Évolution des Intervention en Milieu Scolaires

C'est ma sixième année à faire des interventions en milieu scolaire. J'ai été plutôt absent l'an dernier, pour cause de fin de thèse. Ci-bien qu'à la réunion de rentrée de cette année, je ne connaissais plus grand monde. Et je réalise un truc génial: quand moi je vois tout le chemin parcouru, eux ils voient ce qui reste à faire. Si je me dis qu'on a énormément progressé, certains jeunes se disent qu'on est encore loin et ont des idées pour aller plus loin. Je ne les verrai peut-être pas toutes, car elles prennent parfois du temps à mettre en place et je finirai par atteindre l'âge limite de l'association.

Ça me donne en tout cas envie de faire un petit récapitulatif des différences entre le souvenir que j'ai des IMS en 2012, quand j'ai commencé, et celles de 2016.

Les changements

Les intervenants

Le responsable en 2012 avait plutôt un mode de pensée qu'on peut qualifier d'assimilationniste. C'est-à-dire, il nous était fait comprendre qu'on nous conseillait d'être d'apparence plutôt standard. Ce n'était pas dit explicitement, mais c'était le cas de tous les intervenant-e-s et je ne pense pas que faire autrement aurait été bien vu. Le message était vraiment que nous ne sommes pas différent-e-s et indistinguable. Aujourd'hui, des intervenant-e-s aux cheveux colorés sont courant-e-s. Personnellement, j'ai gardé cette vision de mes débuts et je sais que je m'assure d'avoir une barbe symétrique[1] et que mes cheveux cachent mon écarteur.

Nous avons eu deux intervenants hétéros. À ma connaissance, on n'en a plus aujourd'hui.

Il y a eu un intervenant trans avant moi. Un autre qui a pensé faire des interventions, mais qui, à ma connaissance, n'en a jamais fait. Puis aujourd'hui, une bonne moitié des intervenants sont non-binaires. Ce qui a été la cause du départ d'au moins une intervenante qui n'arrivait pas à se faire au fait que notre responsable soit appelé par deux prénoms et que le fait que certains le genrent parfois au masculin, parfois au féminin, devenait trop compliqué pour l'intervenante.

Les élèves

Le responsable de mes débuts commençait ses IMS par l'assertion: « on va supposer que tout le monde dans la classe est hétéro». Aujourd'hui, on dit simplement qu'on n'est pas là pour savoir qui a quelle orientation sexuelle. Mais on ne suggère pas que les élèves doivent nous donner la leur. Par contre, on continue de supposer, en s'adressant aux élèves, que leur genre et celui qu'on leur assigne automatiquement en les voyant. Je me demande si un jour, dans certaines classes, on fera comme on fait dans l'association: on demandera aux gens de donner leurs pronoms[2]. Ça semble mal parti, car la plupart des nouveaux/elles de l'association ne comprennent pas la question,et mettent un moment avant d'intégrer qu'il faut dire cela lors du tour des prénoms qui nous aide à nous connaître. Et si les nouveaux/elles intervenant-e-s ont du mal, alors les élèves en auront bie plus.

En 2013, les élèves étaient persuadé-e-s qu'on était là à cause du débat du mariage pour tous. En 2014 c'était encore à cause de la Manif Contre Tous.

J'ai l'impression que depuis l'an dernier je tombe plus régulièrement sur des élèves qui ont entendu le mot pan. Par contre, je ne vois pas d'évolution dans les classes quant aux nombres de CO/d'élèves déjà ouvertement homo/bi. Toujours pas vu d'élèves ouvertement non-cis.

Durant l'IMS

La vidéo de témoignage de membres de l'association a changé deux fois. On est passé des VHS au dvd puis aux clefs USB. Et surtout, on a rajouté «pan», des trans et des non-binaires. On a supprimé la partie sur le PACS. Et considérablement changé la partie sur le mariage, puisque ce n'est plus un rêve lointain pour ceux/celles qui le veulent, mais quelque chose de possible, qui reste pourtant sujet de débat.

