBT, pourront découvrir d'autre manière de s'envisager.

La sensibilisation

C'est clairement le point que je maîtrise le plus. Et pour moi, il me semble évident que certains sujets peuvent être abordés en même temps que les LGBTphobies. Tellement évident que ça fait plus de deux ans qu'on les aborde. D'abord, parce que, si ce n'est pas nous qui leur disons qu'il y a des aces, aros, intersexes, alors je ne sais pas qui en parlera, quel association le fera. Or, on pense que c'est important qu'ils en entendent parler.

Pour les intersexes, on leur explique qu'on leur en parle parce que, certains seront futurs-parents, et qu'on préfère que les gens soient informés avant que ça n'arrive à leur enfant. Bien sûr, des gens à qui on a parlé était concerné, vu qu'on parle à des milliers d'élèves par ans. Mais pour l'instant, on n'a pas vraiment quoi que ce soit à leur dire directement.

Concernant les aces/aros, si certain-e-s sont concernés, ça peut aider d'entendre qu'ils/elles sont pas seul-e-s. En gros, on répète ce qu'une association d'ace/aro nous avait dit qu'ils auraient voulu entendre quand ils étaient ados. Et surtout, ça nous donne un angle pour aborder la question de la pression sociale lié au fait d'avoir des rapports. Aces ou pas aces, c'est utile d'entendre un point de vue qui n'est ni «il faut s'abstenir» ni «si vous ne le faites pas, c'est que vous êtes coincés». On en profite aussi pour parler de consentement à ce moment là.

Réciproquement, mélanger les aces/aros aux LGBTs durant les interventions à un énorme second avantage. Nous avons maintenant des intervenants aces/aros. En soit, c'est pas plus surprenant que le fait que nous ayons des intervenants cis/hétéro. Dans tous les cas, c'est cool, parce que ça permet de se répartir le travail, et que le nombre d'IMS par intervenant-e-s LGBT diminue. Pour dire ça autrement, c'est pas que j'aime pas faire de la sensibilisation, mais si quand on a une intervention à 8h30 du matin à 1 heures 30 de chez moi, je suis totalement ravi de laisser ma place à un-e autre intervenant-e, même si celui/celle-ci est pas LGBT. Et puis, après tout, il y a deux intervenant-e-s, donc ça n'empêche pas l'autre intervenant-e-s d'apporter un témoignage sur les questions LGB ou T.

Concernant les questions poly j'ai déjà indiqué que je pensais qu'il fallait les séparer. Parce que ça risque d’entraîner de la confusion entre poly et homo (alors qu'il me semble dur de mélanger ace/aro et homo). Je dirai la même chose pour les kinkster. Ça pourrait être cool de donner certaines règles de bases, du style «avant de tenter un truc nouveau, renseignez vous pour être sur de le faire sans risques». Simplement, je pense que ça doit être distinct des questions de LGBTphobie, pour éviter toute confusion. Pour la même raison que, durant les interventions sur les LGBTphobies, je n'aurai pas envie de parler de prévention contre les ISTs.

Les revendications

Concernant ce sujet là, j'aurai tendance à proposer de séparer les luttes. Typiquement, si, pour faire plaisir aux polys, le mariage/adoption à plus de deux étaient demandé en même temps que le mariage pour les couples de même genre, ça aurait probablement eu comme unique effet de bloquer tout changement. Ou peut-être que ça n'aurait rien changé, après tout, mélanger la revendications du mariage pour tous et celle de la PMA pour toutes n'a pas eu comme effet d'apporter la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes.

Certaines marches des fiertés ont mis en avant l'éducation, la lutte contre les discrimination chez les jeunes. Ou simplement, leur faire savoir que ces gens existent, même s'ils ne correspondent pas aux clichés habituels concernant ce que doit être un-e adolescent-e à l'éveil de ses hormones. Comme j'expliquais dans le paragraphe précédent, il me semble que ces revendications peuvent se mélanger. Et même si, après discussion, on conclu qu'il vaut mieux séparer les revendications, je maintiens qu'il ne me semble pas évident que ces revendications soient séparé.

La marche des fiertés

En France, ont dit Marche des Fiertés, plutôt que Gay Pride. Une des raisons étant que ça permet de lutter contre l’omniprésence des cis gay dans le mouvement, et rappelle qu'il y a d'autres gens, qui ont d'autres raisons d'être fiers. À ce moment là, il me semble cohérent de ne pas faire aux ace/aro/kinkster/poly/demi ce que les cis-gay ont déjà fait aux LBT.

Pour rappel, la marche des fiertés est, officiellement, une manifestation. Il y a un communiqué - des revendications. Je reviens donc à ce que je disais au paragraphe précédent: Soit ces groupes ont des revendications, qui ne s'opposent pas aux revendications LGBT. Dans ce cas, la convergence des luttes ne me semble pas absurde. Ou alors ils n'ont pas de revendication. Et ça fait toujours plus de monde à la manif', plus d'activités, plus de visibilité. Ce qui est - il me semble - un but des manifs'. La différence entre ces groupes là et tous les gens venus pour faire la fête, c'est qu'ils ont une banière en plus. Ça ne me semble pas bien grave de rajouter des bannières, du moins, tant qu'elles ne s'opposent pas aux revendications de la manifestations.

Notes

[1] asexuel

[2] aromantique

[3] polyamoureux

[4] pratiquant du BDSM, en gros

[5] Ceux qui n'ont pas d'attirance physique avant de bien connaître une personne. Le contraire du cliché des hommes qui se retournent sur n'importe quel belle personne pour son physique.

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