Café monoamour

Je suis membre de SOS Homophobie et du Mag Jeunes LGBT, et participant de temps en temps au café poly.

Il y a des lieux de réunions - de réunion et pas de rencontre, c'est important de préciser - pour parler de sujets concernant une minorité de la population. Mais les gens dans ces lieux ne sont pas que des membres de cette minorité. Il y a des militant cis-hétéro pour les LGBT, et il y a aussi des curieux. J'ai vu passer un certain nombre d'étudiant pousser la porte du mag pour faire un mémoire sur diverses question relative à l'homosexualité des jeunes. J'ai participé récemment à une étude d'un anthropologue sur le polyamour, et même (En note de bas de page, une autre activité similaire mais que certains peuvent préférer ne pas lire car plus intime)[1].

La curiosité des gens poussant la porte de ces lieux sans être concerné n'est pas que académique, j'ai déjà vu un monoamoureux au café poly car il souhaitait mieux comprendre sa copine polyamoureuse. Je suis assez perplexe sur la démarche, par exemple, parce que ça permettra de comprendre la notion de manière générale, et pas forcément son amoureuse. En tout cas, quand j'ai lu des textes sur l'asexualité pour mieux compendre une personne asexuelle dont j'étais amoureux, j'ai réalisé que, à la fois, j'en savais plus que lui sur les différentes questions liés à cette notion, les différents types d'asexualité, de couples que des gens asexuels ont formé, soit entre eux, soit avec des gens non asexuels... et qu'à la fois je ne comprenai pas forcément beaucoup mieux cette personne et les manières d'interagir avec lui. Puisque ce qui était important était pas la notion, juste de savoir ce avec quoi il était confortable ou pas. Et en fait, c'est une question qu'il faut se poser en permanance, pas qu'avec un-e asexuel-le. Bref, si ma lecure a sûrement amélioré ce que j'ai pu dire sur cette notion en IMS, ça n'a pas du tout atteint son but initial.

Mais en vrai, je suis surtout jaloux de ce monoamoureux qui pouvait aller au café poly[2]. Parce que si moi je suis curieux, je ne connais nul part où aller. Pas de «café mono», pas de «mouvement d'affirmation hétéro» (d'ailleurs, je serai assez inquiet à l'idée de gens qui prennent le temps de créer une telle association). Il y a bien des livres sur les couples mono-hétéro, mais il me semble que, soit c'est les livres pour expliquer l'amour et le sexe aux enfants, soit c'est de la psychologie, soit c'est des guides de self-aide pour les gens déjà en couple ou qui veulent l'être. Bien sûr, j'ai un certain nombre d'ami et de connaissance que je suppose être mono et/ou hétéro[3], mais ça serait étrange de leur poser des questions sur le monoamour, puisque c'est déjà sensé être la norme. Qu'ils peuvent donc supposer que toutes mes questions ont des réponses évidentes. Qu'ils ont pas forcément cette habitude que je peux avoir acquis avec les IMS et avec les gens indiscret, (et avec ce blog et le stand-up ?) de répondre à des questions intimes.

Notes

[1] J'ai participé à une étude hospitalière sur la douleur, s'intéressant aux masochiste pour voir s'ils pouvaient découvrir chez nous des moyens pour faire que la douleur soit moins désagréable aux patients. Ceci dit, je pense que ma participation a été une perte de temps et d'argent pour eux, puisque l'étude était totalement hétérocentré, et que me montrer l'image de vieil homme dominé par des femmes, c'était pas forcément ce qui réveillerait le plus mon côté masochiste. D'autant qu'ils devaient quantifier les limites du sujet à certaines douleurs, et les réglages de sécurité des machines ne leur ont pas permis d'atteindre ma limite dans certains cas.

[2] Oui, on peut être poly et jaloux, c'est absolument pas incompatible

[3] En général je ne sais pas s'ils le sont vraiment puisqu'ils ne se définissent pas comme tel

Je donne un exemple de question, ça sera peut-être plus clair. Durant l'étude, l'anthropologue m'a demandé comment je définissais le polyamour. J'ai répondu «Quand ma copain a été amoureuse, j'ai été sincèrement ravi que son amour lui soit rendu par celle qui l'intéressait.» Ce n'est pas une caractérisation du polyamour en général parce qu'il y a des polyamoureux qui sont jaloux - qui justement cherchent à lutter contre cette jalousie parfois. Mais à titre personnel, c'est ce qui me convainc d'utiliser le terme polyamour, le fait qu'il aille de soi pour moi que mon copine puisse aimer d'autres que moi. C'est pour ça que j'utilise ce mot là, et pas le mot de couple ouvert ou d'échangisme. Bref, pour moi, si on respecte cette définition, on est sûrement polyamoureux, donc ça suffisait pour mon témoignage...

