Questions sur les représentations

Je me pose quelques questions depuis un moment. Un problème régulier des minorités est le manque de représentation. Je ne parle pas de représentation biaisé, car ça, ça arrive à tout le monde. Dans certains cas le biais est théoriquement positif, en tout cas valorisé, mais il existe quand même.

Parfois, le remède est théoriquement simple, montrer plus de personne ayant tel couleurs de peau, sans les coltiner à des rôles stéréotypé. On peut montrer des femmes qui ne restent pas dans les rôles traditionnellement féminin, sans se sentir forcé de commenter sur ces points peu courants.

C'est un cas presque idéal, on peut avoir des héros de ces minorités, des personnages secondaire de ces minorités, et le fait d'être dans la minorité ne sera pas important pour l'histoire. Juste, ça se voit, augmente la représentation et casse l'image, le cliché, associé à la minorité.

Je disais théoriquement simple, car en pratique ça ne l'est pas. Que ça soit parce que les producteurs à gros budget disent ne pas vouloir faire un film de niche (car si le héros n'est pas un homme blanc hétéro, etc... c'est de niche.) L'exemple qui a beaucoup parlé récemment, c'est Exodus, ou la couleur de peau des héros est impossible. Et que si un personnage n'est pas conforme à ses stéréotype, la question sera posé à l'auteur, pourquoi il a choisi cet acteur, est-ce qu'il a un agenda, une lutte, qu'il veut faire passer dans son film. Typiquement, pour le nouveau Ghost Buster, avec des femmes, des «gens»[1] ont dit : ok, mais on en veut un nouveau avec des hommes. Que c'est du politiquement correcte, que ça ne respecte pas l'originale.

Le dernier point, théorique aussi, c'est qu'une histoire comporte ce qui est dit, et ce qui est sous-entendu. Ainsi, la musique d'un film: Le thème du héros/du méchant, peut laisser deviner quelques secondes avant l'entrée à l'image qu'il apparaîtra, que le méchant est caché au coin du couloir, ou que ce gentil personnage en fait, c'est le méchant qu'on cherchait depuis le début du film. Un changement d'éclairage peut faire comprendre qu'un truc grave se prépare. Il suffit d'écouter les épisodes de François Pérusse pour voir l'importance de la musique. Une musique de cirque pendant que le grand méchant raconte son plan finale, ça ne passe pas. Il y a un problème. Eh bien, dans les cas dont je parle, on tombe dans le même souci. Aussi peu raciste qu'on soit, vu qu'on arrête pas de nous montrer quel tel type de personne est voleur, et que tel type de personne se bat pour la justice, si on cherche à ne pas les confiner à ses rôles là, à inverser, il y a, même subconsciemment, un décalage, quelque chose qui va gêner. Donc il n'est en vrai pas possible de faire ce changement comme si de rien n'était, sans avoir la volonté explicite d'aller dans cette direction.


Il y a des fois où les questions est un peu moins simple. Faut-il montrer la personne ou le personnage ? C'est une chose de montrer un fauteuil roulant, une canne blanche, une personne en train de parler la langue des signes. Ça peut faire passer un message, faire réfléchir. Ça peut aussi être un détail parmi d'autre, d'un personnage, histoire de le montrer sans que ça soit important dans l'histoire, d'habitué à ce que des gens de cette minorité apparaissent, qu'ils ne surprennent plus.

Mais en pratique, des acteurs valides sont souvent choisis même pour des rôles d'invalides, ce qui fait que finalement, les jeunes n'auront pas de modèles à qui s'identifier, d'espoir de se dire: moi aussi je peux faire de la télé/du cinéma. D'où l'intérêt d'avoir des personnes, et pas que des personnages, de ces minorités.

Bien sûr, à part les acteurs, il y a plein d'autres types d'artistes. Zach Weiner est connu pour essayer de mettre pas mal de type de personnages différents dans ces strips. Ce qui m'ammène à un autre problème:


Il y a des cas qui semblent vraiment compliqués. Zach représente des couples gays, hétéros, lesbiens, donc on sait qu'il y a des persos non hétéros. Même que ça n'a pas d'importance dans ses histoires, qui sont juste des histoires de couples. Mais comment représenter quelqu'un de bisexuel ?

C'est possible s'il y a une évolution. Willow, dans Buffy, a eu un copain, puis une copine. Selon wikipédia français elle s'est découverte lesbienne, selon l'anglais elle a dit qu'elle aimait une femme mais n'a jamais prononcé le mot lesbienne, ce qui peut laisser entendre qu'elle est bie. C'est donc visiblement très dur d'imaginer qu'un personnage est bi quand il y a une évolution. Mais si on sait que les bi existent, on peut le voir. En fait, il faut que le personnage soit comme Jack Harkness et flirte avec les deux genre régulièrement pour dire aux gens «oui, il est bien bi»[2].

Dans ces deux cas, les personnages sont important durant plusieurs saisons ou ont leur propres séries, ça laisse du temps pour développer le background. Mais on ne veut pas forcément toujours développer le background. C'est quoi le background d'un personnage de strip comic ? Donc, sauf avec un flash back ou une phrase explicite sur ce sujet, le personnage peut être bi sans que qui que ce soit le sache. Donc il y aura moins de représentation des bis.

Je parle de personnage, mais le même problème se pose avec les personnes. Ainsi je connais une humoriste bie qui commence à monter un peu, qui ne le dit pas publiquement. Et il n'y pas d'obligation à le dire, mais ça entraîne un manque de visibilité. Et quand bien même elle avait une copine et en parlerait, ça serait encore pas évident pour les gens qu'elle soit bie et pas lesbienne.

