Lettre ouverte à une professeur d'ECJS

Je compte envoyer cette lettre à une professeur d'ECJS de mon ancien lycée. C'est une dame très aimable, dont j'ai malheureusement oublié le nom, mais que je croise souvent dans la rue[1]. J'avais d'une part envie de la partager. Et d'autre part, peut être, de recueillir vos opinions ou remarques.

Chère Mme L.

Il y a 5 ans, alors en première scientifique, vous avez été ma professeur d'Histoire-Géographie et d'Éducation Civique Juridique et Sociale. Je sais que vous vous souveniez de moi, nous nous sommes croisé régulièrement depuis. Aujourd'hui je suis en mastère d'informatique à l'École normale supérieure, ce qui m'a pas mal éloigné des matières que vous enseignez, il n'était de toute façon pas un secret qu'elles n'ont jamais été mon domaine de prédilection. J'aurais cependant une remarque à vous faire, que j'aurais probablement du faire bien plus tôt.

Durant le cours d'ECJS, vous nous aviez demandé de former des petits groupes et de choisir un sujet, je serai incapable de citer exactement le sujet 5 ans après, mais je me souviens très bien de l'idée, il s'agissait de l'homophobie, et si ma mémoire est bonne, de l'homophobie dans l'école.

Après avoir accepté l'idée, vous nous aviez demandé en premier lieu d'en changer, principalement car vous étiez effrayé de ce qu'on risquait de trouver en tapant des mots comme "homosexuel" sur internet. C'est sur ce seul point que je souhaiterai revenir, et tenter de vous donnez une idée de ce que ce choix peu avoir eu comme effet sur un jeune homme commençant à accepter qu'il préfère les garçons aux filles. Je ne déclare pas que ce qui suit sera logique, cette période de l'adolescence et ces questions n'ont aucune logique, je vous livre simplement les faits qu'il sont resté gravé dans ma mémoire. Je ne le fait pas tant pour moi que pour ceux qui seront peut-être vos futurs élèves et qui se trouveraient dans la même situation que moi et qui seront vos élèves, car après avoir fréquenté un certain nombre d'autres homosexuels je sais que les réactions sont souvent similaire.

Accepter d'être homosexuel n'est pas forcément évident, et être dans un école catholique n'est pas forcément un avantage, cette religion n'étant pas forcément connue pour être ouverte sur ce sujet. Par ailleurs, comme toutes les études semblent le montrer, (et mon expérience aussi) mentir ou se cacher est aussi très douloureux (je vous épargne le niveau des conversations d'adolescent au lycée, mais ne jamais parler de fille me mettait de facto à part d'une bonne partie des discussions de garçons, et pourtant j'aurais bien eu du mal à participer à leur conversation sans mentir ou dire que j'étais attiré par les garçons). J'ignore si ces informations se trouvaient dans mon exposé, mais si ce n'était pas le cas, elles auraient du, et je ne referai pas aujourd'hui ce qui aurait du être mon exposé de première.

Vous pensiez avoir le temps d'organiser des débat durant les cours, je peux le dire, le choix du sujet était un choix très réfléchi, il m'aurait permis de connaître l'opinion des autres élèves. Ce sujet d'ECJS était donc quelque chose d'extrêmement important pour moi (j'en veux pour preuve qu'il l'est suffisamment pour que je me souvienne de l'histoire 5 ans plus tard), et le fait que vous l'ayez annulé a été très douloureux- et quant je dis ça, j'entends vraiment que j'ai eu du mal à me retenir de pleurer avant d'avoir quitté l'établissement, ce qui s'est sur le moment transformé en colère à votre encontre. Je ne prétend pas que ce soit rationnel, je vous donne juste les fait, je suis d'ailleurs persuadé qu'il ne s'agissait pas d'homophobie comme me l'a fait comprendre l'anecdote suivante: Parlant de la seconde guerre mondiale et des déportés, vous aviez parlé des juifs et des tziganes, mais oublié les homosexuels. Vous le signalant, vous m'aviez reproché de ne pas l'avoir dit en cours et étiez désolé de l'avoir oublié.

Il y a beaucoup de commémoration pour les déportés juifs, et longtemps elles ont refusés de commémorer les homosexuels disparus, ce combat n'est d'ailleurs pas terminé. Je me permet de vous renvoyer à http://www.devoiretmemoire.org pour plus de détails, si j'en crois des témoignages lu, certains trouvaient insultant de comparer les juifs aux homosexuels. De mon coté, abordé le sujet en cours aurait encore plus attiré les soupçons sur moi, je n'étais pas sur de le vouloir, tout ceci expliquant pourquoi je n'ai pas osé le signaler en cours, et à quel point cela a été dur de simplement le dire après. Ceci explique aussi pourquoi il a été douloureux quand, sans forcément vous en rendre compte, vous avez demandé de taire ce sujet, ce qui arrive bien trop souvent.

Si ma mémoire est bonne, c'est vous qui nous aviez expliqué que, traitant de la décolonisation, il vous fallait parfois faire attention, car pour certaines personnes cela relevait plus de la vie personnelle de leur famille que simplement de l'Histoire avec un grand H enseigné en cours. Je vous demanderai simplement de faire attention de la même façon quant aux sujets traitant de l'homosexualité, car statistiquement, je ne suis sûrement pas le seul pour qui ceci était plus qu'un sujet de cours.