En passant, c'est extrémement étrange pour le matheux que je suis, de me demander de définir ce qui est son sujet d'étude. Puisque c'est son sujet, je m'attendrai à ce qu'il sache le définir. Ça ne me viendrai pas à l'esprit de demander à quelqu'un «comment tu définis la logique de Presburger» après avoir passé des mois à l'étudier[1]. Et de manière général, il m'a convaincu que je suis content d'être en informatique, ne serait-ce que parce que je n'ai JAMAIS eu besoin de transcrire une heure de conversation avec quelqu'un qui parle vite et saute du coq à l'âne !


Puis j'ai repensé à ma définition plus haut. Et je réalise que je n'ai aucune idée de si cette définition correspond uniquement aux polyamoureux. Est-ce qu'il y a vraiment si peu de gens en général qui respectent cette définition[2] ? Et pourtant, je trouverai très étrange de demander à une amie A, «comment tu réagirais si ton copain, B, tombait amoureux de quelqu'un C (avec C différent de A), et que C lui retournait cet amour.» La seule chose qui me laisse supposer que la réponse est «je réagirai mal», c'est la littérature, les séries, bref, la fiction. Utiliser la fiction comme référence est potentiellement pertinant, puisque la fiction repose souvent sur la réalité, qu'elle modèle la réalité. Mais ce n'est pas une preuve car la fiction repose aussi sur ce qui est communément admis et pas sur ce qui est vrai. Certes, demander à des amis leurs opinions ne me donnerait pas non plus la réalité, puisqu'il y aurait un énorme biais de représentation.

Après, y a sûrement une part de timidité de ma part, qui m'empêche de poser cette question. J'ai remarqué être timide après avoir entendu la discussion suivante :
«D: J'ai invité E et F à mon mariage
G: Tiens, E est avec F ? Je ne savais pas qu'il avait rompu avec H. Ou qu'il avait plusieurs copine»
G a remarqué que sa réponse m'a fait tressaillir, mais j'ai trouvé trop bizarre de dire «merci» juste parce qu'il a envisagé le polyamour comme une possibilité chez quelqu'un qu'il n'avait pas de raison de supposer polyamoureux. Parce que, à la fois, il a objectivement pas fait grand chose, mais à la fois c'est tellement rare que ça fait du bien d'entendre ça.


La question que tu te poses peut-être depuis quelques paragraphe pourrait être «Mais pourquoi diable est-ce que ça t'importe de savoir si y a si peu de gens qui seraient ravi de voir leur amoureux lui même amoureux de quelqu'un d'autre.». En tout cas, c'est la question que je me pose en écrivant ce billet. Il y a d'abord une part de pure curiosité. Mais surtout, j'ai des petits problèmes de communication parfois, ainsi quand je dis «la copine de mon copain» ou encore «mes copain/ine» ça a surpris des gens, qui ont donc posé des question, au minimum pour vérifier s'ils ont bien entendu ce que j'ai dit, et parfois pour savoir s'ils ont bien compris ce que j'ai voulu dire. Et c'est compliqué pour moi de savoir comment expliquer si je ne sais pas ce qui est inhabituel et ce qui est courant. De même que je n'expliquerai pas ma recherche de la même façon a un autre informaticien qu'à une personne croisé à une soirée, j'aurai besoin de savoir quel est la pensée de mon interlocuteur sur l'amour avant de lui dire pourquoi je m'intéresse au polyamour. Mais la question étant plus personnelle, c'est plus délicat de lui demander ce qu'iel pense[3].

Eh puis, surtout, le café poly, ça permet d'entendre ce que les poly disent entre eux quand ils découvrent ces notions. Ça permet d'entendre ce qu'ils se posent comme questions lié au fait qu'ils sont poly. Et même si j'avais après ce billet un-e ami-e qui me dit «pose moi les questions que tu veux», je serai toujours jaloux du monoamoureux plus haut, car, il manquerait dans les réponses que j'aurai la part de spontanéité qu'il y a au café poly grâce au fait que les gens discutente entre poly.

Notes

[1] à ce sujet, ça fait des semaines que j'ai un billet sur la logique dans mes brouillons, que j'arrive pas à finir.