Nous parlons de genre en IMS. Quand j'ai commencé, je n'en avais jamais entendu parler. Un peu plus tard, c'est devenu un sujet dont certains parlaient s'ils avaient le temps, mais qui était souvent ignoré. Maintenant, on refait presque systématiquement le bonhomme pain d'épice.

De même, les mots asexuels/aromantiques sont apparus récemment. Avec réticences de certain-e-s qui trouvaient que ça commençaient à faire trop de mot pour les élèves, qu'on allait les perdre et qui ne voyaient pas l'intérêt[3].

Autour de l'IMS

Nous avons un « guide de l'intervenant ». Un document de quelques dizaines de pages, récapitulant tout un tas de choses que les intervenants doivent savoir. Tous les intervenants ne le lisent pas, je doute que ça soit un souci facile à régler. Mais pour ceux apprécient ce genre d'aide, c'est un allié précieux. Que ce soit pour le consulter en IMS sur un fait qu'on ne connait pas par cœur, ou pour trouver des idées.

Nous avons des formations aussi. Sur des sujets qui varient beaucoup. Trop peut-être, puisque j'ai rarement vu deux fois la même formation programmée, alors que je suis le deuxième plus vieux intervenant et que des formations fortes intéressantes de mes débuts n'ont pas été faites aux nouveaux/elles.

Nous avons des archives. Avant 2012, nous ne savons pas combien d'IMS on a fait, où, qui était nos contacts. Aucun système de transmission n'avait été mis en place par les responsables.

En apportant des gâteaux vegans à une réunion d'intervenant, je suis passé de « pourquoi vegan ? De toute façon, les bananes ne sont pas vegan », ah « cool ».


P. S.

Je ne veux pas dire de mal du responsable de mes débuts. Je dis des choses aujourd'hui considérées comme négative. Aujourd'hui, je sais ce qu'il restait à faire après lui. Je ne sais pas d'où il est parti. Il a peut-être fait un boulot énorme, sûrement même. Mais comme c'était là quand je suis arrivé, je le prenais pour acquis.

Cette remarque est d'autant plus évidente et importante pour moi que je vois le boulot gigantesque qu'a fait mon deuxième responsable. Créant un premier rapport sur les IMS, encadrant la mise en place du guide de l'intervenant et, il me semble, de la création des archives des IMS. Il s'est aussi bougé pour qu'on reçoive des formations sur des sujets précis (alors qu'on avait avant juste des discussions de groupes). Alors, je suis déçu, quelques années plus tard, de n'entendre plus du mal de lui. Et puis encore d'autres années plus tard, de ne plus rien entendre sur lui. Vu que, comme tous les anciens, il est inconnu des nouveaux.

En tout cas, je sais clairement que dans 6 ans, les gens diront autant de mal de nous. En particulier parce que, ce qui est nouveau, c'est qu'ils ont une trace de ce à quoi ressemblait une IMS qui se passe bien en 2015[4]. Et que si on commence déjà à me signaler certains défauts. Certaines choses où l'on peut honnêtement me dire « comment tu pouvais dire ça », alors il y en aura bien plus dans 5 ans ! Par exemple si l'idée défendue dans être monosexuel/romantique est sexiste[5] devient monnaie courante.

Notes

[1] Le reste du temps, elle est rasée sur le côté gauche uniquement.

[2] C'est-à-dire dire si la personne préfère avoir des adjectifs genré au masculin, au féminin, ou autre.

[3] Mon point de vue reste qu'ils n'ont pas à connaître tous ces mots. Mais qu'entendre l'explication peut aider ceux qui se retrouveraient dans la définition. Et combattre légèrement le fait que le sexe et les relations soient imposées comme étant un sujet qui permettra de juger de votre réussite dans la vie.

[4] J'ai une grande fierté, un-e intervenant-e m'a dit que c'était cette vidéo qui lui a donné l'envie de faire des IMS avec nous.

[5] Qui pour moi est une conclusion cohérente des axiomes aujourd'hui admis dans l'association.

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