Bref, ça semble être dur de faire une représentation de bie juste en passant, sans que ça soit un détail important de l'histoire, on n'est plus dans les cas développés plus haut.


Je continue, les trans ? Pour les personnage, le problème sera le même que pour les bis. La représentation ne peut pas être faite juste en passant, ça doit être un sujet explicite de l'histoire du personnage.

Mais en plus pour les personnes, il y a beaucoup de trans qui ne veulent justement pas faire savoir qu'elles sont trans. C'est pour ça qu'il ne faut jamais «outer», dire aux gens qu'une personne qu'on connaît est trans. Pour le coup, ça peut ramener intellectuellement la personne à des souvenir d'avant la transition, à la dysphorie. Ça peut aussi créer des réactions néfastes de la part de personnes transphobe qui apprendrait l'information, beaucoup de gens ne verraient plus cette personne d'un bon œil.

Je connais au moins une chroniqueuse/humoriste, qui parle pas de ça dans son one-woman[3], ni dans la plupart de ses chroniques. Donc la représentation ne vient pas que de l'absence de ces personnes dans le milieu public. Cependant, personne n'a l'obligation de dire publiquement des informations privé, il n'y a aucun mal à ne pas le dire sans arrêt dès qu'on est en public, c'est même le répéter sans arrêt qui serait étrange.

Donc, j’entends qu'il est regrettable de ne pas avoir de représentation, mais je n'arrive pas à imaginer comment elle pourrait exister.


Enfin, le cas qui me laisse le plus perplexe. Les personnes asexuelles ? aromantique ? Non binaire, mais sur qui ça n'influe pas sur les interaction, sur la vie de tous les jours ?

J'ai entendu des tas de rumeurs sur Tintin et la Castafiorre, sur Tintin et Haddock. Et si Tintin était aromantique ? On peut faire des histoires sur des gens qui cherchent à être en couple. Sur des gens qui cherchent à coucher. Mais on ne fait pas d'histoire sur des gens qui cherchent à ne pas coucher[4]. Les héros ont un but à atteindre, et rester célibataire n'est pas un but. À part pour échapper à un mariage forcé, mais encore une fois, on sort de la question des aromatiques.

Le scénario de Shades of A repose explicitement sur la question d'asexualité, parce que l'on voit le questionnement du héros. Comme je disais plus haut, si le héros parle de lui, alors on peut voir la minorité. Mais comment représenter quelqu'un d'asexuel dans une histoire dont ce n'est pas le sujet ? On montre que James Bond est hétérosexuel en le mettant au lit avec une femme, et pourtant, ce n'est pas le sujet principale de James Bond, il doit aussi sauver le monde. Mais comment montrer qu'un héros est asexuel sans s’appesantir sur ce sujet ?


Toutes ces questions me semblent fondamentale ! Pour lutter contre les oppressions, l'image est fondamentale. Changer l'image ne se fait pas seul et les artistes et les personnes public ont un rôle à jouer. Mais dans beaucoup de cas je n'arrive pas à imaginer comment le jouer, dès qu'il s'agit de questions moins classiques que le racisme ou le sexisme. Dès qu'il s'agit de minorité invisible.

J'ai vu plein d'œuvre sur ces sujets, c'est génial qu'elle existe, elles peuvent aider les gens concernés, encore faut-il qu'ils tombent dessus. Mais c'est toujours explicitement sur ces sujets, donc des choses qu'une personne pas concerné et pas curieux n'ira pas forcément chercher par lui-même. Or il faut aussi que les gens non concernés les découvrent, de manière à ne pas être surpris en rencontrant des gens concerné, et donc qu'ils n'aient pas le réflexe des gens surpris, qui est de poser des tas de question indiscrète pour comprendre ou pour faire rentrer l'autre dans une des cases qu'il connaît. Ce contre quoi lutte -avec plus ou moins de succès- le fait de représenter différentes minorité dans pleins de films et séries.

C'est aussi une vraie interrogation personnelle. Je continue d'écrire des trucs.Ça m'intéresse de parler de ces différents sujets, ou au moins de les intégrer dans ce que j'écris, et c'est un endroit où je bloque totalement.

Notes

[1] Qui?

[2] Encore que certains pensent qu'il est omni, car il aime aussi les extraterrestres.

[3] Plutôt, il y a une blague qui peut laisser deviner, mais si on le sait pas, c'est pas clair.

[4] Sauf si c'est sur quelqu'un qui cherche à échapper à son violeur, mais on sort totalement du cadre de la question asexuelle.

Commentaires

1. Le mercredi 15 avril 2015, 00:08 par Athreeren

"Je connais au moins une chroniqueuse/humoriste, qui parle pas de ça dans son one-man"
Je crois que dans ce cas, le terme "one-man" est vraiment problématique.

2. Le mercredi 15 avril 2015, 00:44 par Arthur Milchior

Corrigé. J'ai honte. Je le dis usuellement aussi bien pour les hommes que les femmes, mais t'as totalement raison. Merci énormément.  Et j'en profite pour répondre à ta question sur «général ou particulier»

3. Le dimanche 19 avril 2015, 20:32 par Typhon

« comment montrer qu'un héros est asexuel sans s’appesantir sur ce sujet ? »

Et bien, s'il a des soupirants et qu'il ne retourne jamais leurs affections, ça peut être un début. Y a quelque personnages comme ça dans les mangas shonen.

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