[2] J'avais d'abord écrit «est-ce qu'il y a si peu de monoamoureux qui respectent cette définition», mais j'ai reformulé, car je n'ai pas envie de découper le monde en «monoamoureux» et «polyamoureux».

[3] Même si j'en ai probablement le «droit» vu que c'est lui qui a commencé. Mais en général, utiliser cet argument, la notion qu'iel se permet de faire quelque chose qu'iel m'interdit, ça ne fait pas avancer la discussion. Et discuter de polyamour n'implique pas que je veuille discuter de la notion de checker ses privilège.

Commentaires

1. Le vendredi 13 novembre 2015, 08:11 par Athreeren

Donc baigner dans une culture à tel point que beaucoup ne considèrent même pas qu'il puisse y avoir des modes de vie alternatifs, ce n'est pas suffisant pour comprendre cette culture ? D'ailleurs, toutes ces personnes qui te prennent pour un expert des relations gay et poly, tu ne peux pas simplement leur retourner la question ? Après tout, tu es aussi curieux qu'eux sur la façon dont ils vivent leur relation. Et puis, si la question les dérange, il leur suffit de ne pas répondre ; je comprends qu'il puisse être gênant d'aborder la question de but en blanc, mais il n'y a rien d'inapproprié à s'intéresser à la vie d'autrui quand ils montrent le même intérêt pour la tienne. En tout cas il me semble que tu as des préjugés quant à la réaction des personnes mono, et je pense qu'il serait intéressant pour toi d'essayer d'aborder ces sujets dans n'importe quel cadre où discuter de relations amoureuses (quelles qu'elles soient) semble acceptable.

Ce qui m'étonne par rapport à la fiction, c'est que l'adultère soit si souvent abordé, mais presque jamais la possibilité d'être poly, qui me semble beaucoup plus saine.

2. Le vendredi 13 novembre 2015, 13:10 par Herisson

Voilà un billet très intéressant =) Je trouve ta façon d'être polyamoureux très belle (tu vas me dire que tu ne la choisis pas, mais ça n'empêche pas ^^). Ca m'attriste parce que je me suis retrouvée dans la situation presque exacte «comment tu réagirais si ton copain, B, tombait amoureux de quelqu'un C (avec C différent de A), et que C lui retournait cet amour.», je peux donc te répondre avec une douloureuse exactitude. On s'est retrouvés, dans la même pièce, tous les trois, à chercher la solution. On a tourné et retourné la situation. Après avoir vidé notre sac des moments douloureux (parce que n'étant pas dans une relation ouverte, B m'avait trompé avec C une de mes meilleures amies), on a passé un très bon moment, tous les trois. La possibilité d'entamer une relation polyamoureuse a flotté dans les airs, a été évoquée, mais pour nous trois c'était complètement impossible, malgré la compatibilité de notre trio. On savait qu'on ne pouvait pas vivre une relation poly. Que C aurait été jalouse de moi et aurait eu l'impression de vivre une fausse relation avec B (c'est elle qui l'a exprimé le plus clairement) et B et moi aurions eu le même sentiment. Mon histoire avec B s'est achevée, il a commencé une histoire avec C, et je n'ai pu que leur souhaiter qu'elle soit belle et vivre avec mes blessures comme ils vivent avec leur culpabilité. Ma réponse n'est évidemment pas celle de tous les monoamoureux, mais pour te donner une idée, les personnes (monoamoureuses, à ma connaissance) au courant de toutes l'histoire ont jugé que j'avais incroyablement bien géré les choses et que j'avais été admirable de leur dire de tenter leur chance tous les deux, et de rester en bonne relation avec les deux. J'ai comme l'impression que nous monoamoureux confirmons les clichés de la fiction. Je me dis que dans d'autres circonstances, avec d'autres personnes, je pourrais peut-être vivre une relation poly. Affaire à suivre un jour peut-être =)

3. Le vendredi 13 novembre 2015, 15:13 par Arthur

Des clichés, j'en ai, c'est évident. Paradoxalement, je m'en suis rendu compte quand j'ai entendu un polyamoureux en sortir dès si énorme que j'en suis venu à me demander s'il avait jamais discuter avec un couple. J'ai réalisé que je devais pas être épargné non plus.

C'est bien pour ça que j'écris ce billet.

Et non, je ne pense pas cela suffisant pour comprendre la culture. En tout cas, pas si je pense qu'il y a une différence entre le vécu des gens et ce qui est montré. Justement car il y a plein de cliché et de norme, mais que ce n'est pas parce qu'il y en a que ces normes sont respectées.

Merci @Herisson du compliment.

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