Aimer n'est pas transitif

Compersion: «La compersion est un état empathique de bonheur et de joie expérimentée lorsqu'une autre personne que soi vit ces sensations. »

J'ai rarement été aussi perplexe qu'après avoir appris ce mot. Je suis compersif. Si j'aime quelqu'un, je ne suis jamais aussi heureux que quand j'apprends qu'il l'est, y compris si ça veut dire qu'il est en couple[1]. Donc, je me projette et cherche à comprendre: Comment peut on ne pas aimer ce qui rend heureux quelqu'un qu'on aime?

Note

[1] et ce n'est pas avec moi

Je vais prendre un exemple: Alexandre aime Benoit qui aime Carole[1]. Benoit va voir Alexandre et lui dit en souriant que Carole a accepter de sortir avec lui. Puisque Benoit sourit, normalement Alexandre est heureux, non ? Pourtant toute la culture romancière dit que non ! La jalousie est non seulement considérée comme normale, elle est même un sentiment bien vu.

Bien sûr, je suis forcé d'admettre que l'on ne contrôle pas ses sentiments, ce que l'on ressent. Je ne vais pas demander à quelqu'un de m'expliquer pourquoi il est triste que celui qui aime soit heureux. Ce que je ne comprend pas est qu'on en ait pas honte. Pour prendre un autre exemple, il y a 2 personnes au monde que je hais, quand je pense à eux, le premier réflexe qui me vient est l'envie de les frapper. J'en suis pas fier. Je peux rationaliser en expliquant que j'ai (trop) longtemps essayer de discuter, que ça n'a jamais marché, qu'ils m'ont fait perdre trop, en temps, en argent et en énervement. Mais de toute façon, je ne suis pas fier du fait d'avoir cette envie. Eh bien la nuance que je cherche à comprendre est pareille: je ne demande pas pourquoi on ne souhaite pas voir celui qu'on aime heureux[2], juste pourquoi est-ce qu'il est normal de ne pas le souhaiter heureux.

Alors, je peux totalement comprendre que Alexandre soit triste que Benoit ne l'aime pas/plus, avoir une envie non assouvie est désagréable. Mais si Benoit était célibataire et n'aimait pas Alexandre, la situation serait la même, la présence de Carole ne change rien au tout.

Bien sûr, il y a la possibilité que Benoit ne soit pas avec Alexandre parce qu'il est avec Carole. Sous-entendu, parce que Benoit ne peut sortir qu'avec une personne à la fois. Mais que dans l'absolu, Benoit aime aussi Alexandre. Dans ce cas, il me semble que le problème, ce n'est pas Carole non plus, c'est l'hypothèse: «Benoit ne peut sortir qu'avec une personne à la fois». Qui peut venir du fait que Benoit ne connaisse pas la notion de polyamour, ou qu'il a peur de l'assumer, car c'est dur à vivre et expliquer. Et dans ce cas, le problème n'est pas Carole, c'est le fait que la notion et l'acceptation du polyamour soit si peu répandu. Ou alors Benoit connaît, pourrait assumer, mais n'en a pas envie, alors, encore une fois, c'est Benoit le responsable et pas Carole. Dernière possibilité, le polyamour est connu, accepté par Benoit, mais Carole ne le souhaite pas. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, je peux comprendre qu'Alexandre en veuille à Carole.

Simplement, ma question reste la meme, mais au lieu de s'adresser à Alexandre elle s'adresse à Carole. Je ne comprend pas comment Carole peut aimer Benoit et refuser quelque chose d'important[3] qui lui ferait plaisir. Et dont le coût pour Carole, sans être nul, ne serait pas nécessairement incroyablement élevé. Si tout est bien organisé, Benoit devrait rapporter ni maladie, ni enfant imprévu; je veux dire, on ne parle pas de Benoit qui quitte Carole, juste qu'il passe du temps avec une autre personne, tout comme, on pourrait espérer, il peut passer du temps avec des amis ou a une passion.

Un autre point que je trouve désagréable est que je suis totalement conscient que cette question semblera étrange à la plupart des lecteurs, - sauf si le billet tourne dans une communauté polyamoureuse[4]- l'expérience me montre que ce qui me semble étrange est tellement évident pour tout le monde que c'en est probablement incompréhensible.

Notes

[1] A,B,C...

[2] avec quelqu'un d'autre, mais je ne répéterai pas cette note de bas de page à chaque fois

[3] Je précise d'important, car je comprend parfaitement qu'on puisse ne pas avoir envie d'une pizza, un soir où Benoit pensait en commander une, par exemple, où de ne pas avoir envie de rapport à un moment où Benoit en veut. Mais ici, il s'agit d'une décision à plus long terme, et il me semble, plus importante, que simplement savoir ce qui se fait un soir donné.

[4] Et vive les cafés poly

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Fil des commentaires de ce billet