Respectueusement, Arthur MILCHIOR

P.S. Pour information, même si le débat n'a pas eu lieu, j'ai plus ou moins réussi à avoir l'avis de personne sur ce sujet, et finalement, malgrés quelques élèves ayant clairement exprimé leurs homophobie à mon égard, j'ai eu plus de soutient qu'autre chose au lycée, et je peux dire que je ne regrette pas d'avoir fait ce qu'on appelle un "coming-out".

Note

[1] quand je suis à Paris en tout cas

Commentaires

1. Le samedi 13 mars 2010, 20:14 par Typhon

Et l'accord du participe passé, monsieur, lui aussi il a été oublié parmi les victimes de l'histoire ?

Sinon, ma position sur le sujet est tranchée :

il faut absolument éviter toute remarque d'ordre moral, politique, ou personnelle dans un cadre scolaire, en vertu de quoi, on ne devrait pas enseigner l'histoire récente (post 1945), on ne devrait pas enseigner la géopolitique, et on ne devrait pas se préoccuper de morale et de politique durant une heure de cours, pour la bonne raison qu'il est impossible de ne pas laisser son opinion des choses troubler le tout.

En vertu de quoi, il ne devrait pas y avoir d'heures d'ECJS : tout est mauvais dans cette idée.

D'abord, l'éducation ne relève pas du ministère public, qui s'occupe d'instruction (et d'ailleurs, le débile qui a eu la riche idée de renommer le ministère de l'instruction publique en éducation nationale aurait mérité de finir sur un pilori), ensuite, le civisme ne peut pas s'enseigner, il est là ou non, suivant l'état de dégradation de la société, les mots "juridique et sociale" ne font partie de l'acronyme que pour le rallonger.

Et en plus, non seulement, à mon sens, c'est une fausse bonne idée, mais elle est appliquée avec toute l'hypocrisie qu'on pourrait attendre d'un service public, et le "débat" est généralement fortement orienté selon la vision politiquement correcte en vigueur, à supposer qu'il ait l'occasion d'exister.

La façon la plus saine d'utiliser les heures d'ECJS, c'est encore d'en faire des heures d'histoire supplémentaires.

Enfin ce que j'en dis moi...

Typhon

2. Le samedi 13 mars 2010, 23:34 par Arthur Rainbow

Pour les fautes de français, j'accepte toute remarque.
Pour le contenu du programme scolaire, c'est totalement hors sujet.

3. Le lundi 15 mars 2010, 20:44 par LCF

"La façon la plus saine d'utiliser les heures d'ECJS, c'est encore d'en faire des heures d'histoire supplémentaires."

Je suis complètement d'accords!

4. Le jeudi 18 mars 2010, 09:42 par N

Troll ?

D'où vient l'idée qu'un prof devrait nécessairement laisser transpirer ses émois «moraux, politiques, personnels» s'il enseigne l'ECJS et «l'histoire récente» ?

Et puis, en fait, je ne vois pas bien le problème dans le fait, en soi, qu'un enseignant donne son opinion. Des tas d'autres gens donnent aussi leur opinion. Quel mal à cela ? Si bien sûr, il présente sa propre opinion comme étant un fait historique indéniable, c'est abominable. Mais comment faire pour qu'un enseignant ne donne jamais son avis, même de façon anodine ? Ce ne sont pas des robots...

D'ailleurs, pas qu'en ECJS : tout est politique, moral, etc. Si un enfant fait une bêtise, on le punit : c'est moral. Quand on parle de l'IVG en SVT au lycée à une jeune qui a avorté : c'est personnel. Si je traduis en latin un texte de Cicéron qui trouve «inhumain» de ne pas offrir un toit aux étrangers de la Cité, c'est politique. Vouloir faire de l'apolitique, de l'amoral, etc. reviendrait à vider de sa substance la plupart des matières enseignées. Dans cette belle école, avec quoi instruire ?

5. Le jeudi 18 mars 2010, 10:29 par Arthur Rainbow

Tel que je commence à connaitre Typhon, il doit être sérieux.
J'ai l'impression parfois qu'il croit que les gens sont des robots, et devrait être capable de totalement séparer boulot/étude du reste de la vie, et ne créer aucun lien.

Mais, c'est bien que tu reconnaisses des trolles N, maintenant, il faut juste que tu apprennez à resister au reflexe de les nourrir !

(Plus sérieusement, je préférerai un commentaire sur le billet plutôt que sur la réponse de Typhon)

6. Le vendredi 19 mars 2010, 15:53 par JJrousseau

Alors moi, je suis pour l'ECJS, je suis pour l'enseignement de la citoyenneté, je suis pour une formation accrue des profs, je suis contre l'utilisation des heures d'ECJS à des fins de rattrapages du programme d'histoire, et enfin :

j'emmerde l'ancienne prof d'Arthur qui mérite qu'on lui foute un peau de moutarde pimentée dans le vagin

JJR, vachement pas radical