Est-ce qu'un one-man-show est une suite de sketch ?

Je viens de me rendre compte qu'un sujet me tient à coeur concernant l'humour, qui explique à lui seul l'abandon de Je d'ego, et je l'ai à peine évoqué ici.

Est-ce qu'un one-man-show est une suite de sketch ?

Posé comme ça, normalement la réponse est simple, c'est "oui" ou "non", selon les one-man.

Chez Raymond Devos ou les Inconnus, c'est clairement une suite de sketch. Même s'il y a en plus parfois des gags récurrents, des références à des sketchs passés qui ne seraient pas comprise prise isolément.

Chez les stands-up, c'est aussi une suite. Suite de stand-up, pas de sketch, il n'y a pas de découpage aussi clair, il n'y a pas de noir ou de musique pour marquer les pauses, mais on voit encore une succession de sujet abordé par l'artiste.

On pourrait comparer ces styles aux spectacles de chansons. À part pour les "albums concepts", comme L'homme de Mars de Kent, ou Les aventures de Simon et Gunther de Balavoine, la plupart des albums et des spectacles de chant ne forment pas une histoires. Il s'agit d'une suite de chanson sans rapport sémantiques les unes avec les autres. Il peut y avoir d'autres rapports, par exemple un spectacle de chanson d'un parolier particulier, un spectacle reprenant les chansons du dernier album paru, mais parfois c'est juste un choix de l'interprète qui pioche ce qui lui plait et lui parle le plus dans l'immense répertoire de la chanson française.

Seulement, toute suite de chanson ne ferait pas un bon album ou un bon spectacle, il faut savoir équilibrer, doser, assez d'émotion, de sentiment, de rire aussi, rajouter quelques mots entre deux chansons ou au contraire enchainer sans pause. De même, il est dur de considérer qu'un one-man est une simple succession de sketch.

Dans certains cas, on peut avoir une histoire de fond qui justifie la succession des sketchs. Mais il ne me vient surtout des exemples où l'on voit assez facilement que l'histoire est un prétexte pour placer les sketchs[1].

Ou alors on peut avoir une histoire qui s'insère entre les sketchs. J'ai vu un très joli exemple dans le spectacle d'Aurélia Decker - je n'en dis pas plus pour ne pas spoiler - ; et sinon Pierre Palmade avait un spectacle avec un siège vide au premier rang, il passait tout son temps entre les sketch à savoir pourquoi la personne était absente, craignant au début qu'elle soit en retard, puis qu'elle ait une accident, et à la fin il était persuadé que si elle n'était pas venue, elle devait être morte.

Enfin, il y a des one-man qui sont une seule histoire. L'histoire elle même pouvant être découpée en sketch, comme pour la Rentrée d'Arlette, l'excellent one-woman-show de Zidani. Ou alors elle peut ne contenir aucune pause, comme l'émouvant Que ma joie demeure d'Alexandre Astier[2] ou le touchant Modèle déposé de Bruno Belvaux, interprété par Benoit Poelvoorde. Mais j'en connais certains qui refusent le qualificatif de "one-man-show" à ce genre d'oeuvre, malgré la présence d'un unique artiste sur scène, car ça s'éloigne trop des us et coutume de ce style.

Ce classement est bien sûr totalement ad-hoc, il n'y a pas de frontière fixe.

L'avantage du sketch, c'est qu'il est idéal pour faire sa publicité; sur une scène ouverte, sur un plateau d'humoriste, sur internet, on montre un petit bout et si ça plait le public viendra voir le reste - ou pas. En plus à la télévision, à la radio, dans les meetings on peut vendre de l'humour à la minute.

L'inconvénient, c'est que j'ai vu des humoristes que j'adule, excellent dans quasi tous leur sketchs, mais qui devenait lassant sur une heure. Il n'y a RIEN à jeter, tout est parfaitement travaillé, mais tout est aussi trop uniforme, au bout d'une demi heure il n'y a plus de véritable surprise. Pour dire ça autrement, on a une énumération de sketch parfaits, et je n'aime pas les énumérations.

Et je n'ai jamais vu d'histoire qui tombait dans ce travers, mais d'un autre côté, j'ai vu peu de one-man qui soient vraiment une histoire. Quoi qu je pense que c'est un des points fort qui font que le one-man-show de Yonathan, l'histoire d'un juif qui avait un prépuce est le meilleur que j'ai vu de ma vie[3] et que Julie Villers est folle se classe dans les 5 meilleurs. Et pourtant je ne dirai pas qu'ils sont mes humoristes préférés, car sur 5 minutes, je suis plus fan d'Albert Meslay ou de Garnier & Sentou.

Alors, je n'irai pas dire que tous mes sketchs étaient parfaits, mais même s'ils l'étaient, ça justifiait selon moi l'abandon du one-man. Et c'est aussi pour ça que ça me prend du temps de finir ce deuxième. Car j'aimerai obtenir un résultats que j'aurai envie de voir, et que si quand je débutais mon one-man m'aurait sûrement plus, maintenant je sais que je n'aurai plus envie de le voir.

Full Disclosure: Je cite des noms d'artistes sans leur demander la permission, certains sont des connaissances-j'espère qu'ils ne seront pas vexé s'ils devaient me lire, encore que je crois ne faire que des compliments quand je donne les noms. Mais j'assume que cela puisse fausser mon jugement dans mes éloges.

Notes

[1] Je ne donnerai pas de nom pour illustrer les critiques négatives

[2] Encore que ses sketchs aient une autre particularité sur laquelle j'aimerai revenir un jour. Edit: C'est fait

[3] Bien sûr son spectacle a plein d'autres qualités. D'ailleurs, j'aimerai faire un billet à son sujet, mais ce n'est pas possible sans spoiler le contenu de la pièce; et comme je connais Yonathan, c'est délicat d'écrire à son sujet, ce n'est pas comme écrire à propos de Raymond Devos, qui est mort et que j'admire de loin.